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samedi, 06 juin 2020

Pour un remix intime de mon être

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Remixez-moi, que je souris comme une étudiante à lunettes aux longs cheveux sur les épaules au chandail trop long au regard encore chaud de l'enfance qui s'enfuit.

Remixez-moi au tempo d'une transe longue et trépidante, mais immobile, au milieu du temps qui ne passe plus, qui demeure comme un halo de protection.

Remixez-moi avec un peu de Schütz, un peu de Vivaldi, un peu de Pärt, un peu de Tétris et beaucoup de Bach, enrobés dans des boumboums et dans des riffs aux bémols distordus.

Remixez-moi car telle que je suis devenue, je ne peux plus me voir ni m'entendre : trop peur du vide, du rien, du néant qui avale les désirs encore forts malgré l'absence du destin. Tout est pornographique, vos mains, vos cravates, vos chemises, vos jupes et vos stylos bic.

Remixez-moi, que je salue à nouveau l'aurore, ses fumées bleues grises, ses montagnes à pic, ses nuages destructurés.

Que mon corps danse encore et que j'oublie les interstices que nous venons de traverser.

Remixez-moi, DJ sine nomine, pour un dernier jour, un jour sans fin, le jour éternel de ma jeunesse délivrée.

 

Les remix d'AlmaSoror :

Vivaldi remixé fait trembler les meubles d'un antre solitaire

La messe du voisin acnéïque

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Le dernier mix

Un bon mix

Aurore

Bioenfance

vendredi, 10 novembre 2017

La messe du voisin acnéique

Je t’ai rencontré dans l’escalier, jeune homme, ton visage est devenu cramoisi lorsque je t’ai demandé où tu en étais de tes remix de Vivaldi. J’ai réussi à t’apprivoiser, au bout des cinq minutes qu’a duré notre conversation, tu tremblais moins, tu souriais presque. Tu as dix-sept ans. Tu as peur. Tu as mal. Ton acné défigure ta face. Tes épaules tombent, tes jambes sont trop grandes. Les romans du XIXème siècle que tu as avalés, enfant, dans le grenier de tes grands-parents, t’ont promis un monde qui n’existe plus. Tu voulais protéger les femmes et les enfants, les femmes t’agressent et te demandent de les laisser co-dominer la société sans exercer ta masculinité. Tu as peur que l’une d’elle, un jour, te vole ton enfant, qu’elle l’emporte au loin dès lors que tu l’auras conçu. Même ta peur est indicible. Tu n’as pas le niveau scolaire d’accomplir les études qui mènent aux métiers qui te plairaient, ceux dont tu rêves n’existent plus. Plus de chevaliers, plus d’explorateurs. Je t’ai demandé où tu en étais de tes remix de Vivaldi et t’ai rassuré : j’aime entendre de loin les courbes et les déliés des paysages sonores que tu composes sur ta technoplatine. Je t’ai parlé de la Messe de l’homme armé, tu ouvrais de grands yeux étonnés. Je t’ai dit qu’elle avait été composée par Guillaume Dufay au XVème siècle, qu’elle était belle et qu’à ma connaissance personne encore ne l’avait remixée. Tu m’as fait répété : Dufay ? C’est D.U.F.A.Y ? Messe de l’homme… l’homme armé ?

Oui, c’est la messe de l’homme armé.

Maintenant j’entends deux choses, à onze heures cinquante trois du matin dans cette rue de novembre : le tambour de ma machine à laver, son haï, et depuis la fenêtre entrouverte de ta chambre du quatrième étage, la messe de l’homme armé. Avec des éléments rythmiques que tu cherches dans ton placard virtuel de sons et que tu incorpores à la messe médiévale.

Tu m’as écoutée, jeune homme perdu, j’ai réussi à te toucher.

La messe de l’homme armée, la seule qui pourra sauver les jeunes hommes français du XXIème siècle, ceux dont on castre l’âme avec la crème chantilly de l’égalité, de la scolarité et de la tolérance. Ni votre couleur de peau – trop pâle – ni votre sexe – trop dur – ni l’histoire de votre patrie – trop méchante n’ont de place dans le monde parfait qui se crée tous les jours sous nos yeux. Il ne vous reste que la messe, enfants qui n’avez pas connu le baptême, il ne vous reste que la messe de l’homme armé.

lundi, 02 octobre 2017

Vivaldi remixé fait trembler les meubles d'un antre solitaire

Le matin je joue les études de Chopin quand je suis en forme, le petit livre d'Anna Magdalena Bach quand j'ai mal dormi ou bu la veille. L'après-midi, je passe en boucle, sur ma chaîne hifi puissante, les quatre saisons de Vivaldi remixées façon techno. Le salon devient un espace festif dans lequel personne ne danse, ma silhouette voûtée au bureau se lève parfois pour sauter en levant les bras jusqu'au réfrigérateur de la cuisine attenante, c'est tout. Les basses binaires ajoutées aux Quatre saisons distordues emplissent l'air et moi j'écris. J'écris sur commande en espérant que mon épisode sera accepté, j'écris en avance ou en retard, j'écris et j'éprouve une satisfaction proportionnelle au prix que m'est payé l'épisode une fois que je l'ai enfin terminé – et envoyé, presque certain qu'il sera accepté. Car j'ai appris à déceler les marottes et les goûts des directeurs d'écriture névrosés, qui tournent à la cocaïne et aux poncifs.

Au-dessus de ma table, une affiche (qu'il faudrait que j'encadre) des quatre cavaliers de l'apocalypse, dessinés par mon pote Énoch Dreyermeer. Je l'adore, elle me rappelle cette amitié qui m'exalte, les romans de fantasy de mon adolescence et les chevaux du château de Chantilly, que ma grand-mère m'emmenait voir tous les mercredis après-midi quand j'étais môme.

Mais salut, je vous laisse, Vivaldi décapé par la techno émet ses sons fous et je fois finir un épisode qui rassemble à la fois un premier baiser, la révélation d'un géniteur autre que le père officiel et des soucis professionnels naissants. À bientôt.

 

K. L-M

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