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lundi, 16 novembre 2009

Effigies

 

Par Marin Dupondt-M

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phot Sara pour VillaBar

 

 

A ma soeur bleue marine

 

Je t’aime, je te quitte, ta guitare m’a trahi en chantant ce sommeil qui nous tint à l’écart, qui nous tint éloignés l’un de l’autre, l’un de l’autre, trop de temps. 
 

Je viens, tu repars, et les drogues qu’on achète n’éssuient plus ce chaos, ce chaos qui oppresse, qui opprime nos poitrines en roulant sur les bords des instants. 
 

Toi, tu regardes dans la brise nos écarts et les chiens te comprennent, et les chiens te soutiennent et je reste, bien trop seul bien trop cuit, bien trop noir pour tes chants. 
 

Rire, dans le ciel, pleurer, dans les vagues, crier dans le drame des corps qui cherchent l’éclaboussure de joie, et c’est toi, ma tendresse qui disais, qui disait il fait froid, il fait faim, prends moi dans tes bras. Et c’est toi, ma tendresse, qui disais, qui disait il fait froid, il fait faim, prends-moi dans tes bras. 

 

Marin Dupondt

 

jeudi, 17 septembre 2009

solitudes parallèles

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Solitudes Parallèles 
  par/Marin Dupondt

J’écoute les canons de Pachelbel et je me souviens de ta chambre d’adolescent, de nos mains entremêlés, de nos sangs mêlés ce soir de novembre, des saisons qui se suivaient, du lycée, des diplômes presque manqués, de l’amour presque réussi, parfois, après la bière.
 

Les canons Pachelbel n’ont jamais quitté mes soirées solitaires ; et chaque fois au creux d’une note l’image de ton visage se dresse devant mon regard blême.
 

Pachelbel, mon amour, berça notre amour, notre adolescence, qui n’était qu’une enfance, qu’un rire entrecoupé de silences, comme la vie est un long jour entrecoupé de nuits, comme l’amour est un désert traversé d’oasis. Partout, Moscou, Auckland, Montréal, Pachelbel m’a suivie. Aucun corps ne ‘a remplacé. Je n’ai plus jamais pu sourire en soupirant, je n’ai plus jamais pu rire en me disputant, tu es irremplaçable... 

 


I Hélène

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Montréal est glacée. C’est triste d’habiter une ville glacée. Mais Montréal fut longtemps un rêve lointain, mon rêve américain, et lorsque je marche dans les rues de sa nuit aux milliers d’étoiles artificielles, je songe au rêve profond et angoissé de cette adolescence, qui s’éloigne un peu plus chaque jour, et dans les vitres des cafés animés j’observe la silhouette sombre que l’adolescente n’aurait pas décriée. Je ne parle malheureusement que de la silhouette, loin des détails du cœur et de son traître, le visage. Mais j’aurais pu tout rater. 
 

Le premier soir long et libre depuis plus d’une quinzaine. Alors, manteau épais de solitude et rouge à lèvres trop rouge, je marche dans l’architecture étrange de Montréal. Une rue s’ouvre sur une autre, et cela depuis le coin de ma rue. Inutile, cependant, de me mentir ; ce n’est ni le hasard ni la géométrie de la ville qui m’ont amenée jusqu’à la rue dans laquelle je m’engouffre. C’est ce whisky de merde. Mon inconscient ridicule. Une tendance masochiste refoulée. La poisse.
 

-Merde.
 

Non, d’habitude je ne parle pas toute seule. Ou un mot de temps en temps, dans la cuisine, le matin. Lorsque je suis en retard. Ce mot que je viens justement de prononcer, et dans froid glacial, l’insulte est sortie enveloppée de fumée. Montréal est vraiment glacée. Mais, pas de fumée sans feu, dit-on ; j’allume une cigarette. Et je continue dans la rue.
 


Et comme il y a un an, chaque soir, lorsque mes pas me rapprochaient de l’immeuble, les poumons se compriment et le souffle se fait rare et infiniment court. Seules mes jambes continuent. Je marche, donc je suis.
 

