vendredi, 06 novembre 2015
Massa
Le jardin de l'hôtel de Massa est si beau que je reste encore longtemps après la fin du Comité, dans cet après-midi frais et doux, à contempler l'immobilité des arbres et la magnificence de l'automne.
Un certain silence calme mon cœur. Au premier plan sonore, mon acouphène et les cris épars des oiseaux. Au second plan, le ronronnement inégal des voitures.
La pierre de l'hôtel dort sagement, elle représente un statu quo éternel ; il est donc difficile de concevoir cette vérité que le bâtiment, auparavant situé sur les Champs Élysées, a été démonté pour être ensuite entièrement rebâti ici.
Les formes baroques des branches des arbres émaillent mon repos de fantaisie. Je sais que de l'autre côté du mur, dans les jardins de l'Observatoire, vivent de nombreux chats, nourris par les savants fous qui hantent ces lieux si proches, toujours inconnus.
En une ou deux semaines, à mes (très nombreuses) heures perdues, j'ai lu l'intégralité des articles du blog de Didier Lestrade et j'en garde deux interrogations : qu'écrire, et comment écrire, quand on ne s'est pas identifié à une communauté ciblée, pourvue d'une culture spécifique, et vouée à une cause ? (Par exemple, les gays, la musique House, le sida, mais cela pourrait être, les basques, la langue et la pelote basques, l'indépendance du pays, ou encore les catholiques traditionnels, la messe selon saint Pie V, la lutte contre le droit à l'avortement). La deuxième interrogation, c'est de me demander quel serait l'intérêt et la profondeur de ce blog lestradien si on l'amputait des merveilleux articles sur l'entretien du jardin, qui forment un contrepoint mélodique majestueux et intemporel à la ligne éditoriale militante et communautaire ?
Hélas, quand je me reconnais dans une communauté, elle me dégoûte aussitôt au point de me rendre malade, et quand je m'investis dans une cause, ses défenseurs et leurs stratégies m’apparaissent aussitôt extrêmement discutables, critiquables, presque détestables. Même la cause animale, la plus criante, la plus muette, celle qui contient toutes les autres puisqu'il s'agit du respect intégral de l'être vivant, capable d'éprouver des sensations et des émotions.
De toutes manières, si nous étions vraiment concernés par la moindre injustice, il ne serait pas possible de rentrer chez soi le soir en longeant des corps dormant à même le macadam. Il nous serait impossible d'accepter un seul jour que les citoyens qui "travaillent" soient liés par un lien de subordination à d'autres citoyens, il nous serait impossible de valider l'existence de trois états hiérarchiques (catégories A, B et C dans la fonction publique, cadre-employé-ouvrier dans l'entreprise privée).
Nous ne pourrions pas non plus supporter que des gens soient enfermés dans des prisons quand ils n'ont pas usé de violence envers leurs semblables, ou que les enfants de l'assistance publique, c'est-à-dire dont la seule famille est la société toute entière, soient en grande partie voués à la rue, à la prostitution, à la prison, après avoir subi, en plus de l'atone organisation des services publics, de nombreux sévices commis par les agents sociaux.
Aussi, plutôt que d'embrasser une cause, un mode de vie cohérent avec nos pensées paraît une solution plus discrète, certes, mais beaucoup plus difficile à tenir : refuser de participer à ce que l'on réprouve, restreindre ses achats à un mode de production que l'on contrôle et valide, se détourner des médias subventionnés ou appartenant à des groupes côtés en bourse, et s'engager localement, à échelle d'une vie personnelle, sur tous les sujets : l'architecture autour de ma maison, les transports, le lieu et le mode de travail, l'état de santé physique et économique des personnes de mon quartier, la bien-traitance des animaux du coin, la vie des végétaux des alentours, l'état du ciel au-dessus de ma tête et du patrimoine qui m'entoure.
Nous devons venir à la gestion commune et égalitaire des zones où nous sommes. Aucun expert, aucun fonctionnaire, aucun patron, aucune entreprise spécialisée ne devrait nous priver de cette voix, de cette présence quotidienne sur tous les fronts de la vie.
