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jeudi, 29 juin 2017

Sara invitée par Elodie Bouygues à Besançon

Ma chère collaboratrice Sara conversait avec Elodie Bouygues à l'université de Besançon, le 9 juin 2017. 

lundi, 21 juin 2010

Album de route et de mer

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Même les adultes n’osent plus refermer les arches et les ponts qui laissent l’enfant, les chiens et le poisson passer. Les photos sont très belles et l’une d’elle rappelle le film Arizona dream, qui est une autre histoire de poisson.

Petite brouette de survie

Par Tieri Briet
et Alexandro Martinez
Éditions Où sont les enfants ?

 

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Le rêve du poisson


La nuit, au milieu d’une photo noire et jaune, un poisson du frigo demande au petit garçon de le ramener jusqu’à la mer.
L’enfant écoute la demande. Le jour suivant, à l’école, il rassemble les informations dont il a besoin. Alors, grâce au rêve du poisson, l’enfant vit une aventure magnifique.
Fini, l’école, les obligations. On construit une brouette-cabane et on part.
On va chercher la mer. Les chiens sont d’accord pour venir.
Même les adultes n’osent plus refermer les arches et les ponts qui laissent l’enfant, les chiens et le poisson passer. Les photos sont très belles et l’une d’elle rappelle le film Arizona dream, qui est une autre histoire de poisson.
Le poisson a peur des allumettes, du feu et de la folie des hommes. Mais l’enfant n’a pas peur du ventre de la mer, ni de la très ancienne langue animale difficile à comprendre.
La plus belle page, c’est quand l’écume des petites vagues rafraîchit les jambes du petit garçon, et qu’enfin le poisson va entrer dans la mer.
C’est bien d’avoir les pieds dans la mer, de rendre l’océan aux poissons, et de rendre les poissons à l’océan. Ce livre me rappelle une phrase du chef Indien Nez-Percé Smohalla. "Mes jeunes gens ne travailleront jamais. Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver. Et la sagesse nous vient des rêves."

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25 mai 2006


Edith de Cornulier-Lucinière

 

lundi, 07 décembre 2009

Children’s litterature is (part of) litterature

 

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photo Sara

 



Par E. Morning

Yesterday...

Yesterday, as I was roving aimless through the shelves of the town’s library, I lost myself for an hour in the children’s books corner.
When I found myself again, I discovered that the last hour that had passed had been a time of profound quality, intellectually, humanly, spiritually.
Then I realized that I was the only adult reader among a gathering of children.
When I went out of the library, the town was already bathed in night ; it appeared to me that I had spent many years too far from childhood, from its culture, and I suddenly regretted that no one offered me an illustrated album since I was ten years old.

Voices fromever

Walking across the dark streets, I remembered a university fellow, who told us about the importance of tales in his native village. Old folks always sit on the main square of the village, telling tales. The children stay around, and day after day, they hear these same old stories inherited from far ancestors. Time flows. With the events of adolescence, the tales take a new signification. Time flows. And for each essential event - bereavement, wedding, birth of a child - the stories come back to memory, revealing their hidden meanings, helping to make a decision or interpret a fact. You never finish to understand a story, said our friend ; they shape lifes : in solitude, in joy, the tales come back, inexhaustibles. I know that when my life is over, one of these old stories will come, one last time, and help me embrace the light of death.
Thus, a childish tale can get along with a human’s life, and wrap it with its age-old wiseness and vision. Aren’t our tales, from time immemorial, reaching every heart, the essence of litterature ? Don’t they remind us that litterature is a tree, that children’s litterature, adults’ litterature, are branches of this same tree, and cannot be completely separated ?

Voices forever

It is always intense to read aloud for a voice reading is a book in movement.
By reading aloud to children, you open for them the door of the world of books.
In this way you share with your children or pupils a moment that every culture, everywhere, in everytime, knows, so it gives them the key to their past, present and future...
The things we can share around the pages of a book are richer, deeper and stronger than the ones a television screen offers. Books are both the door to intimate solitude and to universal communion...

