samedi, 07 septembre 2013
Rue du Hasard
« Je n'ai jamais réussi à définir le féminisme.
Tout ce que je sais, c'est que les gens me traitent de féministe à chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec une prostituée ou un paillasson. »
Rebecca West (1892-1983)
Elle doit vraiment s'appeler la rue du Hasard, puisqu'à sept heures du soir j'y ai reconnu ton visage, sur lequel le temps avait laissé la trace de son passage.
Et ta voix peu à peu redevenait semblable à celle qui choisissait ses lunettes de soleil et ses bottines dans la rue de l'Annonciation.
Passy, années 2000 : tu marchais au bras d'un jeune homme si élégant que vous aviez l'air d'un petit couple de marquis des temps modernes. Les autres filles disaient "comme elle a de la chance !" et les garçons savaient que jamais ils n'auraient une fille comme toi, Héloïse.
Mais nous égrenions les prénoms du temps passé et je te répondais : oui, je le revois, il vit ici, oui, j'ai des nouvelles, elle fait cela. Et toi ? Toi, aux noms que je mentionnais, tu disais que tu ne sais plus rien d'eux.
Ce si beau jeune homme, que tu avais laissé un matin, seul dans son joli appartement du XVI°arrondissement où il révisait ses plaidoiries de la semaine à venir, je n'ai pas osé te le dire en apercevant la lueur inquiète valser dans ton regard : il s'est marié cet été, avec une autre belle, tout aussi belle que tu l'étais. Et dans le ventre d'Astrid un fœtus lentement se forme.
Mais je regardais dans cette rue du hasard tes mains crispées et tu me disais que non, tu ne retournais plus à Passy, chez tes parents.
Derrière toi, un homme tatoué faisait cling cling quand il bougeait, avec ses bagues, ses anneaux, ses colliers. Il portait dans ses bras sans amour un bébé endormi.
- Nous vivons rue Le Rouge et le Noir, là-bas. Et tu montrais une direction, vers le douzième et le vingtième arrondissement.
Nous nous quittâmes sans échanger de numéro. Tu marchais derrière lui, et en vous regardant disparaître au fond de la rue du Hasard dissipé, je me souvenais de tes bottines, de tes lunettes et de ton bras dans celui dont le nom t'a fait trembler.
Comment s'appelle ton destin ?
(Et si la musique de Schnittke qui accompagne ce billet vous a plu, c'est peut-être que vous ressemblez à Héloïse ou à J-F de Passy, ou à moi. Peut-être...)
Publié dans Chronos, Super flumina babylonis | Lien permanent | Commentaires (4) | | Facebook | Imprimer |
Commentaires
Héloïse... Hélo, vraiment ?
Écrit par : HL | samedi, 07 septembre 2013
Oui.
Écrit par : Edith | samedi, 07 septembre 2013
Est-ce une histoire vraie ? Si c'est le cas, c'est trop triste.
Écrit par : Sara | samedi, 07 septembre 2013
C'est une histoire à moitié vraie.
Écrit par : Edith | samedi, 07 septembre 2013
Les commentaires sont fermés.