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dimanche, 05 avril 2020

La vie exposée

« Ce que nous avons sous les yeux aujourd'hui, c'est en effet une vie exposée comme telle à une violence sans précédent, mais précisément dans les formes les plus profanes et les plus triviales. Notre époque est celle où un week-end produit plus de victimes sur les autoroutes d'Europe qu'une campagne militaire ; mais, parler, à ce propos, d'un « caractère sacré des glissières de sécurité » n'est, bien sûr, qu'une antiphrase.

De ce point de vue, la volonté de donner à l'extermination des juifs une aura sacrificielle à travers le terme d'« holocauste » relève d'une démarche historiographique aussi aveugle qu'irresponsable.

Le juif, sous le nazisme, est le référent négatif privilégié de la nouvelle souveraineté biopolitique et, comme tel, un cas flagrant d'homo sacer, au sens où il représente la vie qu'on peut ôter impunément mais non sacrifier. Son meurtre, comme on le verra, ne constitue ni une exécution ni un sacrifice, mais seulement l'actualisation d'une simple « tuabilité » inhérente à la condition de juif comme tel. La vérité, difficilement acceptable pour les victimes elles-mêmes mais que nous devons pourtant avoir le courage de ne pas recouvrir d'un voile sacrificiel, est que les juifs ne furent pas exterminés au cours d'un holocauste délirant et démesuré, mais littéralement, selon les mots mêmes de Hitler, « comme des poux », c'est-à-dire en tant que vie nue. La dimension dans laquelle l'extermination a eu lieu n'est ni la religion, ni le droit, mais la biopolitique ».

 

Giorgio Agamben, IN Homo sacer, Seuil entre la deuxième et la troisième partie

Un article intéressant sur Homo sacer et particulièrement sur ce passage : Retour sur le camp

lundi, 26 janvier 2015

Homme sacré

 

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Tu étais assis à cette terrasse de café au soleil face au parking qui, lorsque je te vis, me parut aussi beau qu'un océan, avec ses vagues de capots et son ballet d'allées et venues sur les étendues de macadam. Tu étais presque bien rasé, tu portais une chemise sans caractère et tu contemplais l'inconnu. Sur ta table étaient posés deux livres : les Confessions de Saint-Augustin et Homo Sacer, de Giorgio Agamben.

T'apercevoir, me donna l'impression neuve de vivre. Je devais rejoindre un petit groupe dans le centre culturel du bout de la route mais je m'assis à une table, non loin de celle où tu attendais tranquillement que rien ne se passe. Nos regards se croisèrent une seconde et tes lèvres sourirent vaguement, puis retournèrent à leur expression réfléchie et rêveuse.

Ce n'est que bien longtemps après que j'ai appris ton nom : Anne-Pierre Lallande, et ta foi : l'enfance. Tu étais mort déjà et mon âme t'aimait pour toujours.

 

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