lundi, 02 octobre 2017
Vivaldi remixé fait trembler les meubles d'un antre solitaire
Le matin je joue les études de Chopin quand je suis en forme, le petit livre d'Anna Magdalena Bach quand j'ai mal dormi ou bu la veille. L'après-midi, je passe en boucle, sur ma chaîne hifi puissante, les quatre saisons de Vivaldi remixées façon techno. Le salon devient un espace festif dans lequel personne ne danse, ma silhouette voûtée au bureau se lève parfois pour sauter en levant les bras jusqu'au réfrigérateur de la cuisine attenante, c'est tout. Les basses binaires ajoutées aux Quatre saisons distordues emplissent l'air et moi j'écris. J'écris sur commande en espérant que mon épisode sera accepté, j'écris en avance ou en retard, j'écris et j'éprouve une satisfaction proportionnelle au prix que m'est payé l'épisode une fois que je l'ai enfin terminé – et envoyé, presque certain qu'il sera accepté. Car j'ai appris à déceler les marottes et les goûts des directeurs d'écriture névrosés, qui tournent à la cocaïne et aux poncifs.
Au-dessus de ma table, une affiche (qu'il faudrait que j'encadre) des quatre cavaliers de l'apocalypse, dessinés par mon pote Énoch Dreyermeer. Je l'adore, elle me rappelle cette amitié qui m'exalte, les romans de fantasy de mon adolescence et les chevaux du château de Chantilly, que ma grand-mère m'emmenait voir tous les mercredis après-midi quand j'étais môme.
Mais salut, je vous laisse, Vivaldi décapé par la techno émet ses sons fous et je fois finir un épisode qui rassemble à la fois un premier baiser, la révélation d'un géniteur autre que le père officiel et des soucis professionnels naissants. À bientôt.
K. L-M
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jeudi, 31 juillet 2014
Musique d'un exil provincial
Vous lisez un texte qui fut chargé de liens qui coulaient entre ses veinures. Cliquez, visions sonores, images parlantes, qui sait ? L'écriture automatique n'a rien d'un tempo machinal. Mais les liens sont morts. Désactivés.
Les victimes des dictatures du monde entier souffrent de l'exil. Moi je ne fais que hanter les rues d'une province, à quelques heures de train-grande-vitesse de la capitale. Aussi mon exil est-il indicible, et je ne dis rien d'autre que ma joie du soleil. Grande joie du soleil, tu inondes mon être et tu accompagnes cette étonnante prolongation musicale qui a lieu jour après jour depuis la première fois où j'ai mis de la musique dans cet appartement éphémère.
J'ai des périodes planantes, atmosphériques et minimalistes . Dakota Suite. Hammock. Yellow 6. Biosphere
J'ai de longs tunnels de souvenirs. Dire Straits. U2.
J'ai des phases d'ascenseur. Tord Gustavsen Trio.
J'ai des descentes classiques, bien que ce mot ne convienne strictement pas à la musique qu'il englobe. Wagner. Schubert. En fait, il faudrait éliminer ce mot ridicule de classique et orienter les musiques selon d'autres catégories. Je m'y emploie :
Frank Martin, Francis Poulenc, Klaus Nomi et Nina Hagen, tous fils de l'épopée classieuse teintée de punk.
Dans la blancheur presque triste et si monotone de la ville tranquille, les affiches sur les devantures ou les radios dans les cafés parlent du vaste monde. Bombes sur la Palestine, attentats suicides sur Israël, et leurs émules dans les rues de Sarcelles, Paris, Marseille. Guerres importées par l'immigration, guerres exportées par les besoins insatiables du capitalisme en Syrie et en Afghanistan, destruction de pays au nom de la démocratie et des droits de l'homme, catéchisme souillé par ses clercs, comme tous les catéchismes. Christ trahi par les églises, droits de l'homme trahis par ceux qui en vivent (Proudhon : « la pensée d'un homme en place, c'est son traitement »).
Interzone, je te suis dans les méandres mécaniques de ton tempo trop lent. Tu sais détruire les fragiles édifications intellectuelles, tu sais effacer les dialogues trop ressassés.
