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jeudi, 28 janvier 2021

La slack bleue des vosges

Ce matin, tout juste arrivée aux Sables, je pensais à Dylan-Sébastien, et à l'un de ses amis, Antoine, qui m'avait laissé un souvenir préoccupé.

Je me souviens d'une rencontre, une fois, dans la maisonnette portuaire. Il était déprimé, il répétait à Dylan-Sébastien, tu vis, moi je me fais chier... Tu vis, moi je me fais chier. Dylan-Sébastien n'était pas convaincu, mais Antoine persistait dans sa déprime. Je ne veux pas retourner à Gennevilliers, je ne veux pas retourner à Gennevilliers... C'était un paumé, comme avaient dit les sœurs D qui étaient passé en coup de vent au début de la soirée.

Un paumé, un tocard, un louseur, un type qui se fait chier pendant que les autres vivent.

Et j'ai croisé Dylan-Sébastien vers midi sur la route de Tanchet. Il a arrêté son scooter sur lequel vacillait un kite-surf impatient. Ton ami de Gennevilliers, tu sais ? Je pensais à lui ce matin.

Mon ami vosgien, a-t-il répondu. Antoine est parti à Remiremont.

Ainsi ai-je écouté DS me raconter la nouvelle vie d'Antoine. Une petite maison achetée 30 000 euros, un jardin avec trois arbres, un cerisier, un cognassier et un épicéa évidemment.

Slackline entre les falaises, parfois même de nuit et insomnies à trader des cryptomonnaies, parfois même de jour ! Sa vie s'est à la fois calmée et radicalisée, m'a dit DS. Eau de vie de griotte dans la camionnette des copains, bande dessinées pour hommes célibataires, apprentissage des constellations, un livre sous le ciel quand la nuit est claire.

Un travail d'employé dans un magasin de sports des environs, une activité de trader maniaque sur les sites d'achat de crypto-actifs et de longues heures en haut des collines, à marcher au-dessus du vide qui les sépare. Les mots qui dansent dans son existence et dans les nouvelles qu'il donne assez régulièrement : Slack, ack, hack, polkadot, dot, uniris, risque, étoiles, chute, bivouac, hack, slack...

Il parait que bientôt Antoine aura assez d'argent pour adopter un chiot d'une portée qui vient de naître. La mère est une husky, on soupçonne le père d'être un dogue de Bordeaux ayant passé trois jours dans le voisinage à la Noël dernier.

 

Sur les terres dylano-sébastistes d'AlmaSoror :

La vie tranquille de DS M-T

La vie tranquille de Marc-Alexis, frère de DS

 

Et n'oublions pas Siobhan Hollow

lundi, 27 mai 2019

Heure de pointe au sommet du monde

Embouteillage au sommet de l'Everest où la victoire éclatante des médias sur la vie. Payer des milliers d'euros pour polluer un sommet à l'autre bout du monde, pour se donner le frisson de l'aventure... Et recréer l'ambiance du périphe un lundi soir ! Avant de revenir manger du pain sans gluten et des aubergines bio dans un quartier de Paris sympa. La vie rêvée des anges perdus. La vie perdue des anges qui ne rêvent plus que de ce qui existe déjà.

 

(Souvenir, soudain, des images du film Le voyage à Tokyo, de Ozu. Le désir de prestance sociale créée des drames intérieurs sans nom ni mots). 

 

Mais il est vrai que pour vivre d'une manière belle et intense aujourd'hui, il faut accepter d'aller vers des choses qui ne sont pas validées ni mises en avant ni reconnues par les médias.

Est-ce que cela a un intérêt d'écouter les grenouilles au bord d'une flaque au fond d'un chemin de la Creuse ? Oui, si je trouve les mots, les concepts, les mises en image pour m'en vanter sur les réseaux sociaux. Mais vivre de belles choses sans que les autres le sachent, est-ce encore désirable ?

Jouer aux cartes sur le coin d'une table, réciter un chapelet dans une église à trois heures de l'après-midi, aller passer quelques heures avec un ami résidant dans un hôpital psychiatrique, constituer un herbier...

Quant à l'aventure, l'aventure... dès qu'elle devient désirable par les autres, elle en perd toute sa saveur. Comme une île magique assaillie par les touristes, comme une passion gâchée par la nécessité de la rentabiliser en monnayant le rêve initial. "J'ai décidé de vivre de ma passion", disait cet homme et, subitement, de slackliner qui tutoyait les étoiles il est devenu vendeur de frissons pour des sponsors. En faisant la même chose, mais avec le devoir de constituer un discours et des images pour irriguer une marque. Tant de surfeurs aussi, tant de chercheurs de vagues solitaires sont devenus des communiquants rémunérés, mais obligés... ne me faites pas croire que leurs vagues ont la même saveur qu'auparavant.

On ne vit sa passion qu'à l'écart du discours et de l'image fabriqués.

Le sport extrême, dans notre société, c'est la solitude, c'est l'originalité, c'est d'accepter de faire ce que les autres méprisent, peut-être.