mercredi, 06 janvier 2010
...comme il est facile de juger, et difficile de vivre...
"On frémit..... quand on sait comme il est facile de juger, et difficile de vivre,
et comme c’est rapide, un jugement, et comme c’est long, une vie".
Montherlant
À propos de la pièce La guerre civile
"Les serpents littéraires, biographiques et anecdotiques qui suivent les hommes sortant un peu de l’ordinaire n’ont pas effacé les traces de Pompée. Après deux mille ans, il vit encore, plein de bruits et d’actes, et comme soutenu par les jugements malveillants qu’on porte sur lui. On frémit (c’est une façon de parler, car personne ne frémit) en voyant exécuté en quatre lignes, dans les dictionnaires, l’effort de toute une vie, quand on sait comme il est facile de juger, et difficile de vivre, et comme c’est rapide, un jugement, et comme c’est long, une vie. Les historiens qui, les pieds dans des pantoufles, entre leur radiateur et leur frigidaire, et n’ayant d’autre adversaire à vaincre que la feuille de papier blanc sur laquelle ils écrivent n’impore quoi en toute impunité, les historiens ont beau jeu à traiter avec désinvolture les personnes qui ont remué ce que remua Pompée pendant trente-cinq ans, dans le chaos sanglant qu’était alors l’empire romain (étant réservé le problème de la vanité de l’action, sur lequel j’ai dit mon sentiment bien des fois). Pour moi, mon objet ici n’a pas été de juger cet homme : on ne juge que sur dossier, et les arrangeurs ne font pas un dossier. Je n’ai voulu que rêver un peu sur un immense retournement de fortune, et en sortir quelques circonstances dorées par la mélancolie de l’Histoire".
Henry de Montherlant, 1958
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mercredi, 16 décembre 2009
La Guerre Civile
Par Henry de Montherlant
"Je n'ai voulu que rêver un peu sur un immense retournement de fortune,
et en sortir quelques circonstances dorées par la mélancolie de l'Histoire".
Le début de la pièce de théâtre "La Guerre Civile" commence par le chant d'un choeur : le choeur qui joue la guerre civile.
"Je suis la Guerre Civile. Et j'en ai marre de voir ces andouilles se regarder en vis-à-vis sur deux lignes, comme s'il s'agissait de leurs sottes guerres nationales. Je ne suis pas la guerre des fourrées et des champs. Je suis la guerre du forum farouche, la guerre des prisons et des rues, celle du voisin contre le voisin, celle du rival contre le rival, celle de l'ami contre l'ami. Je suis la Guerre Civile, je suis la bonne guerre, celle où l'on sait pourquoi l'on tue et qui l'on tue : le loup dévore l'agneau, mais il ne le hait pas ; tandis que le loup hait le loup. Je régénère et je retrempe un peuple ; il y a des peuples qui ont disparu dans une guerre nationale ; il n'y en a pas qui ait disparu dans une guerre civile. Je réveille les plus démunis des hommes de leur vie hébétée et moutonnière ; leur pensée endormie se réveille sur un point, ensuite se réveille sur tous les autres, comme un feu qui avance. Je suis le feu qui avance et qui brûle, et qui éclaire en brûlant. Je suis la Guerre Civile. Je suis la bonne guerre".
Henry de Montherlant
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