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mercredi, 14 octobre 2009

No man's land

 

Gilles Magniont.jpg
phot Sara

 

 

Nous n'osons plus penser. Les barrières de mots nous contiennent dans la zone de non dits. Nous n'osons plus rêver. Car nos rêves ressembleraient trop aux royaumes interdits. Nous n'osons plus vivre : car la vie ressemble à ce feu qui nous est interdit. Nous n'osons plus chanter. Nos voix pourraient trahir nos désirs endormis. Nous n'osons plus pleurer : quelles larmes pourraient couler sans éroder les frontières de la morale proclamée ? Et la vie est administrative. Et la vie est scientifique. Réaliste, nous sommes le flot d'êtres qu'elle entraîne vers le bout du tunnel. 

Et toi, qui regardais d'un air différent quand les boites de nos vies se sont croisées, toi qui a levé le doigt, toi qui portais une bague, une chaîne et un long manteau noir... Toi dont la barbe paraissait fragile, toi dont les yeux semblaient noyés, où cours-tu ? Maintenant que le flot a changé de latitude, que les longitudes se sont mélangées, que les contremaîtres de la grande marche des hommes sont morts, où cours-tu ?

 

Des milliers d'être à peine entrevus essaient de se rencontrer à nouveau dans le flot qui se désordonne. Le tunnel est malade ; ses canalisations fuient. C'était la nuit affective dans le gros flot de boites. Ce sera la nuit financière et nous nous chercherons pour nous aimer.

 

Deux femmes se tenaient par la main. Les voilà figées dans leur posture mortuaire. Elles s'étaient révoltées trop tôt. Elles furent des modèles proscrits. Elles méritaient cette épitaphe sur mon bras.  

 

Et nous errons à la recherche de nos coeurs, qui ne résonnaient plus depuis si longtemps. Chacun essaie de récupérer le sien, car les contremaîtres de la grande marche des hommes n'existent plus.  Il n'y a plus d'administration. Il n'y a plus de noms. Il n'y a plus de flot cohérent. Chaque bête sauvage cherche son coeur. 

 

 

édith de CL

Commentaires

“ L'étrange est la forme que prend le beau quand le beau est sans espérance, ” écrivait Volodine.

Mais No man's land, on dirait un peu une écriture ressuscitée, résurgence d'écrits plus anciens qui parleraient encore un peu du futur. Avec à l'intérieur l'obsession de la beauté, le pari que la beauté puisse rester une possibilité vécue.

On dirait aussi le manifeste d'un groupuscule clandestin en cours de fraction poétique, dadaïstes post-Gorbatchev, lettristes au milieu des bavures, situs enragés par l'étendue post-spectaculaire des mascarades.

On dirait de la poésie russe exilée, fragments d'un poème de Joseph Brodsky traduit de toute urgence à l'intérieur d'une langue qui disparaît. Le tunnel est malade, la poésie est bouchée et ça déborde dans les histoires d'amour.

Écrit par : Cap Ussian T. | jeudi, 15 octobre 2009

Oui Cap Ussian T me fait découvrir Brodsky. Je connaissais déjà Volodine. Mais pour moi la beauté est espérance, quelle que soit la tragédie qu'elle renferme.

Écrit par : Boss Hector | mercredi, 21 octobre 2009

Kanankaman ancha muspha muspha rikhukuni, tunki tunki sunqullantin, taytammamayta chinkachispa iskay irpa sullk'achantin. Imatataq rurasaq kay wawakunaman ?

Écrit par : Qurich'uspi | mardi, 15 décembre 2009

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