lundi, 22 mars 2010
Tout autour de la tombe
J'aurais mis plus de dix ans à lire intégralement les mémoires de Chateaubriand. Je reproduis quelques passages, où il tourne autour de sa tombe... 3 passages d'outre tombe. (Bien avant lui Eschyle disait... "un viellard est une ombre errante à la clarté du jour").
Il fait un grand soleil d'hiver et je trouve que ce sont les plus beaux. Ils donnent une lumière blanche qui tombe en nappes éclatantes, mais diffuses. Cette lumière m'enthousiasme et lorsqu'elle un vent léger la traverse, alors la vie vaut la peine d'être vécue. Joseph Campbell disait que ce n'est pas "un sens à la vie" que nous cherchons tous, comme des loups affamés. C'est la sensation d'être vivant.
Merci aux froids soleils d'hiver et au vent léger de me donner l'impression éclatante de vivre.
"Cette société, que j'ai remarquée la première dans ma vie, est aussi la première qui ait disparu à mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bénédiction, le rendre peu à peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand-mère forcée de renoncer à sa quadrille, faute des partners accoutumés; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour où mon aïeule tomba la dernière. Elle et sa soeur s'étaient promis de s'entre-appeler aussitôt que l'une aurait devancé l'autre; elles se tinrent parole, et madame de Bedée ne survécut que peu de mois à mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-être le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existé. Vingt fois, depuis cette époque, j'ai fait la même observation; vingt fois des sociétés se sont formées et dissoutes autour de moi. Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans cesse à la nécessité de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah ! qu'elle ne nous soit pas trop chère ! car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son coeur ?"
"En ce temps-là, la vieillesse était une dignité; aujourd'hui elle est une charge".
"Toute notre vie se passe à errer autour de notre tombe ; nos diverses maladies sont des souffles qui nous approchent plus ou moins du port. Le premier mort que j'aie vu, était un chanoine de Saint-Malo ; il gisait expiré sur son lit, le visage distors par les dernières convulsions. La mort est belle, elle est notre amie ; néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante".
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