La rue, belle et froide, aux traits réguliers, un peu trop réguliers, est à peine éclairée. Sur le plafond noir la lune sourit vaguement. Je suppose qu’il habite toujours là.
 


Je me souviens d’un chant russe. Au café Pouchkine, chocolat moelleux et lèvres glacées, mon amour blême en face de moi et la peur de repartir.
 


Il y a un an nous nous voyions tous les soirs. Il enquêtait sur les méthodes de recherche des personnes disparues pour publier un dossier spécial à la fin de l ‘année dans son journal. Tom est un journaliste à la mode, pas bête mais trop branché pour être vraiment intelligent. Beau, mais trop branché pour être vraiment séduisant. Et pourtant, comme je suis très stupide et que, comme je l’ai dit plus haut, je soupçonne la poisse de s’intéresser particulièrement à mon cas, j’étais tombée un peu amoureuse de lui –je dis un peu, mais je n’ai pas plus que le sens de l’orientation la notion des quantités-, et pendant deux mois je l’ai rejoint tous les soirs, tard, dans son petit appartement, où il me racontait les histoires sordides qu’il apprenait au cours de ses enquêtes. Je ne lui racontais pas le scénario que j’écrivais alors. Je le laissais parler, puis nous nous couchions et nous faisions l’amour jusqu’à l’aube. Et je partais le matin en me disant que tout n’était pas parfait. Mais je ne savais pas ce qui me manquait.
 

Il faut dire que je m’étais engouffrée dans cette relation avec ce presque inconnu, juste après avoir eu la bêtise de faire une déclaration d’amour à une très bonne amie, Yéléna Kanikavic, qui m’avait tout simplement, en guise de réponse, renversé une carafe d’eau sur la figure en m’enjoignant sévèrement d’arrêter mes conneries. 
 

Beaucoup ici vivent de souvenirs. Beaucoup viennent d’ailleurs. Mais il ne faut pas croire que ceux d’ici, débarqués il y a quelques siècles, ne sont pas dévorés de l’intérieur du sentiment de l’exil. Il y a des terres qui ne vous adoptent jamais. Il y a des cœurs qui ne s’installent jamais. Et beaucoup ici ont le visage d’une Amérique disparue, d’une Amérique assassinée. Survivants d’un autre monde, orphelins délaissés par les esprits du ciel et de la terre, ils déambulent eux aussi au creux de la ville, blessés pour l’éternité.
 

Combien de secrets pleurés le fleuve Saint Laurent n’a-t-il pas reçu en dépôt, et que ne recèle-t-il pas, fidèle et modeste serviteur des ombres du passé, qui coule pour toujours entre les rives de l’avenir ?
 

Me voilà à la hauteur de l’immeuble où vit Tom, sur le trottoir d’en face. Je m’engouffre dans une cabine de téléphone aussi glacée que la rue. Malgré ses vitres épaisses et fumées. Sur un rebord défoncé du mur, un sac et un paquet de cigarettes ont été oubliés. Je n’ouvre pas le sac. Mais machinalement je vérifie que le paquet est vide. Non. Il reste quelques cigarettes et un briquet. Merci beaucoup. 
 

Mes doigts engourdis par le froid font basculer difficilement la pierre du briquet, engourdie elle aussi. Je tire quelques bouffées et compose le numéro de Tom. Je soupire, consciente de faire une connerie. Mais que diable, la vie est courte et la raison ne lui confère pas grand intérêt. Pourquoi regretter les conneries, quand elles ne nuisent qu’à l’ennui ?
 


Et je me souviens d’un chant russe. D’un amour mort dans une chambre grise. D’un homme éteint dans un lit défait. D’une fenêtre ouverte sur le passé.
 


Je ne sais pas qui es Tom. Sais-je au moins qui je suis ? Trop de villes, trop de gens, trop d’emplois, trop de vide. Il parait que la vie est chaude en Amérique du Sud. D’aucuns me parlent des soirées de pisco et de salsa, où ce n’est pas les humains qui dansent le tango, mais le tango qui danse les humains. Et l’on me parle de mots qui sonnent comme des accolades au soleil, mais de là-bas rien ne m’appelle. 
 

