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samedi, 02 novembre 2019

Umor Bacchi

« Si aqua désigne l'eau comme objet, unda sera, le plus souvent, l'eau en mouvement, et l'on s'en servira pour évoquer les vagues de la mer : mare plenum undarum, écrira Plaute. Lumpa est l'eau des sources, qui surgit miraculeusement des entrailles de la terre, et qui est d'une grande transparence – d'une grande « limpidité » disons-nous encore. Le terme de lumpa sera, dans l'usage, rapproché du nom grec des « nymphes », elles aussi divines et habitantes des sources. Umor sera l'humidité qui pénètre les plantes et les objets ; ce terme pourra désigner les larmes aussi bien que le « sang de la vigne », la « sève de Bacchus » (umor Bacchi), cette sève qui se dissimule dans le cep, puis passe dans la grappe et devient enfin du vin. Ros se dit de l'humidité sous la forme de gouttelettes : la rosée matinale, mais, aussi, les larmes, qui roulent goutte à goutte sur les joues. Latex, enfin, est l'eau qui sourd à gros bouillons (profluens aqua), mais aussi tout liquide rencontré ou imaginé sous cet aspect. On voit que la notion abstraite de « liquide » doit être induite à partir de différentes spécifications. Est-ce marque de pauvreté, est-ce richesse ? Certes, pour un chimiste, le vocabulaire latin se révélera peu commode, et source de confusions. Mais pour le poète ? Et pour cette sorte de poètes que sont les orateurs ? Encore conviendrait-il de regarder de près la manière dont Lucrèce, qui, lui, a besoin de notions « abstraites », utilise ce vocabulaire, jouant habilement des nuances et des ressources qu'il offre, avec une subtilité et, finalement, une précision que ne saurait approcher notre langage abstrait. Par exemple, ayant à sa disposition, pour exprimer l'idée de chaleur, les deux mots : calor et vapor, il réserve le premier à la chaleur directement perçue par nos sens (à peu de chose près, et précision numérique en moins, notre « température ») et le second à la chaleur comme substance, comme fluide imprégnant les corps ».

 

Pierre Grimal, IN La littérature latine, Chapitre La langue littéraire

jeudi, 30 mai 2013

Passages de Baude Fastoul (extraits des 29 et 30 mai)

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Je tiens à nouveau le journal de Baude Fastoul, arrêté de nombreuses semaines suite à quelques déceptions et difficultés de vivre, puis, au contraire, à de trop grandes exaltations. Je reprends le clavier fastoulien et c'est étonnant d'avoir laissé tant de temps blanc, sans phrases, sans mémoire. J'avais pris l'habitude de laisser trace de chaque jour, et j'ai l'impression que ces lambeaux de vie non écrite sont perdus pour toujours, contrairement aux jours enfastoulés.

Le principe du journal de Baude Fastoul est que les Fastouliens s'engagent à rendre disponible leur journal après leur mort, afin que celui-ci soit publié, en même temps que tous les autres journaux, au lendemain de la mort du dernier d'entre nous. Cette solution permet à chacun d'entre nous d'écrire en toute franchise des choses qu'il accepte de laisser à la postérité, mais non à ses compagnons d'époque. Toutefois, rien n'interdit au Fastoulien de rendre public un passage de son journal ou celui-ci dans son entier. Il n'a juste pas le droit de céder les droits du journal à quiconque pourrait nous empêcher de le publier au lendemain de la mort du dernier de la confrérie.

L'ayant tenu secret (et pour cause : de nombreux passages concernent des gens que je connais et dont je dis ce que je pense, ou encore des épisodes de ma vie que j'accepte de confier à ceux qui ne me connaîtront pas, mais aucunement à mes contemporains), j'ai éprouvé d'abord une liberté, une excitation qui accompagnaient ce secret. Peu à peu, une certaine lassitude s'installe, due à l'aspect intangible, voire clandestine, que donne l'intimité du secret. Je m'essaie donc à la publicité de certains passages. AlmaSoror reçoit environ 500 visites par jour, et je suis incapable de savoir qui vient, et à quelle fin. Je suis heureuse de savoir que des yeux parcourent nos billets – mais ne peux rien supputer ni supposer sur vous, mes amis. Peut-être parmi vous, certains Fastouliens viennent un peu, souvent, lisent quelques billets, ou tous. Quoi qu'il arrive je n'écrirai rien ici de fastoulien qui livre des informations sur certaines parts de mon intimité, rien non plus qui trahisse autrui.

J'ai beau apprécier de lire, quasi-quotidiennement, l'étrange journal Le jour ni l'heure, du (mal-)pensant Renaud Camus, je n'ai pas ce cran – ni cette impudeur ? - de minutieusement rendre public ce qu'il est d'usage de cacher.

Mercredi 29 mai, jour de la Saint Aymard (prénom d'un de mes oncles éloignés, rencontré à peine trois fois...)

Je ne relate que le soir : j'ai passé la soirée au Godjo, en compagnie Emmanuel, qui découvrait la cuisine éthiopienne avec plaisir. Ils n'avaient pas de tedj, nous avons donc bu du Côtes de Provence. Emmanuel a eu un peu de mal à se laisser inviter, quelques semaines après son anniversaire de quarante ans . Nous avons marché ensemble en sortant du restaurant, jusqu'au Luxembourg. C'est toujours un plaisir de contempler le visage énergique et profond de cet ami si fraternel.

Le soir, couchée tard (après minuit), pour continuer ma lecture d'Un monde invisible, de Laurence Bordenave, suivi de quelques phrases de La brièveté de la vie. J'hésite à laisser tomber Sénèque pour Lucrèce, afin que les thèmes de mes deux lectures s'épousent.

