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jeudi, 26 janvier 2012

La nuit du clochard

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Un clochard et son chien marchent sous un pont.

- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Plus loin.


Le clochard et le chien suivent le fil de l’eau. Ils passent devant un banc.

- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Plus loin.


Le clochard et le chien montent des escaliers. Ils arrivent sur une petite place pavée.

- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Encore plus loin.


Le clochard et le chien marchent longtemps dans la nuit. Soudain, le chien montre une bouche d’égout :

- Là ! crie le chien.
- Non, dit le clochard. Plus loin.


Ils se remettent en route. Ils marchent encore longtemps.

- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sous le pont ?
- Je n’aimais pas l’odeur.


Ils marchent. Les voitures passent très vite autour d’eux.

- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sur le banc ?
- Les bancs sont inconfortables pour les chiens, répond le chien.


Ils marchent. Le vent souffle. Ils ont faim. Ils ont froid.

- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sur la jolie place pavée ?
- J’avais peur des mauvaises rencontres, dit le chien. Je ne me sentais pas en sécurité.


Ils marchent. Une grue cache la lune. Ils sont essoufflés. Ils veulent vraiment dormir.

- Clochard, demande tout d’un coup le chien. Pourquoi tu ne voulais pas sur la bouche d’égout ?
- Les bouches d’égout sont inconfortables pour les clochards, répond le clochard. Ça n’aide pas à rêver.


Ils marchent, puis leurs jambes s’arrêtent. Ils ne peuvent plus marcher.

- Je ne peux plus marcher, dit le clochard.
- Moi non plus, clochard, dit le chien.


Ils s’allongent sur le trottoir. Clochard ouvre son long manteau et Chien s’y blottit à l’intérieur.

- Pauvre chien, dit clochard. Je ne te fais pas une belle vie.


Ils écoutent le bruit des voitures. Ils écoutent le bruit des sirènes. Ils écoutent le bruit des chaussures qui passent au loin.
Chien entend que Clochard ne dort pas.


- Clochard, dit Chien. Je connais un endroit très confortable pour les chiens. On s’y sent en sécurité. L’odeur est agréable.
Clochard écoute :
- Où est-ce ? demande-t-il.
- Dans ton manteau.


Clochard rit.
- Merci, chien, lui dit-il. Moi, je connais quelque chose de très confortable pour les clochards. Quelque chose de très pur, qui aide à rêver.
- Qu’est-ce ? demande Chien.
- Ton cœur.


Clochard et Chien s’endorment. C’est toujours comme ça, la nuit, dans la ville.

 

 

Edith de CL
2009

Commentaires

Je vois tous les matins ce chien et ce clochard, ou peut-être un autre chien et un autre clochard. Je penserai à ce poème demain matin lorsque je les croiserai, essoufflés de ne plus être couchés l'un contre l'autre.

Écrit par : Bruine | mardi, 31 janvier 2012

merci, Bruine, de ton passage.

Écrit par : Averse AlmaSoror | jeudi, 02 février 2012

Ce texte je l'adore !! Il faut que je trouve un moyen de faire un lien avec Un Sogno italiano . J'avais fait un jour une aquarelle "mêmement" inspirée , mais je ne la retrouve plus Je cherche encore ...
Merci Edith !

Écrit par : Emma | jeudi, 23 février 2012

Je vis le chien dans le manteau et l'amour corps à corps. J'étais le chien là à la recherche de la paix sans mouvement là juste contre son maitre.

Écrit par : lutin | samedi, 12 mai 2012

Les commentaires sont fermés.