On est du Nord ou du Sud, du chaud ou du froid, et mon cœur se consume à aimer le gel sur les toits. J’aurais voulu peut-être, j’aurais aimé sans doute tourner dans le tournoiement des cœurs brûlants et chanter besame mucho les soirs tièdes dans la ville nonchalante. Mais les longs couloirs glacés de Moscou ont gravé sur ma peau l’empreinte du silence et des tristesses chuchotées, entre deux verres, au coin d’un bistrot mal chauffé. Montréal la demi latine, Montréal seul sait me consoler, Montréal sait me rappeler, parfois, quand elle pleure de froid, quand elle craquelle, les caresses russes d’autrefois. 





Et je me souviens d’un chant russe. D’une cithare qui l’accompagnait. De paroles que je ne comprenais qu’à moitié. D’un cortège maigre et désolé.
 


Et je me souviens d’un chant russe. Je n’ai rien compris du passé. J’ai quitté Moscou la glacée. Montréal a su me garder. 
 

Oui ?
 

Salut, Tom.
 


 

C’est Hélène.
 

Ah, quelle surprise…
 

Tu avais reconnu ma voix ?
 

Je n’y croyais pas.
 

Euh, et bien… Je passais par là…
 

Tu es dans le coin ?
 

Oui. C’est drôle, non ?
 

Tu veux passer ? Non, je vais te rejoindre, je suis resté enfermé toute la journée. Tu peux m’attendre dans un café ?
 

Je sors de la cabine, pénètre à nouveau dans le froid. Je me souviens de la cithare qui accompagnait le chant russe, et de cet homme aux longs doigts fins, ces longs doigts fins qui, tout le jour, caressaient les cordes, et la nuit caressaient mon corps.
 

Une minute plus tard, je m’installe au Rêve Québécois. Un rade pourri que je connais bien. J’y ai assez attendu Tom. Le café est affreux, les néons criards, le patron désagréable. 
 

Mais la première gorgée de mauvais café bien chaud m’emplit de courage. Et cinq minutes plus tard, Tom pousse la porte du bar et vient s’installer en face de moi.
 

Il n’a pas changé. 
 

Et là, second chapitre, le premier sur Daniel ?
 

Nous sommes tous deux vaguement gênés… Tom, toujours mondain, commence la conversation. Il m’interroge sur mon travail.





Je me souviens de paroles que je ne comprenais qu’à moitié, des paroles de chanson qui rythmaient l’air de cithare, et des paroles murmurées au creux de la nuit. Du plus profond de mon être je recevais sans les comprendre ces paroles russes, elles atteignaient des parties de mon être dont je n’avais jamais soupçonné l’existence.
 

Je me souviens d’un cortège maigre et désolé. Quelques humains glacés, un chien maigrelet, sous la pluie russe. Comme la banlieue de Moscou était malade… Des jeunes filles se prostituaient dans les bars pour se payer leur rouge à lèvres et pour payer les cigarettes de leurs amants brutaux et rugueux. Un bus livide passait de temps en temps. Le morne cimetière avait quelque chose d’orthodoxe et quelque chose de communiste. Je savais que je passais mes derniers temps à Moscou. Adieu, Piotr. Adieu, la musique de Kino et Victor Stoy. 
 

 

Quand on décide de vivre pour l’amour, on s’engage pour une vie de vagabond. 
 

 

II Daniel
 

 

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Il referma le journal sans le lire. Lassé, écoeuré. Par la vitre du bistrot il vit que le ciel était aussi maussade que lui. 
 

Il vivait dans un studio, pas loin des quais, au bout du cinquième arrondissement. Cela faisait deux ans qu’il était parti de chez sa mère et qu’il s’entretenait tant bien que mal, publiant deux ou trois articles par ici, effectuant quelques recherches pour un éditeur, ou gagnant des concours de poésie. Il avait trente-deux ans, ce studio qu’il louait, un ordinateur, une machine à café et la vue sur les toits de la ville. Quelques autres choses aussi, un fauteuil en paille, à bascule, sur lequel il se balançait en écoutant des disques de Rock ; un congélateur et quelques poêles, de la vaisselle, des habits dans un placard et une collection de boîtes de parfums.
 