Jeudi 30 mai, jour de la Saint Ferdinand. Levée tôt, puis recouchée avec un café. Activités diverses, jusqu'à ce déjeuner de la rue des Orteaux, court, mais je l'ai rallongé en rentrant à pied. Place de la Nation, deux anciens camarades des Langues Ô me hèlent, nous nous attablons quelque temps et échangeons des nouvelles que chacun essaie de rendre le plus vague possible. Je rentre ensuite par le boulevard Diderot, le boulevard de l'Hôpital, le boulevard de Port-Royal, jusqu'à Duroc. Chacune de ces voies se charge de me renvoyer les souvenirs qui lui sont liés.

Et j'écoute l'Agnus Dei de la messe pour double coeur de Frank Martin, plusieurs fois, et enfin toute la messe. La fameuse messe de Frank Martin, encore si peu connue. Serait-ce, avec le requiem de Duruflé et les litanies de la vierge noire, la musique du XX°siècle que je préfère ?

mercredi, 11 février 2009

sur Lucrèce...

Hommage

 

"La mort n'est donc rien et ne nous concerne nullement puisque la nature
de l'âme apparaît comme mortelle"

 

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Sur Lucrèce

Mystérieux poète et philosophe latin, né dans les années 90, et mort dans les années 50
du premier siècle avant JC.

 

 

 

"Jeté dans la folie par un philtre d'amour, après avoir écrit quelques livres dans les intervalles de sa folie - livres que Cicéron corrigea -, il se tua de sa propre main à l'âge de 43 ans," écrivit Saint-Jérôme (fin IVème, début Vème siècle).

 

En réalité on ne connaît rien de la vie de Lucrèce.

Ses contemporains n'ont presque pas parlé de lui.

On soupçonne Saint Jérôme de l'avoir dénigré parce qu'il était athée.

 

Ciceron écrit :" Lucreti poemata ut scribis ita sunt : multis luminibus ingenii, multae tamen artis" : "Lucrèce a de brillantes qualités naturelles, et aussi beaucoup de métier".


Ovide lui rend hommage :"Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit"

(Amores, I, 15, 23).


Un long poème en vers : de la nature des choses

En un long poème, De Rerum Natura, Lucrèce expose la théorie d’Epicure, qu’il admire. Il voudrait la remettre au goût du jour.

C’est un travail scientifique et linguistique de taille, que d’écrire ainsi la première grande œuvre philosophique en latin.

Lucrèce dédie De Rerum Natura à Memmius.
Mais qui était exactement Memmius ? Peut-être le sulfureux gendre du terrible Scylla.


Clinamen et Liberté

 

Pour Lucrèce le monde, infini, est composé d'atomes qui devraient suivre une trajectoire de haut en bas. Mais les atomes dévient spontanément de leur trajectoire initiale.Cette déviation, Lucrèce la nomme le clinamen.

 

Grâce à cette infime "déclinaison", se créent des agrégats, des tourbillons, des mondes. Lucrèce en déduit la liberté des êtres vivants. Son idée était de montrer que tout étant matière - rien ne se crée de rien - les êtres vivant étaient libres et pour cela il dotait la matière elle-même - les atomes - d'une liberté : le clinamen.

 

Le clinamen, déviation des atomes de leur course naturelle, fonde notre liberté. Ainsi nous ne devons pas notre destin aux dieux de l’Olympe, mais notre libre-arbitre à l’impertinence des atomes.

 

Le poème De Rerum Natura s’ouvre sur une sublime invocation à Vénus, déesse de l’amour, et se ferme peu après la terrible description de la peste d’Athènes. Lucrèce est un homme déchiré entre l’amour bon vivant de la vie et de la science, et l’angoisse de l’inconnu, de la mort.

 

 

 

« Ainsi le temps peu à peu dévoile chaque découverte l’une après l’autre et la raison se dresse aux rives 
de la lumière ».

 

mardi, 10 février 2009

Lucrèce et le clinamen

 


De rerum natura

Un extrait suivi d'une traduction

 

D'où vient la liberté que nous avons sur notre propre vie ?

Du mouvement des atomes, qui dévient de leur course, arrêtant ainsi le cours automatique du destin pour donner naissance au libre arbitre.

Inspirée d'Epicure, la pensée poétique de Lucrèce, qui veut prouver notre liberté, est une grande révolution intellectuelle et scientifique.

 

Denique si semper motus conectitur omnis,

et vetere exoritur semper novus ordine certo,

nec declinando faciunt primordia motus

principium quoddam quod fati foedera rumpat,

ex infinito ne causam causa sequatur,

libera per terras unde haec animantibus exstat,

unde est haec, inquam, fatis avolsa voluntas,

per quam progredimur quo ducit quemque voluptas,

declinamus item motus nec tempore certo

nec regione loci certa, sed ubi ipsa tulit mens ?

 

«  Si toujours tous les mouvements sont solidaires, si toujours un mouvement nouveau naît d’un plus ancien suivant un ordre inflexible, si par leur déclinaison les atomes ne prennent pas l’initiative d’un mouvement qui rompe les lois du destin pour empêcher la succession indéfinie des causes, d’où vient cette liberté accordée sur terre à tout ce qui respire, d’où vient, dis-je, cette volonté arrachée aux destins, qui nous fait aller partout où le plaisir entraîne chacun de nous, et, comme les atomes, nous permet de changer de direction, sans être déterminés par le temps ni par le lieu, mais suivant le gré de notre esprit lui-même ? »