The library and the garden

Of course let’s let modernity inhabit us, since we inhabit it. Let’s initiate the children to the modern techniques. But in this era of computers, we still are bodies, with eyes, and hands, and skin, and the greatest human interactions we can have include this animal level... That is the reason why the physical presence of books is vital, for the children. Their smell, their touch become part of their physical universe before to be part of their mental habits.
Like Nature, a world where books live is a world of infinite promises and marvels.
And living in a house that possess shelves filled with books is like living in a house with a garden. It grants a limitless life, an infinite universe kept in a close space. It is the invisible door to freedom.
Enter the garder and you will do a thousand jouneys. Just with a clump of plants.
Enter the library and you will do a thousand journeys. Just with a bunch of phrases.
The library, like the garden, is alive, and brings out the ability to dream...

The forbidden books

This doesn’t abolish the distinction between adult and children litterature. The two worlds exist. But, in litterature as in life, they must be open to one another. If not, adults go drifting off and children can’t find enough earth to grow.
Even the presence of the forbidden books isn’t negative. They make dreams for the future blossom : “when I am a big I read these ones”...
The forbidden books, like the too difficult books, are an invitation, a world half open, half close. Their presence gives a burning desire to open the door of understanding. Here is the vow that the children who live in a world soaked with books make to themselves : growing, in order to understand.

Tomorrow...

Read books to the children, and let them read you books. Culture is a river and we all bathe in it, though some differences of education and age may seem to divide us. Let’s not let books separate children from their future, separate adults from their childhoods. Litterature creates bridges, not walls.
Big, you don’t need to have children to read children’s books. It will remind you the importance of pirates, insects, huts and love for the dogs. It will wash you from the dirt of adulthood.
Child, you don’t need to understand every word to read adults’books. For the call that a paragraph, stolen at the corner of a page, creates in your heart - this is tomorrow’s litterature. The one that you will search for, summon, or write.

édith Morning
30 mai 2006

 

samedi, 15 août 2009

Petite brouette de survie

 

 

édith N&B3.jpgphot Sara

 

 

J’aime les grands classiques de la littérature jeunesse. Je suis sorti pourtant hier de ces belles avenues pour découvrir un très étrange livre : petite brouette de survie de Tieri Briet et Alejandro Martinez, aux Editions Où sont les enfants ? 

Un texte étonnant illustré par des photos. Une sorte de road movie pour les petits. 

 

Un enfant ouvre le frigo de la cuisine familiale et trouve Oscar, un vieux poisson. Les lèvres du poisson tremble. Il murmure d’une voix préhistorique : « Ramène-moi jusqu’à la mer ».

L’enfant prépare donc sa brouette, qui devient un carrosse à une roue. Il demande la route de la mer à sa maîtresse. Puis il part avec Oscar. 

Je cite quelques phrases : 

« Maîtresse avait dit : « la mer est côté Sud. » A l’Ouest, il y avait l’océan. Et si je me perdais, il suffirait de suivre la rivière ». On voit que la Petite Brouette de Survie est un Water-Road Movie…

« Oscar ignorait tout des flammes et du feu. « Je suis un animal venu des eaux, répétait-il. Mes allumettes lui faisaient peur, et la folie des hommes aussi ». 

« Parce que la mer est partout, tu verras, même dans le cœur des gens qui vivent autour. »

Les phrases d’Oscar « ressemblaient à des poèmes venus d’une autre langue. Très ancienne langue animale, difficile à comprendre. »

Et à la fin du livre : « Au revoir, vieux poisson… Si tu reviens dans mon frigo, tu me raconteras la traversée du fond des eaux. »

 

Je crois que le monde entier est contenue dans cette immense petite histoire : le vent, la mer, la préhistoire, l’enfance et la vieillesse, les relations entre les hommes et entre les espèces. Et aussi le rêve, le voyage, la route.

