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mardi, 19 août 2014

La souffrance morale

Une situation professionnelle est terminée, et soudain, la vie est plus légère, le sourire éclate naturellement sur mes lèvres qui restaient pincées. Je contemple l'incroyable souffrance morale diffuse des dernières semaines et tente de percer ce mystère de l'oppression intérieure.

Intérieure ? Non, en fait : cette oppression est venue d'un mail, lui même faisant suite à des attitudes, qui, sans jamais exprimer franchement une opposition, laissaient finement entendre que ce qui venait de moi était teinté de torts. Culpabilité, révolte, difficultés à respirer librement, impossibilité de rire ou de chanter, furent mes réactions d'abord inconscientes, puis, mises au jour peu à peu grâce à une longue pratique de questionnement personnel.

Il y a quelques années, me renseignant sur ces suicides dûs à "la souffrance au travail", je ne parvenais pas à comprendre qu'un homme en bonne santé physique, aimé de sa femme, entouré de ses grands enfants et de ses parents, ayant de bons amis chaleureux et une jolie maison avec un jardin agréable, finisse pas se tirer une balle, se jeter sous un train ou se pendre à cause du "harcèlement moral". Sans nier celui-ci, sans émettre de jugement définitif sur cette "solution finale" tragique, je savais que je n'arrivais pas à comprendre. L'homme ne pouvait-il pas renoncer à ce salaire d'esclave pour vivre plus chichement, à quelques années de la retraite ? Une démission, même payée le prix fort en confort et en sécurité, ne valait-elle pas mieux que de se foutre en l'air ?

Mais plus l'oppression revêt les atours de la douceur et de la morale, moins la personne visée peut réagir. Aucun reproche n'est formulé envers elle, ou alors masqué en remarque professionnelle. Avant même qu'elle puisse prendre conscience du mal-être diffus grandissant qui s'installe dans sa vie pour gâcher chaque seconde de la vie quotidienne, toute sa confiance est sapée, toute sa joie de vivre est réduite à néant.

Lorsque le harcèlement arrive à ses fins, il n'y a plus personne qu'un homme détruit, qu'une femme hors service, et le harceleur, s'il est subtil, s'est arrangé pour se construire un discours intérieur qui lui donne le beau rôle et qui fait de l'autre un faible, ou un raté, ou un inconstant.

La souffrance morale se répand insidieusement dans chaque seconde de notre vie, dans chaque espace de notre corps. Que peut l'amour des autres lorsqu'on ne trouve plus en soi assez de confiance pour le recevoir ?

Or, nous devons être capables de recevoir l'amour de ceux qui nous aiment. Nous devons être capables de lui donner plus de poids qu'à l'ignominie de ceux qui font semblant de vouloir notre bien.

C'est pourquoi la délivrance intérieure est un devoir, une preuve d'amour et une quête incessante.

Lorsque les êtres humains ne sont pas en train de s'entre-déchiqueter dans des tranchées, ils organisent des modes de vie confortables et aseptisés dans lesquels aucune place n'est laissée pour la spontanéité ou la joie.

Comme si l'éclatement de la chair s'accompagnait de l'affection et de la liberté d'être, et la préservation de la chair d'une mort intérieure à toute joie de vivre.

Je contemple l'incroyable souffrance morale diffuse des dernières semaines et l'incroyable bien-être de ce matin, comme si Poséïdon avait soufflé sur ma vie un vent magique de délivrance. Ce n'était donc qu'une ombre menaçante qui gâchait toute ma vie, et dont l'existence n'était qu'un épiphénomène ? Je n'arrive pas à le croire, et pourtant, la renaissance de ma tranquillité est là, tangible, pour me prouver que ce mauvais rêve qui m'avait privé de moi-même a laissé la place à la fraîcheur insouciante d'un matin du mois d'août.

 

Sur le thème de la douleur morale, AlmaSoror propose entre autres :

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Désintoxication et revigoration

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Le salariat, une aliénation en contradiction avec l'humanisme

L'échec social et la mort

 

Et sur des éléments de solutions :

Souffle et drogues autogénérés : le psychédélisme au naturel

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