Il s’appelait Daniel, Daniel Leblanche, et il avait fini par se faire à son nom. 
 

Bien sûr, se disait-il ce matin là, au petit bistrot du coin de la rue, en face d’un café serré bien chaud, bien sûr, si l’adolescent que j’étais pouvait voir ce que je suis devenu, il se suiciderait. Mais qu’est-ce qu’il connaissait de la vie ? J’ai un studio et de quoi me payer à manger et des cigarettes. J’ai quelques amis que j’aime. Je parle avec des gens, au bistrot ou quand je travaille… 
 

Mais l’image de l’adolescent d’il y a plus de dix ans l’obsédait. Qu’avait-il changé au monde, à la société ? D’un certain point de vue, il n’avait rien trahi des idéaux de pureté de sa jeunesse. On ne pouvait pas dire qu’il s’était jeté dans le libéralisme à corps perdu, ni qu’il avait renoncé à penser pour penser comme il faut. Mais il sentait confusément que ce jeune homme imberbe aux rêves de gloire et d’anarchie, s’il revenait, tel un fantôme, constater le résultat de ses révoltes et promesses de dix-sept ans, regretterait immédiatement les petits appartements aménagés autour de la télévision et les quinze jours annuels aux Seychelles que ses camarades de lycée et de rêveries avaient tous finit par obtenir. Et cela révoltait Daniel, alors qu’il trempait ses lèvres dans la petite tasse brûlante, assit en vitrine, les yeux dans les pieds des passants. Comment ce petit merdeux s’était-il permis des injonctions aussi radicales et effrontées sur la société quant au fond, il aurait tout vendu pour la moindre reconnaissance sociale ?
 

Ce dédoublement entre Daniel et le jeune garçon qu’il avait été le rendait mal à l’aise. Mais il savait qu’il ne chercherait pas à noyer cet antagonisme dans l’alcool – il buvait pour écrire, pas pour oublier-, ni dans une quelconque course vers une vie plus installée. A quoi bon ? Il ne s’en sentait pas capable. Le voyage intellectuel était tout ce qui lui restait, et, ayant raté les études qu’il avait voulu faire, il le pratiquait en free style, comme disent les musiciens, cherchant plus à penser profondément qu’à penser intelligemment. 
 

Il finit son café, en commanda un second (il avait gagné quelque argent récemment), et s’engouffra dans sa chaise et dans ses pensées. 
 

Il se rendit bientôt compte que, pour la première fois de sa vie, il était démuni ; il ne pouvait penser seul. Il ne pouvait être à la fois lui-même et ce qu’il avait été. La rupture était-elle trop grande ? Daniel ne pouvait répondre à sa question à la place de l’adolescent danieL. Il ne pouvait non plus retrouver quelqu’un qui était mort, sans être mort. Il n’y avait même pas de cadavre ! Il alluma une cigarette, et sourit, malgré la crise d’angoisse qui s’éveillait. Un tel geste, au moins, le rapprochait de danieL. Allumer une clope, le matin, au bistrot, pour accompagner un café. Une solidarité surgit entre l’homme raté et l’adolescent chargé d’espoir. 
 

Et dans le ballon de fumée de la première bouffée, Daniel trouva un ultime espoir. Et si danieL vivait toujours ?
 


La vie dans la ville, le fil des jours et des saisons malades, les instants qui font mal et ceux qu’on voudrait prendre, pour les blottir au fond de nous et les revivre incessamment, comme une drogue, tout cela meurt à chaque seconde, effacé par la pluie. Et chaque fois qu’il pleut, tout est perdu. Vous souvenirs brûlants comme vos hontes insensées.
 

Il pleuvait quand Daniel sortit du bistrot. Les rues n’étaient pas trop remplies. Il voulut marcher sous la pluie, pour qu’elle noie les angoisses naissantes. Il hésita, son regard oscillant à gauche, à droite, en face…En face était blanc et vide, échafaudages dans une brume blanche et terrasses de café désertes. Il s’élança. Il parcourut un dédale de ruelles sales, de poubelles et d’échoppes criardes, jusqu’à ce que la lassitude d’un spectacle trop imprégné du quotidien, aux relents d’un passé sans mythe ne l’amène sur les grands boulevards muséifiés, aux couloirs d’arbres malades et dignes, du septième ( ?) arrondissement.
 