Vidéos pour faire le vide. Contrairement à une voiture qui s'arrête à des stations essence pour faire le plein, je dois quelquefois cesser toute action pour faire le vide. Le miroir s'enfonce dans le miroir dans un château bourguignon, non loin de Montréal. Des images se succèdent, défilé à peine lyrique des formes pures. Ou quel fou laissa ce bateau amarré voguer quand même de longues minutes sous le joug sonore scandinave ?
Tout cela ne vous emportera peut-être pas aussi loin que mon rêve. Chacun, nous avons nos rêves, qui qui sait d'où ils viennent et où ils iront. La vie qui nous est donnée est courte et amputée déjà, dès le départ, par l'atrophie des pensées et des sentiments. Nos sensations nous blessent ou nous exaltent, mais les voilà déjà parties. Je me regarde dans la glace comme la plupart de mes contemporains, cette foule sans idéaux, et je ne sais pas qui je suis. Peu importe, le temps passe, la mort viendra bien, bien avant que j'aie tenté quelque chose. À moins que je n'essaye dès aujourd'hui ? Lire, écrire, penser, agir, construire quelque chose, là où la loi a oublié de l'interdire, là où le regard d'autrui ne songe pas à se poser.
Ils reviennent de vacances et déploient leurs photographies mais je n'ai aucun album à dévoiler de mon grand voyage intérieur. Pourtant j'ai vu des choses, sombres et pleines de lumière, le matin et le soir, et j'ai vaincu le Temps.
Peut-être aussi que j'écoute les départs pour oublier le Départ ; peut-être que je fuis les tropiques parce que j'attends les Tropiques. Peut-être que je vois des bulles pour être soûle, soûle, soûle. Peut-être qu'une étoile m'a ouvert des portes de la perception ?
C'était l'époque où je cherchais partout quelqu'un que je ne rencontrais pas, quelqu'un qui ait du charme, un charme fou et irrécupérable. C'était l'époque des arbres teintés de tous les verts nacrés dans la forêt touffue d'un décembre doux. Une forêt montagnarde où les feuilles des arbres ne tombent pas. Je voudrais réussir cette acrobatie, d'être fière de moi sans que personne ne soit jaloux de moi. Je voudrais vous éclabousser de mes rêves et de mes toiles d'araignée, de mes baisers de pluie, de mes rires éclatants, sans que vous en preniez ombrage. Les charismes nés de tromperies ou de mensonges ont des postérités désagréables.
Un autre jour ou dans un autre cauchemar (comment savoir?) une femme commentait négativement sa vie. L'insatisfaction se focalisait sur le destin qu'elle n'avait pas choisi. Il faut choisir, choisir, car toutes les erreurs valent mieux que l'aigreur d'avoir laissé passer les événements sans jamais rien en décider. Mieux vaut mille erreurs que l'aigreur. Mieux vaut des nuits sur le bitume que sur une couette trop d'amertume. Si tu ne choisis rien, choisis au moins de ne pas choisir, et que ton sacrifice soit consenti en héros qui porte sa croix.
Mar desconocido, mer inconnue, mer intérieure, mer amère et trop profonde, mer silencieuse de méandres et d'abysses, mer muette, mer peuplée de poissons et de créatures qui se désintègrent dès que la lumière les capture. C'est toi que je veux conquérir, toi qui brasses tes tonnes aquatiques à l'intérieur de mon corps, et pour cela je n'ai qu'à fermer les yeux. Tous les tours du monde trompent l'ennui. Toi, tu es brute, trop brute, étrangère à la tricherie. Tu m'appelles, tu m'attends, je te crains et je t'aime.
Tu m'emporteras.
Mais pour l'heure, le soleil tourne dans la cour comme un moulin. Le vent écoute sa propre voix. Au loin les passants conversent sans y penser, sur le chemin de la ville qui mène aux dunes.
Une femme écrit un texto qui mentionne « une couleur, une ampleur, une musique jusque-là inconnues ». Je crois entendre la poésie magnétique qui nous garde, enlacé(e)s à l'existence comme un fruit à son arbre.
