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mercredi, 13 octobre 2010

Le Milk-Shake au Panthéon

Mavra milk shake.JPG

Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

(Une histoire vécue en 2005, par Edith)

J’étais avec Manuel G dans un café oriental d’une rue qui part du Panthéon. Nous conversions autour de thés à la menthe quand nous vîmes, sans y prêter d’intérêt particulier, entrer un homme jeune et une jeune fille, qui vinrent s’asseoir à la table à côté de nous.
L'intéressante musique électronique de Morgan Packard tournait un peu trop fort pour une discussion suivie. Manuel et moi entendîmes la commande prise par le patron : un milk shake vanille pour la demoiselle, un thé à la menthe pour lui.
Il était visible que Monsieur faisait de son mieux pour plaire à la belle. Il lui expliqua qu’il l’avait emmenée ici puisqu’elle était arabe, et fit un compliment sur les cafés et la nourriture arabes dont elle parut contente. Lui-même était d’origine africaine. Tous deux, nous le comprîmes, venaient de banlieue (ils sortaient juste du RER) et il lui expliquait Paris, le centre ville, les monuments, les lieux qu’il fallait connaître – elle semblait tout ignorer. De fait, la mignonne, car mignonne elle était, avait le visage des jeunes filles gavées de télévision dont la vie se déroule entre la cité, le bahut et les centres commerciaux, avec un stade de football ou un Gaumont Champs-Elysées de temps en temps.
Monsieur faisait son charme et pas si mal, la belle écoutait sans vraiment comprendre. Nous perdîmes la trace de leurs échanges en reprenant le nôtre.
Plus tard, un instant de gêne, le sentiment que quelque chose se passait nous tira à nouveau de notre face à face. A côté, quelque chose n’allait pas. La jeune fille boudait en regardant son verre. En face, le chevalier servant n’eut d’autre solution que d’appeler le patron.
- Qu’est ce qui ne va pas ?
- Je voulais un milk shake !
- Mais c’est un milk shake !
- Ben non…
Elle faisait la moue, prenant manifestement le patron pour un demeuré.
Elle finit par lâcher, avec le mépris du savant pour l’ignorance crasse de son interlocuteur :
- Ben non, vous voyez bien que c’est pas comme chez McDo.
Le patron comprit soudain, le jeune homme aussi. Tous deux tentèrent d’expliquer à la jeune fille sous nos yeux et oreilles médusés que ce qu’elle avait devant elle était un vrai milk shake, fait avec des fruits fraîchement pressés et du lait frais, contrairement aux Milk Shake standards de chez Mac Donald.
Mais elle, les regardait avec une bougonnerie qui ressemblait presque à de la haine, en tout cas à de la rancœur.
Le patron vit que ses explications gastronomiques ne faisaient qu’augmenter le mépris de sa cliente, qu’il était persona non grata et dut repartir, penaud et horrifié. Elle, fit la gueule à son compagnon qui était terrassé lui-même par l’incommensurable gouffre entre son effort de séduction soutenu et le résultat pénible.
- Gabou il m’emmenait au McDo, dit elle d’un ton véhément, plein de reproche.
Piteux, honteux, le jeune homme tenta de la divertir. Elle ne voulut point goûter son thé à la menthe. Elle prit un peu de son milk shake mais le dégoût s’affichait sur son visage au moment d’avaler.
Elle était une petite sotte incapable d’entrevoir l’idée qu’un café élégamment décoré du panthéon vaut mieux qu’un McDo, incapable d’imaginer que du lait frais et des fruits pressés sont meilleurs que la daube industrielle.
Et le jeune monsieur apprit sans doute que la délicatesse et la culture passent pour de la goujaterie et de l’insalubrité aux yeux des enfants déracinés, marketingo-lobotomisés, accrocs à la consommation de masse.

jeudi, 07 octobre 2010

Geek by the sea

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Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

(Un billet d'Olympe Davidson)

Inside, j'écoute la musique de Glass Buck Flower en bloguant. Outside, tu plonges à quelques mères sous la surface de l'eau et tes amis dauphins t'ont rejoint. Entre nous la plage et le lagon où de petits enfants et des petits poissons rigolent ensemble. Il n'y a rien de mieux que le son voluptueux de Glass Buck Flower pour accompagner ce moment magique, qui revient presque tous les jours depuis que je suis venu vivre ici. La maison où j' loge (à l'étage) est tenue par Tamaroa et Feti'a. Mais demain nous aurons une maison à nous, une grande maison en bois dans le sous bois qui longe la plage et de laquelle nous pourrons rêver au coucher du soleil tous les soirs. La musique de Glass Buck Flower noiera les journées et l'ordinateur aura toutes les prises qu'il lui faut pour me donner toutes ses facultés. Tu plongeras toujours et tu seras de plus en plus proche de l'Elément, de l'Eau, et de son peuple végétal et invertébré. Des flûtes s'ajoutent aux volutes électroniques du morceau "Electric Waves under the Night" et j'écris n'importe quoi sur mon blog. La vie n'a de valeur que lorsqu'on a renoncé à tout ce qui nous met des chaînes matérielles et administratives. Quand on a tout mis en veille pour n'assurer que le minimum vital, et qu'on vibre enfin aux ondes de la contemplation de la nature et du rythme intérieur du corps et de l'environnement, des couleurs, des formes, des voix, alors commence la magie. La perfection est de ce monde. Il suffisait d'ouvrir les yeux et de suivre la route qui nous attirait.

Electric Waves Under the Night s'est fini sous un rythme accéléré accompagné de deux riffs de guitare répétitif. Un court de temps de silence, puis Eating the Sky a commencé avec ses quelques notes de piano que rejoignirent la caisse douce et le vibraphone. Tu refais surface là bas dans la mer et tu joues dans les vagues avec les dauphins. Le lagon est très calme : les enfants sont rentrés chez eux ; les poissons sont au fond des algues. Le soir est parfait. Il ne manque rien à la beauté de l'instant, ni même l'instance incertaine, ni même la nostalgie d'une certaine journée d'enfance qui revient dans ma mémoire, après trop longtemps d'oubli.

Olympe Davidson