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samedi, 16 août 2014

Tcha tcha tcha !

 « - Sur les talus, ces tâches sombres ?

- Les gens ».

M Duras

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Pendant que vous faites la nouba, nous dansons la rumba. Les averses dansent leurs gouttes de pluie dans l'air et le soleil. Une sorte de bleu se pose tout doucement sur la ville, les jardins, les artères et la plage, là-bas. « Il n'y aura bientôt plus d'arbres », chantaient les enfants de l'école des jours sombres. Il en reste encore, pourtant, sur les places et le long de la promenade de la côte. Qui connaît encore des personnes qui craignent les abbés du monastère de l'étoile filante ? On danse, cela danse, tout le monde danse ! La théorie des péchés n'a plus cours au cœur même des familles. Un moine traverse la ville, il porte un chapelet, un grand chien à côté de lui, une clochette autour du cou, sonne l'appel du denier. Oh, lueur, tu t'échappes de la villa de Moonsmile. À l'intérieur, les riches dansent, comme nous – pas comme nous. Ils ont des blancheurs sur leurs soies, des reflets sur leurs ongles, que nous ne pouvons pas nous offrir. Les pauvres, eux, dansent aussi. Ils dansent en bas, du côté des docks, là où la gnôle se troque contre des bouteilles vides. Ils ont des déchirures à leurs vêtements, des trous à leurs chaussures, et crient trop fort – pas comme nous. Salsa ? Oui. Tango, non. Pas ce soir. Aujourd'hui, 15 août, la bonne vierge monte au ciel, en souvenir des premières communions nous dansons comme des fous sur des musiques qu'on aime. Le moine et son chien, la clochette, personne ne descend – on rit ! Ai-je déjà pensé dans ma vie ? C'était la question du mendiant philosophe, hier, au marché, quel idiot ! Je suis remontée sur mon scooter et je suis partie en filant comme un poisson volant. Le buffet se vide, les couleurs des aliments se réduisent, il ne restera bientôt que des cacahuètes et des loukoums. Ah ! C'est ce que je préfère, quand on a tout mangé, qu'on ne mange plus, qu'on oublie la vie, qu'on se remue dans la musique, qu'Abel m'appelle, que j'observe les autres, que je descends par l'escalier, que je le retrouve, qu'il me dit qu'il va bientôt quitter Lena pour moi, qu'il veut m'embrasser, que je m'enfuis, qu'il me rattrape derrière la statue, que je dis non, qu'il dit si, que je bouscule la table blanche, que l'on revient, qu'il me dit « marche devant », que je traverse la terrasse, que je vois Lena qui attend, que je vois des garçons qui m'attendent, qui me sourient, je suis la reine, qui pourrait vouloir penser ? Des mendiants, des pauvres moines, des philosophes, tous ces ratés qui ne connaissent pas la joie de se trémousser dans la splendeur d'une fête.

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