Évidemment, l'après-midi a passé, voilà que le soir surgit comme une ombre immense, qui surgit de nulle-part et se couche partout, affaiblissant la lumière. Entre chien et loup, je prends une inspiration plus grande que les autres, et laisse mon souffle se vider complètement.
Les feuilles mortes jonchent les graviers et la pelouse, quel bonheur qu'on ne les ait pas aspirées. Qui a peur des feuilles mortes ? Presque tout le monde, en tout cas le monde décisionnaire et propriétaire : jardins des institutions et des particuliers, rues, places, squares, sont aspirés comme si la beauté fantastique de la mort automnale était trop symbolique pour nos vies assurées chez Axa.
Ici, à Massa, les feuilles mortes crânent, elles impulsent leur rousseur immanente, juste le temps de rappeler que tout est éphémère, et que demain peut-être est ton dernier hiver.
Mais "des yeux sans nombre ont vu l'aurore et le soleil se lève encore". Voici le soir et la paix du cœur. Voici l'automne et la mort des arbres, lente et pleine d'une douceur qui tiédit, qui froidit, en attendant le premier jour de gel.
Assise sur un banc, j'ai 37 ans, je vois des formes passer derrière les arbres et je vis intensément ce bel instant. Je n'ai pas peur. Demain n'existe pas.
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mardi, 28 mai 2013
Nadine Gordimer et Jean Cocteau à l'Hôtel de Massa
Un bel hôtel du quatorzième arrondissement, deux écrivains du XX°siècle,
deux soirées au cours d'un printemps qui se prend pour un automne.
Le jeudi 30 mai et le jeudi 6 juin, on pourra assister, à la Société des Gens de Lettres, rue du Faubourg Saint-Jacques, à Une saison de Nobel et aux Variations Cocteau. (Mais pour ceux qui ne connaissent pas la Société des Gens de Lettres - SGDL -, ne faut-il pas commencer par écouter Cristina Campodonico nous en parler ? C'est possible au bas de ce billet...)
Jeudi 30 mai à 20h00 à l'Hôtel de Massa
Nadine Gordimer , Prix Nobel de littérature 2011, Afrique du Sud
«... pour la magnifique oeuvre épique d’un très grand intérêt pour l’humanité »
La présentation sera assurée par Georges LORY
Grand reporter à Jeune Afrique, puis diplomate, conseiller culturel en Afrique du Sud de 1990 à 1994, il participe à la transition démocratique du pays. Entre 1998 et 2008, il est directeur des Affaires internationales de Radio France Internationale et depuis 2009 délégué général des Alliances françaises en Afrique australe. Il a publié trois recueils de poèmes (dont un en afrikaans), traduit des poètes afrikaners dont Breyten Breytenbach et Antjie Krog, des romans et nouvelles de Nadine Gordimer, des textes de John Coetzee et d’André Brink, ainsi que l’écrivain néerlandais Adriaan van Dis. Il est l’auteur de quatre ouvrages dont un sur l’Afrique du Sud.
Une lecture en anglais sud-africain sera donnée par la poétesse sud-africaine Gabeba BADEROON...
Elle est l’auteur de recueils de poésie The Dream in the Next Body (2005), The Museum of Ordinary life (2005), et A Hundred Silences (2006). Son oeuvre est largement traduite et apparaît dans des anthologies : Bending the Bow, African Love Poetry (2009), So Much Thing To say (2010) et Letter to South Africa (2011). Elle a été acclamée dans plusieurs festivals littéraires internationaux, et plus récemment, au Festival de Poésie de Princeton. Gabeba Baderoon reçu le prix de Daimler Chrysler de Poésie Sud-africaine en 2005.
...Suivie d'une lecture en français par Jacques MARTIAL.
Homme de théâtre et de scène autant qu’acteur de cinéma et de télévision, est l’interprète d’un répertoire riche. Militant du Vivre ensemble il est un artiste engagé depuis toujours à la promotion l’égalité des chances dans notre pays et un lecteur d’auteurs tels qu’Aimé Césaire, Edouard Glissant ou encore André Brink. L’Afrique du Sud, où il a eu l’occasion de se produire au théâtre, est pour lui un modèle à travers la capacité de son peuple mais aussi de ses artistes à refuser de se soumettre à l’autorité d’un système injuste mais aussi d’oeuvrer pour une réconciliation pacifique entre ses communautés autrefois séparées. Il est président de l’Etablissement public du parc et de la grande halle de la Villette.
Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Renseignements et réservations : 01 53 10 12 00 - communication@sgdl.org
Jeudi 6 juin à 19h30 à l'hôtel de Massa
Jean Cocteau
« Je suis anticonformiste au point de l’être contre le conformisme qui consisterait à être anti-Académie » disait Jean Cocteau en 1955, lorsqu’il a accepté de siéger à l’Académie française où il venait d’être élu. Un paradoxe qu’on lui a reproché, mais qui ne posait pas le moindre problème à l’homme de lettres.
Jean Cocteau l’homme de théâtre, celui qui se revendiquait avant tout poète mais qui a néanmoins écrit de nombreux romans, qui fut aussi peintre, chorégraphe, scénariste, cinéaste…
Jean Cocteau le créateur d’avant-garde et surtout l’écrivain prolixe, auteur d’une œuvre poétique et romanesque d’une grande amplitude allant du La Lampe d’Aladin (1909) à La partie d’Echec (1961) en passant par Thomas l’imposteur (1923) ou les fameux Enfants terribles (1929). Jean Cocteau, le magnifique poète.
C’est l’aspect protéiforme de la création littéraire de Cocteau que la SGDL souhaite mettre en lumière, au cours d’une soirée émaillée de témoignages, lectures, d’extraits sonores ou audiovisuels, pour une évocation de l’écrivain à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition.
Une soirée en présence de Pierre Bergé, président du Comité Cocteau, avec les invités :
Michel Deguy, poète
David Gullentops, éditeur des oeuvres poétiques dans la Pléiade et directeur des Cahiers Cocteau
Serges Linarès, éditeur des Oeuvres romansques dans la Pléiade
Gloria Paris, metteur en scène de "La Machine infernale" et "Les Enfants terribles"
Et Michel Vuillermoz, de la Comédie française, qui lira des extraits de la poésie de Cocteau et "La Difficulté d'être"
Une rencontre présentée et animée par Jacques De Decker, et organisée avec le soutien de la DRAC d'Ile de France - Ministère de la Culture et de la Communication
à propos de la SGDL (Société des Gens de Lettres)
Entretien avec Cristina Campodonico... par LesNouveauxTalents
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jeudi, 22 octobre 2009
Réponse à Katharina
Katharina chérie, c’est parce que ça fait quelques semaines que les effets de mes soirs d’exil intérieur de ces longs derniers mois se font sentir : j’écoute Exit Music (Radiohead), Into my arms et Weeping song (Nick Cave & the Bad Seeds), et je danse. Alors que la journée, en général, j’ai écouté les disques de l’année liturgique en chant grégorien, enregistrés par la schola Bellarmina de l’abbé Lorber.
Au début, je ne sentais pas les effets. Peu à peu, j’ai compris que mon inconscient libérait des blocs de béton qui étaient enfermés là depuis trop longtemps. Ils ont coulé et sont redevenus sable et se sont écoulés partout, notamment sur ce blog que je te remercie de suivre assidûment.
Et il y a eu ce pouilly fumé lors des déjeuners de la SGDL, à l’hôtel de Massa. Et il y a eu ces souvenirs réémergés au cours d’une danse avec quatre inconnus dans au fond d’un hôtel du quartier Saint Roch, à Paris. Et tout cela fait exploser les barrières dont j’ignorais l’existence, et toi même j’aurais tellement de choses à te dire. Mais ce sera quand tu reviendras. Depuis quand ne nous sommes-nous pas serrées dans les bras ? Tu m’as soutenue, défendue, aidée et aimée dans un moment où j’avais justement besoin de cela, et je ne l’oublierai jamais.
Pour toi Katharina, mille baisers de cette nuit parisienne qui commence et que je vais peut-être passer à Insomniapolis.
Merci et tendrement,
édith
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