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vendredi, 20 décembre 2013

Monde parallèle et réalité officielle

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J'entends souvent accuser des gens d'être des "journalistes autoproclamés", comme si, pour dénicher, diffuser l'info à ses concitoyens, il fallait un agrément de l’État ou d'une école privée.

C'est le Centre National du Cinéma, institution publique, qui décide qui a le droit à la carte de producteur et quels films, français et étrangers, pourront sortir dans les salles de cinéma de France. Autrement dit, si l'on veut s'intéresser au cinéma libre, il est inutile de se rendre dans les salles de cinéma, ou de voir des films sortis officiellement, quel que soit le nombre de fois où les mots "résistant, audacieux, rebelle" sont prononcés à leur propos.

Hors subventions, directes ou indirectes, se trouve l'art parallèle, non officiel. De l'avis de beaucoup, il vaut moins, puisque ne bénéficie d'aucune reconnaissance des administrations, des institutions, des associations professionnelles.

Ce qui distingue l'officiel (le proclamé) de l'autoproclamé, ce n'est pas le propos, c'est le statut.

Or, ce statut n'est pas anodin. Ce statut donne à la personne - artiste, journaliste ou kwakseswa d'autre -, une chambre au Grand Hôtel de la Réalité Officielle. Le manque de statut force la personne à zoner parmi les rues sauvages du monde tel qu'il est.

Le statut influence les conditions de production de l’œuvre, les conditions de réalisation d'un reportage. Autrement dit, le statut se ressent dans le résultat final.

Ne pas attendre le statut pour agir, ainsi avance l'artiste libre, ainsi cherche le reporteur indépendant ; ne pas exiger le statut pour aimer, ainsi furète l'esthète autonome ; ne pas se fier au statut pour croire ou ne pas croire, ainsi se renseigne le citoyen conscient.

lundi, 19 août 2013

MODUS OPERANDI

Alexander Perls, Storm, aube, cuisine, cinémaEdith by Marin D

Storm, d'Alexander Perls

 Marin, mon cœur...

Entre quatre heures trente du matin et jusqu'à ce que la ville se lève, tu vis.

Musique : tu réécoutes celle sur laquelle tu avais fait la bêtise de ta vie à quinze ans, puis tu composes, debout immobile devant ta console, sans casque.

Écriture : tu splashes des trucs sur la page openoffice de ton ordinateur.

Cinéma : ta caméra filme l'aube naissante par la fenêtre et ce soir tu regarderas ce vide, ce bleu et peut-être, un instant, un oiseau ou une silhouette humaine qui traverse le champ.

Amour : tu envoies à tes web-correspondant(e)s des déclarations et des mots de rupture, des photographies ratées qui prennent sens à tes yeux, qui devront leur parler d'un homme qu'ils et elles n'ont jamais vu.

Cuisine : tu bois et tu manges, tant que tu peux, car quand le jour sera là tu n'auras plus assez de temps ni de dynamisme.

Argent : tu vérifies ce qu'il y a sur ton compte et tu suis tes ventes sur le site où tu diffuses tes vieilles affaires et tes vieux objets.

Entre quatre heures trente du matin et jusqu'à ce que la ville se lève, tu vis. Après, tu dors.

Alexander Perls, Storm, aube, cuisine, cinéma

On peut lire l'étrange entrevue du site belge la Médiathèque avec Noël Akchoté, qui a inspiré à Marin Dupontd ce mode de vie. C'est après l'avoir lue que Marin a modifié l'heure de son lever. Il savait qu'il ne pouvait vivre que deux heures par jour, aux heures où les autres dorment.

 

lundi, 01 juillet 2013

Faking the streets

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Un film d’Amos Mariecque
Avec Bob Mushran, John Peshran-Boor, Lilas L.S. Snuk, Vénéxiana Atlantica, Ondine Frager, Hélène Lammermoor
Produit par GUSH Productions, L.A., 2032.


Au fond d’une rue défoncée de Los Angeles, un homme marche en titubant. Un air de guitare électrique accompagne les images et une voix lancinante récite Jim Morrison :


" ...An angel runs
Thru the sudden light
Thru the room
A ghost precedes us
A shadow follows us
And each time we stop
We fall”


