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mardi, 23 janvier 2018

... de grandes exilées de l’histoire des idées...

« J’ai commencé d’écrire ce texte comme on part en voyage vers un pays inconnu mais dont le nom a résonné à notre oreille intérieure, je m’y suis lancé à seule fin d’en explorer le titre, juxtaposition ou alliance de mots qui s’est imposée au fil du temps comme le résumé abrupt sinon abstrus de difficultés récurrentes ou ressassées et cependant, d’une certaine façon, ignorées. Une première constatation, ou thèse, comme on voudra, est que les mathématiques sont parmi les grandes oubliées de l’histoire des idées au vingtième siècle, malgré les apparences, malgré les malentendus, les trop bien entendus aussi. Affirmation paradoxale, j’en conviens, et qu’il n’est pas simple d’étayer mais qui du moins, si on la prend au mot, ouvre d’étonnantes perspectives. Oui, les mathématiques ont été de grandes exilées de l’histoire des idées depuis déjà plus d’un siècle et demi. Et cette expression d’‘histoire des idées’, délicieusement désuète par certains côtés, rappelle par ailleurs Michel Foucault, lui-même précieux interlocuteur de Paul Veyne qui se reconnaissait dans le mot d’ordre de son ami et collègue au Collège de France: l’histoire des idées ne commence véritablement qu’avec l’historicisation de l’idée philosophique de vérité. Je ne reprendrai pas telle quelle cette maxime bien difficile à étendre aux mathématiques, et pourtant elle m’accompagnera tout au long, ou nous accompagnera puisqu’il ne m’a pas semblé inutile ou impossible de proposer ce voyage à une lectrice, à un lecteur. A supposer que les mathématiques aient été en quelque façon éxilées’, où l’ont-elles été ? Réponse: Au Paradis. Ou plutôt en toutes sortes de paradis, qui perdent leur majuscule en se multipliant; le paradis du synthétique a priori, le paradis cantorien beaucoup plus tard, d’autres encore. Des paradis qui d’une certaine manière – qu’il conviendra d’élucider soigneusement –, les ont préservées, ces mathématiques, et de la « réalité », et par exemple du « travail », cette grande affaire du dix-neuvième siècle ».

 

Pierre Lochak, IN Mathématique et Finitude

dimanche, 21 janvier 2018

Ilyès

L’orgue et la mathématique, mes deux mains, les deux pôles de mon cerveau. Oui, et pourtant, depuis une semaine, que sont ces passe-temps devenus ? Je ne pense plus qu’à toi, Ilyès, à ce lit rempli de sang sur lequel tu gisais, mort déjà, quand Clarisse t’a trouvé. Et personne ne comprend. Une rupture récente, oui, un problème de travail, oui, des parents lointains, oui, mais rien d’original à tout cela et tant d’amis autour de toi ! Le grand écart entre l’islam de ton père et le catholicisme de ta mère, oui, mais il y avait les semaines de printemps à Taizé et les sourates que tu récitais à table. La langue turque, la langue arabe, la langue française, Balzac et Marceline Desbordes-Valmore, la musique baroque de Lully et celle, électronique, de ton ami Fazil, toute la beauté des couleurs de ton appartement petit mais charmant de la porte d’Orléans… Depuis ton affreux acte, je ne dors pas beaucoup, je ne monte plus les marches qui mènent à l’orgue de la cathédrale de Senlis, je n’ouvre plus le livre de Pierre Lochak, Mathématique et finitude. Je pense à moi, je pense à Clarisse, je pense à la mort. Ilyès, je pense à toi.