Daniel marchait sous la pluie, de sa démarche un peu à part, à la fois rapide et traînante. Il pensait à danieL. Aux rêves de musique et d’écriture, d’anarchie et d’amitiés. Il essayait de reconstituer la vie et la pensée de l’adolescent, dont il avait brûlé tous les cahiers, un soir de désespoir. Il ne pourrait plus relire ces pages, griffonnées fiévreusement pendant les très longues heures de cours au lycée, ou la nuit, quand il ne dormait pas. Il essayait de se souvenir des amis de l’époque, mais ceux qu’il n’avait plus revus étaient presque effacés. Des bribes de visages lui revenaient, flous, presque délavés. Des regards, surtout, ou des rires pleins d’acné. Quant aux quelques garçons qu’il n’avait pas perdu de vue, leur air sage d’adulte dynamique, d’animal de zoo pensant, ne l’aidait pas à faire revivre une jeunesse violente d’espoirs et d’angoisse, de désir d’exister ou de mourir, somme toute banale.
 

Trempé, calmé, il prit le chemin du retour. Il ne revint pas sur ses pas ; les quelques fois où il était rentré d’une promenade par le même chemin, l’inutilité de ces milliers de promenades qui rythmaient sa vie lui était apparut tellement clairement qu’il ne s’y risquait plus jamais. 
 


Paris revêtu de son brumeux manteau d’hiver, Paris s’enfonce, plus profond chaque jour sidéral, dans l’abîme incolore du froid. En remontant chez lui, il vît par la fenêtre que la ville paraissait une longue déchirure entre le gris du ciel et celui des trottoirs. En rentrant chez lui, il se fit un café. Pour ne pas voir que la cafetière était épouvantablement sale, il ne regardait pas ses gestes. Il passa la matinée à boire du café et à songer à écrire. C’était toujours ainsi : quelques heures d’auto-encouragements étaient nécessaires pour se mettre réellement au travail. Mais plutôt que d’écrire l’article qu’on lui demandait, il retraça ses errances mentales de la matinée, et se demanda en quelques phrases tragiques, comment rendre sa vie un peu plus attrayante à ce danieL imaginaire, qu’il avait été et dont il ne supportait pas le mépris supposé. 
 


Il aurait eu des frères et sœurs, il aurait été le raté de la famille. Il en faut bien un. Le sacrifié, quoi. Mais raté unique, ça c'était dur à assumer. Et à infliger.
 


Il s’endormit à l’aube.
 

Lorsqu’il s’éveilla, au déclin du jour, une fraîche odeur de propre flottait dans le petit appartement. Il en fut si surpris qu’il sortit de son lit, et eut le bonheur neuf et intense d’être accueilli, dans la cuisine, par la cafetière prête à l’emploi. Il se prépara un café, en sifflotant, qu’il but en regardant par la fenêtre Paris qui allumait ses feux artificiels, et les passants courrotant dans la rue, entre les échoppes et les bistrots. Au bout de la rue, de la vieille bouche de métro jaillissaient des dizaines et des dizaines d’êtres humains en manteaux et bonnes chaussures, qui se répandaient ensuite sur la petite place.
 

Il lava sa tasse, et compta les pièces de monnaie dans ses poches. Il restait de quoi boire un kir, ou autre chose, dans un café inconnu. Alors, pris d’un rêve nouveau, il se coiffa, enfila son manteau, et ouvrit sa porte.
 

Et il s’élança dans les escaliers, pris d’une fureur de vivre, d’être bien, avec l’espoir haletant que la nuit serait belle et sombre, que les rues brilleraient sous les lampadaires oranges et qu’au creux de la ville, d’un échange de regards, du battement d’aile d’un pigeon ou des talons d’une femme jaillirait à nouveau l’envoûtante sensation qu’entre le rêve et le trottoir une alchimie se meut.
 

A suivre...
 
Marin dupondt