Le générique se termine et l’image fond vers le noir. CUT.
L’image qui suit tranche : dans une cuisine, à l’aube (l’image est bleutée, le bleu de l’aube, volontairement, n’a pas été atténué par un choix de pellicule), trois personnes parlent d’une voix traînante du film télévisé qu’ils ont vu la veille.
La mère, rousse, bouclée, aux beaux yeux bleus, semble avoir renoncé au bonheur. Elle traîne ses jambes, sa voix, sa vie.
Le fils aîné est nerveux et furieux. Il ne parle pas : il hurle. Il sait. Il sait que la vie est ratée pour presque tout le monde et qu’il faudra se battre et supporter, jusqu’à la mort délivreuse.
La fille chantonne et sourit. Elle essaie de passer un bon moment. Elle essaie d’être aimée par sa mère et son frère. Elle n’a pas renoncé, elle. Elle n’est pas cynique. Elle rêve d’avenir et de joie partagée. Elle est infiniment seule face à ces deux êtres dépités qui se comprennent et partagent leur cynisme. Ils la méprisent. Elle les aime.
C’est cette fille, Shaïna, que le cinéaste nous donne à suivre durant les longues mais fascinantes deux heures de film.
Shaïna rencontre Miles, un grand homme noir qui fut trompettiste et qui travaille comme barman dans des bars du quartier Allen-By. Elle le suit dans ses pérégrinations de demi voyou. Mais si lui sait d’où il vient et où il va, pour elle il s’agit d’une inconsciente descente aux enfers.
Le film parle de la vie ratée et du cinéma réussi. En témoigne cette scène. Shaïna sort de chez Miles, qui dort. Elle a un œil au beurre noir. Elle appelle chez elle pour obtenir du réconfort mais la mère est shootée, le frère excédé. Alors elle marche seule dans la ville. La voix off commence. C’est la voix mûre d’Ondine Frager. "J’ai vu un film en rêve. Ça s’appelait You loved me twice et ça racontait une fantastique histoire d’amour. Moi qui ne crois pas aux histoires d’amour, j’ai été transportée comme un passager du ciel. Tout au début du film, je crois que les images sont noires et blanches. Puis elle deviennent de plus en plus colorées et le film se termine sur un coucher de soleil flamboyant ".
C’est une femme plus âgée qui parle sur ce visage de jeune fille blessée. C’est peut-être - le spectateur l’espère de tout son cœur - la voix de la femme devenue plus vieille et qui sait allier rêve et réalité pour équilibrer sa vie.


Si l’histoire de Shaïna n’est pas trop désespérée, c’est à cause de ces flash, qui ne sont pas des flash back, mais des flash to, qui insèrent des images du futur, de ce qui sera.
C’est aussi parce que ce film est une mise en abîme de la vie - des vies - du cinéaste, un film où chaque mise en abîme creuse une mise en abîme, ce qui est imagé par l’image, à peu près au milieu du film, de la fillette, voisine du héros, qui joue avec des poupées russes.
Shaïna suit Miles dans ses bêtises, et on le sait d’emblée, elle paiera pour lui.
Au moment du braquage, Shaïna et Miles se déchirent. L’angoisse de l’échec immédiat révèle tout ce qui les sépare. Chacun, en quelques secondes, se retranche derrière tout ce qu’il n’a pu partager avec l’autre. Et c’est la fin. La fin de la cavale, la fin de l’histoire d’amour, et bientôt la fin du film. Les quelques scènes de flicaille et de sirènes qui durent ne sont là que pour nous préparer lentement à sortir de la salle de cinéma. Il n’y a plus rien à voir. La prison sera sans doute un lieu de réflexion, un temps de reconstruction. Peut-être pas de rédemption, puisque Shaïna au fond n’a rien détruit. Mais un temps de fortification. On sait, par les flash to, que Shaïna deviendra shaïnA, belle femme de cinquante à la voix douce qui respire le parfum des fleurs urbaines et qui se souvient.
C’est un film de ville. La ville, immense, répugnante, poétique, avale tout ce qu’elle abrite.
Encore un témoignage sur notre monde moderne, citadin et individualiste, où tout est possible et où les frontières de l’interdit et de la misère morale ne cessent de reculer.
Mais c’est aussi le seul monde où la liberté est possible, où la poésie sort de ses carcans ancestraux pour se laisser réinventer au gré des pérégrinations des personnages. Même Jumbo, le chien stupide à la bave perpétuelle, est un individu noyé mais plus entier que s’il était le chien d’une famille d’un petit village du Mexique, pas encore touché par le " monde moderne ".
Une réflexion déchirée sur la solitude libre et l’esclavage social. Entre peinture expressionniste et photographie noir et blanc, le film (qui alterne passages en couleur et noir et blanc) nous emmène loin dans l’Art du vide sans jamais tomber dans le vide artistique.

 

ECL 2033

lundi, 08 mars 2010

Sens et mystique du cinéma des années 2030, Part I

J'avais trop bu peut-être, d'eau de vie de pomme. Et Stella Mar hantait les lieux. Nous réalisâmes ensemble, à minuit, une interview autour de ma vie d'universitaire de la FaTransLiDaDat sur le sens et la mystique du cinéma euro-américain de la décennie 2030. C'était le 20 janvier 2053. J'y raconte 30 ans de réflexion amoureuse sur le cinéma.

Voici la première partie de ce "livre-entrevue". Je remercie chaleureusement InfoCulture Productions de m'autoriser à reproduire ce film presque cinquante ans avant sa sortie officielle.