Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 02 septembre 2010

Loges d'antan

la_malibran.jpg

La Malibran

 

J'annonçais la fin d'un triptyque Vignyste. A tort. Cette série de posts, c'est un polyptyque ! Car je ne peux manquer d'ajouter ce passage, encore extrait de la biographie d'Alfred de Vigny par Maurice Allem, et qui relate d'une belle façon la rencontre entre deux grandes actrices du XIXème siècle : la Malibran vieillissante et mystérieuse, et Marie Dorval, comédenne inégale, dont Vigny fut fou.

"Ecoutons" Maurice Allem, donc :

"Un soir de mars 1830, au cours de la représentation d'un mélodrame quelconque, dans lequel elle avait obtenu un prodigieux succès, Vigny alla féliciter Marie Dorval pendant un entr'acte, et la tragédienne lui dit qu'elle se trouvait fort intriguée par la présence, depuis plusieurs soirées, dans la même loge, d'une dame vêtue de noir et voilée, qui ne cessait, sous son voile, de s'essuyer les yeux.

Vigny répondit qu'il connaissait très bien cette dame, qu'elle était une des ses bonnes amies, et il offrit à Mme Dorval de lui présenter l'inconnue à la fin du spectacle.

Dorval accepta ; après le spectacle, l'inconnue parut, en effet, accompagnée d'Alfred de Vigny, et, prenant les deux mains de la tragédienne, elle lui dit d'une voix pleine encore de larmes :

- Ah ! madame, que vous êtes belle et touchante dans cette pièce !

Mme Dorval touchée, par un tel éloge, pria l'inconnue de vouloir bien se nommer ; et celle-ci relevant doucement son voile, dit :

- Je suis la Malibran.

Ce seul nom émut davantage encore Mme Dorval ; elle avait justement dans sa loge le portrait de la Malibran chantant la Romance du Saule ; elle la lui montra et lui déclara qu'elle regardait cette image comme "la Madone de l'art".

Les deux actrices tombèrent alors dans les bras l'une de l'autre.

marie_dorval.jpg

Marie Dorval

 

dimanche, 29 août 2010

Les poètes maudits

hotel métropole 1.jpg

Photo Sara

 

Nous avons récemment cité deux portraits de Vigny, écrits par Lamartine et Dumas.

Maurice Allem, dans sa biographie d'Alfred de Vigny publié à Paris aux éditions Louis-Michaud en 1911, dresse un portrait émouvant des "poètes maudits", que Jules Vallès ou Vigny lui-même ont si bien décrit.

"Victor Hugo et Vigny semblent s'être moins vus souvent à partir de 1830 ; mais à cette date le groupe romantique commence à perdre de sa cohésion ; si de nouvelles recrues lui arrivent encore, comme Théophile Gautier, (...) d'autres, comme Alfred de Musset, s'en éloignent déjà ; certains, et c'est le cas de Vigny et de Hugo, ont a présent conquis une sûre renommée, ils sont de plus en plus absorbés par le souci de leur propre carrière. La brèche est faite. Individuellement, chacun va passer. Les poètes qui seront maintenant attirés par l'éclat romantique seront souvent de pauvres jeunes gens, dont le talent poétique égalera rarement le saint enthousiaste, et qui, loin des salons où leurs aînés se réunissaient et s'organisaient pour la guerre, mourront lentement, à la lumière d'une faible lampe, dans leur chambre sans feu. Ceux-là seront vraiment, non pas les maudits, sans doute, comme l'écrira bientôt Alfred de Vigny, comme plus tard doit le redire Baudelaire, mais les hallucinés et les faibles, ceux qui n'auront pas su voir la réalité telle qu'elle est, qui ne se seront pas vus eux-mêmes tels qu'ils sont, et dont quelques uns, - un trop grand nombre -, las d'attendre sans lutte une fin qu'ils désirent, ne trouveront que le courage de hâter l'heure de leur mort".