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mardi, 09 septembre 2014

Adieu, Sofia Andreevna !

"...j'ai pénétré dans cet univers enfantin charmant et grave, qui nous contraint, malgré nous, à croire en la vie, en son importance, en sa haute signification."

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- Edith, puis-je te demander un service ?

Ma sœur avançait vers moi, l'expression hagarde. 

- Que se passe-t-il ?

Elle me tendit un livre.

- Peux-tu, si tu en as le courage, regarder la fin de l'histoire, me dire si tu vois qu'il y a un viol à un moment, de l'héroïne Unna, par un personnage nommé... (J'ai oublié le nom de ce personnage brutal). Je t'en prie.

- Bien sûr, déesse.

J'ouvris le roman.

- Vers la fin du roman, par là. (Elle me montrait les pages qu'il fallait que je feuillette).

Il s'agissait d'un roman de Youri Rytkhéou, cet auteur russe de la nation tchouktche, qu'AlmaSoror a déjà eu l'occasion de mentionner à plusieurs reprises (dans les billets La traduction de l'humanisme, Il était une fois l'animal, La ville de perdition et L'étrangère aux yeux bleus).

Ce roman, c'était Unna.

Je consultais les dernières pages, confirmais à ma sœur, harassée par la noirceur du roman d'un auteur qu'elle admire, que la fin était absolument atroce, et la vis ranger l'ouvrage dans une étagère à une place dont, j'en avais la certitude, il ne bougerait pas avant longtemps.

Eh bien, je comprends ma sœur, et je crois que je vais ranger définitivement le Journal intime de Sofia Tolstoï, dont j'ai lu les six-cents premières pages avec passion. Pourquoi descendrais-je en enfer avec elle, et avec toute la famille Tolstoï ? Pourquoi suivrais-je pas à pas les méandres d'une mesquinerie qui se propage, avalant toute velléité de grandeur, tout vestige de bon sens ?

Avant de poser le gros livre définitivement, je pose ici quelques extraits.

15 septembre 1897 : "Nous constatons que cet infini qui, en notre jeunesse s'étendait devant nous, devant nos aspirations, nos efforts, nos forces intellectuelles et physiques, nos occasions de nous cultiver, cet infini rétrécit et disparaît avec l'âge et à sa place se dresse un mur qui marque la limite de nos forces et de notre existence.
C'est alors qu'il faudrait transférer cet infini au-delà des limites de cette vie-ci, et pénétrer dans le domaine de la vie future".

21 octobre 1897 : "Je me rappelle la semaine que j’ai passée là-bas : la boue dehors, la saleté dans ces deux pièces où Léon Nikolaïévitch et moi avons vécu, les souricières dont le volant se refermait sans cesse sur une souris prise. Des souris, des souris à n’en plus finir ! Une maison froide et déserte, un ciel gris, une pluie fine, l’obscurité, ces allées et venues à la lumière de la lanterne pour déjeuner et dîner chez Liova ; des copies, des copies du matin jusqu’à la nuit ; le samovar qui fumait, l’absence de domestiques, un silence mortel".

2 avril 1898 : "Pourquoi maintenant la vie passe-t-elle si vite, et presque imperceptiblement, comme un rêve ? Si j'étais plus normale, je vivrais de manière plus consciente et plus consistante. Plus tard, avec le temps, regardant en arrière, comme on le fait toujours, je comprendrais tout mon passé, je l'évaluerais et je le regretterais (encore une fois, comme on le fait toujours), je regretterais mon inaptitude à en avoir profité. Ainsi, à de rares exceptions près, la vie se passe en désirs et en regrets".

Ce passage, me rappelle une réflexion de Cosima Wagner dans son propre journal, qu'on trouve ici sur AlmaSoror : « c'est le rêve de la vie ; on est dévoré de nostalgie dans l'attente de quelque chose, et, quand ce quelque chose est atteint, on ne peut plus en jouir »

30 mars 1901 : "Aujourd'hui, j'ai communié. J'ai eu beaucoup de mal à me recueillir. La contradiction entre ce qu'il y a d'authentique à l'église, ce qui constitue son fondement, et les rites, les cris brutaux du diacre, cette contradiction est si grande qu'elle est difficilement supportable et qu'elle donne envie de fuir. C'est cela qui détourne les jeunes.
Hier j'étais à l'église où des aveugles chantaient merveilleusement bien. Je me disais que les gens du peuple se rendent à l'église un peu comme nous allons à un bon concert symphonique. Chez eux à la maison - la pauvreté, l'ignorance, le labeur incessant. On vient au temple, vers la lumière, les chants, le spectacle... Ici, il y a l'art, la musique, et ce qui justifie la distraction, l'état spirituel, la religion approuvée, considérée même comme une chose bonne et indispensable. Comment vivre sans cela ?"

31 décembre 1899 : "Où est le bonheur ? Où est la tranquillité ? Où est la joie ? Mais dans l'univers des enfants, que je viens d'apercevoir en faisant un saut à Grinevka, où j'ai organisé un arbre de Noël ; j'ai pénétré dans cet univers enfantin charmant et grave, qui nous contraint, malgré nous, à croire en la vie, en son importance, en sa haute signification. Et encore : dans la nature calme et pure, au sein de laquelle j'ai vécu à nouveau pendant trois jours, admirant la blancheur infinie des champs et le givre qui luit sous un soleil éclatant, recouvrant forêts et jardins".