Et puis l’amitié. Le Feu. La Spiritualité. 

Axel Randers

 

jeudi, 27 novembre 2008

Il était une fois l'animal

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I Genèse

 

La présence de l'animal dans l'histoire de la création du monde...

 

« Il était un royaume où volait le Corbeau. De temps à autre, l'Oiseau suspendait son vol pour fienter. Quand la matière était dure, elle se changeait en terre ferme ; quand elle était liquide, elle donnait naissance à des rivières et à des lacs, puis à de minuscules flaques et ruisseaux. (...) Mais une fois créé par la matière contenue dans le jabot et la vessie du Premier Volatile, le monde continua de baigner dans une obscurité profonde. » La Bible tchouktche, Youri Rythkéou

 

Les mythes fondateurs racontent l'origine du monde et des hommes.

Dans la Bible, la Genèse du monde est ainsi racontée : Dieu créa le monde, puis l'homme, puis la femme. Il créa les animaux, et celui qui joua dès le début un rôle important est le serpent, qui corrompit l'homme.

Pour les Tchouktches de Sibérie, le monde a été créé par un corbeau, le Premier Volatile, qui volait au-dessus de son royaume désert en laissant tomber sa fiente, fiente qui donnait naissance à des rivières, des montagnes...

Les Inuit ont encore une autre histoire : une jeune femme et un chien furent le premier couple. Leurs cinq enfants sont les ancêtres des habitants des cinq continents.

 

Dans les sociétés traditionnelles, les contes et mythes s'adressent à tous, enfants et adultes. Chaque événement dramatique de la vie permet une relecture de ces histoires, auxquels l'homme donne un sens plus profond à mesure qu'il vieillit. La littérature expressément réservée aux enfants est un événement moderne, né du rationalisme.

Dès lors, plus encore en Occident qu'ailleurs, le temps des animaux est le temps de l'enfance. Il y a une séparation radicale entre l'animal de l'enfance, enchanté, proche, et l'animal des adultes, rationalisé, utile, sans valeur sacrée.

 

II Initiation et symbole

 

Dans la littérature enfantine, les animaux servent à expliquer les relations humaines

 

«  Il était une fois un paysan qui avait de l'argent et des biens en suffisance (...) Mais sa femme et lui n'avaient pas d'enfants. (...) Un jour, il revint chez lui, s'emporta et dit :

- je veux un enfant ! J'en veux un, même si ce doit être un hérisson !

Par la suite, sa femme mit au monde un enfant qui était mi-hérisson, mi-homme : le haut de son corps en hérisson, le bas constitué normalement. Sa mère en fut épouvantée quand elle le vit et s'exclama :

- Là, tu vois ! Tu nous as jeté un mauvais sort !» Hans mon-hérisson, Grimm

 

L'anthropologue russe Propp a analysé des contes de façon structurelle et en a tiré des fonctions invariablement présentes (le héros, le donateur, l'agresseur, l'auxiliaire)... L'animal est toujours autrui. Il est très rarement le héros, il est celui que l'on rencontre sur sa route et qui nous révèle à nous-mêmes.

 

Les deux thèmes principaux de la plupart des histoires : comment trouver de la nourriture, comment se marier. L'animal permet de dissoudre l'enseignement en le rendant sibyllin. La petite fille apprend à la fois qu'elle doit éviter de se faire violer dans le bois par le loup, à la fois qu'elle devra vivre cela un jour, d'une autre façon. Ce trouble n'appartient qu'au langage symbolique et les rapports sociaux paraîtraient trop crus sans les masques animaux.

 

La littérature à destination des enfants utilise la proximité entre l’enfant et l’animal pour préparer au monde adulte ; mais la figure animalisée permet de dissocier le monde imaginaire du monde réel pour brouiller les pistes. La transmission s'effectue à un niveau inconscient.