Bande originale de cette errance :
Because our lie breathes differently - par Dakota Suite
I can almost see you - par Hammock
Maré - par Yellow 6 (alias Jon Atwood)
Laïka - par Biosphere (alias Geir Jenssen)
Water of Love - par Dire Straits
Numb - par U2
Being there - par Tord Gustavsen Trio
Extrait des pèlerins de Tannhauser - par Richard Wagner
Standchen (Sérénade) - par Franz Schubert
Messe pour double chœur - par Frank Martin
Finale du Dialogue des Carmélites - par Francis Poulenc
The Cold Song de Purcell - interprété par Klaus Nomi
Naturträne - par Nina Hagen
Interzone - par Serge Teyssot-Gay et Khaled AlJaramani
Spiegel im Spiegel, d'Arvo Pärt - interprété par Esmerine au château de Monthelon
Between Signal & Noise - par Eivind Aarset et Nils Petter Molvaer
Le départ - par Amandine Maissiat
Tropiques - par Amandine Maissiat
Soule - par Amandine Maissiat
Film :
The third & the seventh - par Alex Roman
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mercredi, 06 février 2013
Carte d'identité musicale
Je ne fume plus ; je ne veux pas travailler. Que faire ? Je succombe à la tentation d'élaborer, de façon forcément aléatoire, ma carte d'identité musicale, à la suite de Music Lodge.
Musicien que vous admirez le plus :
Richard Wagner
Groupes / artistes qui ont le plus compté dans votre adolescence
Tracy Chapman, Barbara, the Doors, Leonard Cohen, Daniel Balavoine, Patricia Kaas
Styles musicaux favoris :
Rock, classique, musique de films, grégorien
Un album
Tracy Chapman (l'album éponyme, comme on dit)
Une chanson
The Stranger Song, de L.C
Une oeuvre classique
Le miserere d'Allegri
Groupes / artistes qui vous ont le plus marqué (par ordre d’apparition dans votre vie, et 15 max.)
Ennio Morricone, The Doors, Barbara, Preisner, Ligeti, Schubert, Arvo Pärt, Terje Rypdal
L'artiste qui vous a le plus fasciné en live :
Aucun, je ne vais jamais au concert.
Si, en fait : le quatuor Ludwig, interprétant les 7 dernières paroles du Christ en Croix, de Haydn. C'était en 2011
Plaisir coupable (3 max)
Starmania ; Era ; le Grand Bleu
Jouez-vous (ou avez-vous joué) d’un instrument, si oui, le(s)quel(s) :
Guitare, chant, piano
Ce que vous préférez en musique :
Planer dans des zones où je ne me reconnais plus moi-même, ou je m'oublie, ou j'oublie le monde, ou, au contraire, être traversée d'admiration pour ce qui a lieu,la maestria avec laquelle l'oeuvre a été composée.
Par quel biais découvrez-vous de nouveaux artistes et albums :
blogs, ouïe-dire
Lisez-vous toujours la presse musicale (si oui, quels magazines) :
non
Combien de temps passez-vous à écouter de la musique :
Deux heures par jour, en ce moment, grâce à Grooveshark. Ça n'a pas toujours été le cas. Parfois, dans ma vie, durant de longs mois je n'écoute pas de musique, tout simplement parce que je n'ai pas l'instrument adéquat.
Hors de votre univers musical :
Groupe / artiste “respecté” que vous n’avez jamais supporté :
Noir Désir, trop moraliste (les FN y sont méchants et les gauchos y sont gentils et l'argent c'est pas bien et le peuple c'est bien oh yeah)
Styles musicaux que vous détestez le plus (3 max.)
Musique de supermarché, quelle qu'elle soit ; rap victimaire de débiles qui se croient malins de haïr la France qu'ils squattent.
Genre musical qui ne vous a jamais touché, mais que vous ne méprisez pas pour autant :
Le ska, l'opéra
Ce qui vous rebute le plus en musique :
Le bruit
Chanteurs que vous détestez viscéralement (5 max) :
Si c'est un rejet viscéral, je ne les connais même pas car je m'enfuis avant la fin...
Trois tubes que vous haïssez plus que tout (vous avez beau être pacifique, le simple fait de les entendre vous donne des envies de meurtre)
Femme libérée ; Allo maman bobo ; un homme O comme ils disent...
Pour finir sur une note positive, vos dernières grandes claques musicales cette année (3 max.) :
Jan Gabarek, Angelo Badalamenti, Frank Martin, mais sont-ce des claques ?
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