 

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dimanche, 20 octobre 2013

Cosima au jour le jour

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Le journal que tint Cosima Wagner est riche d'enseignement sur la vie de son époux, traversée de crises d'exaltation et de désespoir.

Âgé de 58 ans, il décide soudain de renoncer à écrire sa biographie (cette décision ne durera pas plus de quelques jours), car, s'effondre-t-il, "Je crois qu'il s'en dégagera une horrible monotonie pour le lecteur : toujours des projets qui ne mènent à rien !"

Ô Richard Wagner, tu apparais parfois dans nos humbles sentiers almasororiens :

L'amour et l'Occident

Dignité de l'artiste et du public

Sur la confrérie de Baude Fastoul

 

(J'avais encore noté cette phrase de Cosima Wagner : « c'est le rêve de la vie ; on est dévoré de nostalgie dans l'attente de quelque chose, et, quand ce quelque chose est atteint, on ne peut plus en jouir »).

vendredi, 09 novembre 2012

La confrérie de Baude Fastoul

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«Quid dulcius quam habere quicum omnia audeas sic loqui ut tecum?»
Cicero

La Confrérie de Baude Fastoul a été créée à la fin du mois de septembre, de l'an 2012.

De quoi s'agit-il ?

Un petit groupe de gens prend la décision de tenir un journal, quotidien si possible. Ils y consignent les faits du jour. Certains restent dans le domaine de leur profession, d'autres notent tout ce qui a lieu dans leur vie. Certains parlent de façon intime, d'autres écrivent quelques notations amusantes à propos de la journée. Certains couchent deux phrases, d'autres détaillent leurs achats, leurs émotions, le déroulement de leurs actions...

Tous sont Compagnons de Baude Fastoul. Tous participent à une grande fresque.

 

Une fresque ?

Une fresque littéraire ! Cette fresque, constituée de tous les journaux, sera le témoignage d'une époque donnée, par divers lorgnettes. Le lecteur du futur y trouvera des informations sur les professions des Compagnons, l'état des villes à notre époque, et tout ce qu'on trouve dans les textes d'époque.

Nous sommes issus d'univers politiques, sociaux, professionnels, différents, quelque fois antagonistes... La fresque sera bigarrée ! 

Afin que chacun reste libre d'écrire ce qu'il pense, nul n'est obligé de dévoiler son journal avant sa mort.

 

Post-Mortem...

Lorsque le dernier d'entre nous sera mort, un site Internet dévoilera tous les journaux. Trois sortes d'accès seront possibles. Un accès chrolologique : on clique sur une date - 3 novembre 2017, par exemple - et toutes les pages de journal écrites ce jour là apparaissent. Un accès lexical : on tape "mosquée" et toutes les pages de journal contenant ce mot apparaissent. La troisième entrée, est tout simplement l'entrée par personne : On clique sur "Sonia Branci" et son journal défile.

 

Moi, par exemple...

Je tiens mon journal depuis le 23 septembre.

Alors ?

L'impression de laisser quelque chose du jour en consignant quelques faits, quelques émotions dans ce journal, me soulage. Comme si j'avais trouvé une arme, une feinte, contre le temps.

La déception que ce que j'y consigne ne vaut pas tripette et ne ressemble pas à l'oeuvre que j'aimerais faire me dépite.

La structure que constitue cette confrérie de Baude Fastoul, l'espoir qu'un jour une grande fresque faite de dizaines de journaux se déroulera devant l'esprit de lecteurs qui n'auront pas connu les temps où nous écrivons, me donne du courage, en ôtant de l'importance à la qualité de mon journal, qui prend sa valeur conjointement aux autres journaux.

 

Les compagnons de Baude Fastoul à l'heure d'aujourd'hui :

Vincent Stanislas

Samuel de Cornulier

Sonia Branci

Jérémie Gallois

Anne de La Roche Saint-André

Jean-Pierre Bret

Dominique Le Brun

Axel Randers

Édith de Cornulier

Aleixandre Loisnac

Katharina Barrows

Javiera Coussieu

Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

Maud Martin

Pascal Guimard

 

Mais qui est Baude Fastoul ?

Un trouvère picard du XIII°siècle.

Atteint de la lèpre, il savait qu'il lui fallait entrer dans une léproserie dont il ne sortirai jamais.

Alors il composa son congé : un chant en vers, pour dire adieu au monde et faire chanter son coeur avant de s'enfoncer dans le noir.

Merci à lui.

Merci à vous, mes Compagnons.

 

Edith de CL

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 Parmi les journaux passionnants qu'on peut lire, citons celui d'un bourgeois de Paris, datant du XV°siècle, celui de Dangeau (tenu à la Cour de Louis XIV), celui de l'armateur sablais André Collinet, celui de Cosima Wagner, qui nous révèle l'homme dont sortit Tannhauser...
Mentionnons enfin les correspondances (de Madame de Sévigné pour ne citer qu'elle), les mémoires (du Chancelier von Bülow, de Saint-Simon, etc mille autres mémoires).

Le témoignage direct de la vie d'une époque est ce qui nous intéresse. Et notre fresque fastoulienne permettra aux lecteurs de faire face à la multiplicité des façons de vivre, des idées, des interprétations... En plus de permettre une vision plus complète de la vie quotidienne de notre époque, puisque nous ne mentionnerons pas les mêmes types de détail.

 

POST-SCRIPTUM

Si d'aventure vous lisez ce message entre le 9 novembre et le 29, que vous êtes né avant 1990 et qu'en profondeur l'envie de participer vous prend, n'hésitez pas à nous le dire en commentant ce billet.