Par ailleurs, dans ce mélange des mondes humains et animaux se trouve une reconnaissance de la très grande proximité qui les unit. Nous sommes animaux comme les autres animaux, nous souffrons, nous aimons et nous luttons comme eux.

 

III Paradoxes

 

Dans les histoires pour enfants, l'animal interprète les rôles enchanteurs, troubles ou mauvais. Mais ces rôles sont atténués par la censure pédagogique, qui ne reconnaît de conscience qu’humaine et qui déviolentise les contes. Que devient alors l'animal ?

 

Violence, magie, trouble, désir, crime : ces éléments hantent les rapports entre les hommes et les bêtes dans la littérature traditionnelle. L'animal permet donc de parler de crime et de sexe.

Pourtant, les modernes (Perrault, Disney) ont escamoté la cruauté des histoires. Cette déviolentisation a lieu partout. Par exemple, au Pérou, où l'on reprend les contes quechuas pour les manuels d'éducation des enfants indiens, on les lisse et les modifie car ils sont vus comme trop violents.

 

Cet escamotage littéraire est parallèle à l'évolution de la société. Le garçonnet d'il y a 100 ans voyait tuer les cochons régulièrement. Celui d'aujourd'hui refuse de manger lorsqu'il comprend avec horreur que les trois gentils petits cochons du conte sont découpés dans son assiette. Ces deux garçons à cent ans de distance n'entendent pas la même histoire à travers le même conte. L'interprétation et l'identification ne peuvent être semblables.

 

La modernité escamote la violence et elle brouille les rôles traditionnels. De ce fait l'animal n'est plus trouble ni mauvais, il devient gentil. Par ailleurs, le principe narratologique selon lequel l'animal était autrui et jamais le héros n'a plus lieu. L'animal est donc humanisé (héros au visage défini, doué de bonté) au moment même où les bêtes ont presque disparu de notre vie quotidienne. Il représente même parfois la gentillesse dans un monde de brutes humaines, un rôle tout aussi faux que celui de séducteur ou de tueur qu'il tenait dans les histoires traditionnelles. La bête est devenue ange. La cruauté et la tendresse sont souvent l'apanage réel ou supposé des enfants et des bêtes. Mais en éliminant la cruauté on élimine aussi la tendresse réelle, émergée du fond des êtres.

 

Si l'animal effrayant et enchanteur des contes a disparu de la littérature moderne, que reste-t-il de lui ? Dans la vraie vie, les animaux magiques des contes ont disparus : leurs inspirateurs sont confinés dans les zoos ou les élevages.

 

« Pan ! Le coup partit. La balle vint frapper le cygne en plein milieu de la tête, et le long cou blanc s'effondra sur le côté du nid.

- Je l'ai eu !cria Ernie.

- Joli coup, s'exclama Raymond.

Ernie se tourna vers Peter, le petit Peter qui était absolument pétrifié sur place, le regard blême.

(...)

Peter ramena le cygne mort au bord du lac et le posa par terre. (...) Ses yeux toujours mouillés de larmes étincelaient de fureur.

-Quelle chose infecte ! hurla-t-il ! (...) C'est vous qui devriez être morts, à la place du cygne ! Vous n'êtes pas dignes de vivre ! »

Le cygne de Roald Dahl

 

Qu’avons-nous fait de nos corps, de nos âmes ? De nos haines et de nos désirs ? Nous les avons nettoyé comme nous nettoyons les histoires que nous racontons aux enfants. Nous les avons enfermés dans des laboratoires, dans des ménageries, dans des bâtiments protégés aux abords des grandes villes.

Nous n’avons voulu garder que la raison, mais voici qu’elle hante un monde vide.

 

Que pourrons-nous faire pour retrouver l’animal, ce frère ennemi qui nous dégoûte et à qui nous voudrions ressembler ? Quand toutes les portes de la raison sont fermées et qu’il revient dans nos cauchemars, faudrait-il oser nous laisser entraîner dans son poème vital ?

 

Katharina Flunch-Barrows et Edith de Cornulier-Lucinière