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jeudi, 18 novembre 2010

“Hommes sans mère” d’Hubert Mingarelli

 

 

Hommes sans mèrePH.jpg

Photo Sara pour VillaBar

 

“Ils s’éloignèrent sous la pluie et la brume, leurs silhouettes flottèrent et tremblotèrent comme s’ils s’enfonçaient dans l’eau, et, finalement ils échappèrent à la vue.”

On pourrait penser que l’auteur décrit la frustration d’hommes sans femmes à la lecture du livre. Mais il a choisi comme titre “Hommes sans mère”. Dans son livre, il y a bien un orphelin : c’est le gardien muet qui a perdu sa maman, non pas qu’elle soit morte, mais il l’a perdue quand il était enfant. 

Les deux héros, des marins, sont pourtant bien des orphelins - même s’ils ont sûrement une mère là-bas - : ils ressemblent à deux frères perdus dans la grande vie, le plus grand protège le plus petit qui fait des bêtises.

La couverture du livre, collection Points, est dessinée par Pierre Mornet : trois jeunes femmes identiques à toutes les femmes qu’il dessine.HSM.jpg L’éventail et le sein dénudé sont les seuls détails qui permet de ne pas les prendre pour des petites bourgeoises faisant tapisserie au bal.

Le style évoque Faulkner, en moins violent et plus tendre. Dans “La beauté des loutres” et “Le voyage d’Eladio”, les deux seuls livres que j’ai lu jusque là d’Hubert Mingarelli, il décrit l’âme des hommes à travers leur silence frustre. Ce sont des livres sur les hommes. Mais contrairement à la plupart des livres sur ce thème, les siens sont tendres. Même les femmes sont tendres, irréelles, mais tendres. Irréelles car elles ne sont pas préoccupées de leur corps qu’elles vendent pour vivre. Corps qui malheureusement dans la vie réelle se rappellent durement au souvenir des femmes à travers leurs organes de procréation, mais que les hommes oublient ou ignorent quand ils écrivent sur les femmes. Elles sont là, finalement, pour le décor. 

Souvenir. Rue Quincampoix où Paul et moi avons habité un an en 1974 ou 1975, nous avions fait connaissance d’une jeune femme, parmi toutes celles qui “faisaient le trottoir”, avec qui nous prenions des cafés au bar d’en bas, tenu par un vieil homme, sale et glauque qui habitait dans notre immeuble. La femme parlait de son “père” qui l’emmenait faire des voyages dans les pays chauds. Nous n’en croyions rien et espérions apercevoir ce “père” un jour ou l’autre, main en vain. Un jour elle disparut, peut-être à cause de nous.

C’est là que j’ai vu une femme de milieu très pauvre, très populaire, se mettre sur les rangs, dans cette rue. De femme du peuple démunie de tout, elle s’est transformée jour après jour, en pimpante jeune femme. Cela a commencé par un manteau rouge. Ensuite, ça a été le coiffeur. Elle a mis du temps a dénudé ses cuisses même en plein hiver, comme faisaient les autres, même les plus vieilles, grasses, peinturlurées, vulgaires.

C’étaient les bourgeois qui venaient, de quarante à soixante ans. Ils avaient de l’argent pour les payer. Rue aux Ours, une nuée d’arabes bouchait la rue, se tenant debout sans bouger, agglutinés les uns aux autres, mornes, silencieux, les yeux en direction de la rue Quincampoix. Je ne suis même pas sûre qu’ils regardaient les femmes. Ils venaient après le boulot, vers cinq heures du soir et ne bougeaient plus. On était obligé de traverser leurs rangs serrés pour rentrer chez nous. Ils étaient collés les uns aux autres, lourds, immobiles, muets et faisaient contraste avec la vie vulgaire et colorée de la rue, ponctuée par l’arrivée des bourgeois qui négociait le tarif avec une “fille” et la suivaient la regardant sans vergogne de la tête aux pieds en franchissant le seuil de l’immeuble pour s’enfoncer dans un long couloir mal éclairé d’une ampoule au plafond qui menait je ne sais où. Certains hommes avaient leur habituée. 

Parfois les femmes s’enfuyaient dans les maisons comme une nuée d’oiseaux. C’était un sifflement bref et strident qui provoquait cette échappée. Puis une voiture de flics remontait lentement la rue Quincampoix jusqu’à la rue aux Ours. Tout le monde s’écartait au fur et à mesure pour les laisser passer.

À d’autres moments, une voiture de sport décapotable débouchait du fond de la rue, conduite par un jeune homme, la trentaine, roux. Il garait la voiture et venait prendre le fric. C’était le souteneur. Nous le regardions de là-haut, de notre fenêtre, avec respect et inquiétude. C’était un homme puissant.

 

À mes enfants, votre mère

 

 

samedi, 16 octobre 2010

apache !

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Le film

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La réalité

 

 

Amélie Hélie, orléanaise devenue une grande apache parisienne (dont le film Casque d’Or s’est inspiré), vantait ainsi les avantages de sa profession de prostituée (elle parle d’elle à la troisième personne, comme Jules César) :

 

Elle fournissait du rêve aux hommes qui en avaient un urgent besoin.

Elle soulageait bien des épouses qui lui en savent gré aujourd'hui, c'est évident.

Elle ne faisait de mal à personne, au contraire.

Elle recueillait les jeunes commis tirant la langue et les dorlotait cinq minutes dans ses bras.

Elle était un mode de circulation pour la richesse publique.

Elle évitait que les belles concierges fussent à tout instant culbutées dans les escaliers.

Elle était l'oie du pauvre, le riche gardant jalousement pour lui la dinde du parc Montsouris, ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de goûter parfois à l'oie du pauvre.

Elle consolait le veuf de son veuvage, le prêtre de ses vœux

Elle faisait aimer à l'homme le beau, le bien, le juste, et sauvait bien des familles