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lundi, 25 mars 2013

Le relief du Brésil

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Un extrait du premier chapitre du livre de Maurice Le Lannou intitulé Le Brésil, et publié pour la première fois en 1955 chez Armand Colin.

« Les cartes portent de vieux noms trompeurs. Ainsi certaines serras qui s'allongent sur des centaines de kilomètres ne sont que les rebords escarpés, taillés à l'emporte-pièce, des chapadas. D'autres ont l'allure plus classique de longues et minces échines qui coupent des horizons tabulaires : ce sont des crêtes de roches dures mises en relief par l'érosion. Mais ces échines rugueuses sont souvent groupées en faisceaux d'arêtes parallèles, supportés par un morceau de socle que des cassures ont élevé au-dessus du plateau fondamental ; de tels groupements peuvent constituer, par leur largeur, des obstacles importants, et portent alors, curieusement, le nom de chapadas (Chapada Diamantina, dans l’État de Bahia) : c'est, dans le vocabulaire géographique, le témoignage que l'immensité prime sur la raideur.

Peu d'horizons tourmentés, au total, dans ces ensembles d'échelles énormes : l'aspect qui s'impose à travers la plus grande partie du Brésil est la surface uniforme, brusquement hérissée d'une échine aiguë et mince, ou bien barrée par une escarpe raide qui mène à un nouveau plateau d'étage supérieur.

Tout change quand le socle subit des modifications substantielles. C'est le cas au Nord du Brésil, où, le long d'un axe à peu près marqué par l'équateur, la table guyano-brésilienne se déprime en un grand fléchissement au creux de quoi coule l'Amazone. Cette immense gouttière est tapissée de terrains tertiaires d'altitude presque partout inférieure à 300m, même au contact de la muraille andine. De part et d'autre de ce golfe, des couches primaires réapparaissent et remontent, vers le nord jusqu'au faîte d'altitude incertaine des frontières guyanaise et vénézuélienne, vers le sud en direction des parties hautes du plateau brésilien. La disposition du réseau hydrographique traduit bien ce gigantesque ensellement qui ouvre sur l'Atlantique des plaines profondes de plus de 3000 km. Elle traduit aussi sur l'accident transversal qui soulève le socle primaire à l'est, le long d'un axe perpendiculaire à l'Amazone et la coupant en aval d'Obidos : le golfe amazonien en est comme étranglé avant son débouché sur l'Océan. Les rapides qui accentuent les cours fluviaux – Tapajos, Xingu, Tocantins – à leur sortie du bouclier ancien sont ainsi rapprochés de la gouttière principale, et cette disposition n'est pas sans gêner la pénétration dans l’État de Para, que par ailleurs son moindre éloignement avantagerait par rapport à l'Amazonie occidentale. 

L'enfoncement du bouclier brésilien vers le sud se marque par l'apparition des grandes plaines de la Plata. Mais le Brésil n'a qu'une faible étendue de ces régions basses. C'est seulement à son extrême pointe méridionale, dans l’État de Rio Grande do Sul, que l'altitude s'abaisse notablement. On ne peut pourtant pas encore parler de plaines : le socle, affecté d'ondulations, ne s'enfonce pas beaucoup ; ce sont des collines médiocres, beurrées d'une épaisse couche d'arènes et d'argiles, annonçant seulement les grandes nappes ondulées des prairies de l'Uruguay.

Entre la gouttière amazonienne et les collines du Rio Grande do Sul, le plateau brésilien, solidement entretenu par la constance du socle, n'agence pas partout semblablement ses divers éléments. Au nord du dixième parallèle, les altitudes restent modérées, ne dépassant guère 1000 mètres. Les sommets les plus élevés sont éloignés de l'Océan. Les dénudations ont été relativement peu poussées, et le type de relief le plus répandu est la véritable chapada gréseuse. Cependant, à l'est du méridien de Fortaleza, c'est la pénéplaine cristalline qui apparaît, affectée par un bombement S-N qui constitue, à l'ouest de Recife, les hautes terres de la Borborema (600-400 m). La retombée de ce bombement se fait en pente douce vers l'Atlantique. Sur la surface granitique inclinée posent des tables sédimentaires résiduelles – les taboleiros -, répliques menues des chapadas du versant occidental, mais la plus grande partie de cette région du Nord-Est brésilien est occupée par des collines basses, profondément décomposées, du socle ancien, séparées seulement de la mer par un mince ourlet de plaine littorale. Il y a là, par une heureuse rencontre, une zone aisément accessible et pénétrable, qui est au point le plus rapproché de l'Ancien Monde. Ce sera la première région vivante du Brésil colonial.

Au sud du dixième degré, et jusque vers le vingtième, le relief d'ensemble du plateau, d'altitude plus forte, se dispose en grande alignements S-N. Entre le Tocantins et le Rio Sao Francisco s'allongent, fort mal connus, surtout constitués par des fronts de chapadas gréseuses, des reliefs que les vieilles cartes magnifient sous les noms exagérés d'Espigao Mestre ou Serra Geral de Goias. Entre le Rio Sao Francisco et la mer, ce sont les crêtes et les hauts plateaux de la Serra do Espinhaço et de la Chapada Diamantina, qui atteignent 1400 m dans la première, 1800 m dans la seconde. Un trait essentiel à la construction géographique du Brésil est la vallée du Rio Sao Francisco, laquelle, en arrière des territoires côtiers ensevelis sous la forêt tropicale, ménage une grande voie ouverte entre le vieux Brésil colonial du Nord-Est et les régions élevées plus méridionales qui, au XVIII°siècle, seront le centre de l'activité minière.

Au sud du vingtième parallèle, les directions majeures du relief changent, se disposant du sud-ouest au nord-est, comme la côte elle-même. Les pentes d'ensemble sont au nord-ouest, et elles se lisent dans le dessin du réseau hydrographique. Cependant, à l'est du méridien de Santos, les rivières restent parallèles à la côte, comme ce rio Paraiba qui, allongé sur 600 km des environs de Saint-Paul jusqu'au cap Sao Tomé, et passant seulement à 601 km de Rio, trace entre les deux capitales brésiliennes une route d'importance essentielle. Entre le Paraiba et la mer, la Serra do Mar est un premier bloc cristallin basculé, dont la face abrupte tombe sur l'Océan. Au nord du Paraiba, c'est un autre front qui se présente, celui de la Serra da Mantiqueira, où sont les plus hauts sommets du Brésil (Pico da Bandeira, 2884 m). Ce nouveau bloc est lui aussi dissymétrique, et son revers tombe au nord-ouest en pente douce, par de hautes surfaces ondulées qui se raccordent aux hautes terres du Minas.

À l'ouest du méridien de Santos, il n'y a pas ce morcellement de la masse : le seul front présenté à l'Atlantique est celui de la Serra do Mar, haut de plus de 1000 m, cerné de nuages et vêtu de forets denses, dominant une mince frange de plaines littorales. Sur le revers de cette escarpe brutale, des fleuves nés à quelques dizaines de kilomètres de la mer en font plusieurs centaines pour gagner, rigoureusement parallèles, le grand collecteur du Rio Parana, qui porte ses eaux, par l'intermédiaire du Rio Uruguay, à l'estuaire de la Plata. Au-delà du Parana, qui coule au fond d'une grande gouttière synclinale, les couches sédimentaires masquant le vieux socle se relèvent doucement, et, avec elles, les altitudes. Mais le relief reste calme, et il ne présente d'autre obstacle à la pénétration des hommes vers les plaines du Paraguai et le sud du Mato Grosso que celui de l'immensité ».

 Maurice Le Lannou

Le Brésil