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mercredi, 05 décembre 2012

Position délictuelle

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Un billet de N.S

Depuis huit jours, je vis dans mon lit. Il est possible que je n'en sorte plus jamais. Cela commença par une légère fatigue, un inconfort au bout de quelques heures assise face à mon ordinateur. Mes jambes en avaient marre de se cogner contre le coffre rangé sous la table, mon cou tiraillé souffrait, mes yeux penchés vers l'écran devenaient idiots.

J'ai pris le petit ordinateur portable et suis entrée dans mon lit. J'y ai travaillé plusieurs heures, contente de cette efficacité et de ce confort.

Le lendemain matin, à l'heure où j'allume mon ordinateur tous les matins depuis de nombreuses années, j'allumai mon ordinateur, m'asseyant à cette table sous laquelle dort le vieux coffre de voyage qui ne voyage plus depuis longtemps. Mais, au bout de quelques minutes, je me dis : « Et pourquoi ne ferais-je pas comme hier ? »

Je me remis au lit, avec l'ordinateur portable. Je travaillai, comme tous les matins.

Je me levai pour déjeuner, puis je voulus m'installer au grand ordinateur, à ma table. Il faut être sérieux, voyons, pensais-je. J'y allais, mais, finalement, je quittai vite cette position inconfortable de bureau et retournai avec le petit ordinateur dans mon lit. Là, je travaillai avec efficacité toute la journée.

Je ne sais plus quand vint le moment où la corde qui me ramenait toujours à la table se cassa. Depuis, je vis au lit.

Et j'ai honte.

Je ne travaille pas moins qu'avant. Je suis écrivain et je travaille autant alitée que lorsque je vivais debout. La sensation délictueuse, pourtant, me harcèle ; la culpabilité m'habite.

J'ai mis mon lit face à la seule fenêtre de l'appartement par laquelle passe la lumière du ciel. Mon visage est exposé à la lumière naturelle, en ce moment la grande lumière blanche du ciel de l'automne.

Je flotte au milieu des couettes comme une mouette se laissant transporter par une vague : j'aime cette attente jamais exaucée. J'attends un événement qui ne vient pas et l'inutilité de cette activité inonde mon âme de plénitude. Que m'arrive-t-il ? Je suis happée par le néant et je me laisse avaler.

Les voisins d'un autre immeuble ont vue sur ma fenêtre. Je sens qu'il me jugent : ils se disent : « elle est foutue ». Je gagne de l'argent comme avant, je communique par mails comme avant, je ne sors plus que pour faire les courses et me rendre aux rendez-vous nécessaires. Le reste du temps, je le passe dans mon lit. Avant, je le passai à ma table. Ai-je chuté comme la feuille, pour parler comme Isaïe ? Cecidimus quasi folium universi et iniquitates nostrae quasi ventus abstulerunt nos... Comme des feuilles mortes nous avons chuté, et comme le vent nos iniquités nous ont balayés...

Suis-je entrée dans mon tombeau pour y attendre la fin du monde, comme un des héros de La Voce della Luna, ou bien ai-je simplement trouvé une position plus agréable pour travailler ?

 N.S.

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