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jeudi, 24 janvier 2019

Ultra violence

Pourquoi donc les extrêmes politiques gagnent du terrain dans les esprits ? Parce que la politique des gouvernements devient de plus en plus extrémiste. Radicale, implacable, sans pitié, avec un sourire lisse et dynamique et des effets pervers à retombées interminables.

Le mode de gouvernance actuel, c'est l'ultra-violence. Une ultra violence qui n'exige pas du violent qu'il assume sa cruauté ; il l'exerce en souriant, en serrant des mains, en écrivant des phrases sur un ordinateur. Pourtant, le résultat n'est pas moindre qu'une salve de kalashnikov, bien qu'il soit plus confus. La fermeture d'une usine rentable, pour des raisons obscures de gestion des coûts, a des conséquences en cascades : alcoolisme, divorce, misère, destruction des familles, errance des jeunes, sinistrose d'une ville... Un décret qui passe inaperçu va se traduire en crise de larmes, nuits d'angoisses, scènes de désespoir, renoncements à en crever le cœur, chute du niveau de vie et de l'espérance, et ce dans des centaines, des milliers, des dizaines de milliers, parfois des centaines de milliers de foyers.

On entend ici et là des gens de bonne volonté dire : attention aux extrêmes ! Ne votez pas extrémiste ! Mais nous avons déjà voté extrémiste et nous payons le prix fort de l'extrême. Mercredi matin, une femme de 70 ans et sa fille d'environ 40 ans, avec des tas de valises autour d'elles et un matelas de fortune, dans une rue du vingtième arrondissement. A force de copier les manies financières des anglo-saxons, nous aboutissons à jeter dans les rues et les "centres sociaux" invivables des gens qui, en France, il y a dix ans, n'y auraient jamais abouti.

"J'assume totalement cette politique", dit le bel homme souriant, de sa chaleureuse voix calme. Il est doux. Il respecte les droits de l'homme. Il refuse le fascisme, l'antisémitisme, le racisme, le sexisme et l'homophobie. Il n'a sans doute jamais frappé personne. Son ultra-violence est douce comme une pluie de chlore dans des millions de poumons humains.

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jeudi, 26 novembre 2009

Leurs visages, leurs nuques

 

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Il avait passé suffisamment de temps en prison pour les reconnaître dans la foule : leurs visages, leurs nuques, leurs yeux ouverts, leur peur diffuse et habituelle, leur mesquin sadisme et leur domination parfaite. Il marchait sur les routes et tentait d'éviter de faire à nouveau des bêtises. Il s'était battu pour son peuple, sa langue, sa région, sa liberté, et même son peuple l'avait désavoué pour se noyer volontairement dans le peuple, la langue, la nation, l'administration de la France. 
 

Ses amis bretons et ses amis corses passaient comme des ombres au fond de sa mémoire. Eux aussi savaient la douleur d'avoir cru se battre pour les autres et d'avoir lu dans le regard des autres le mépris pour lui, pour lui qui restait fidèle aux combats des aïeux, à leur langue, à leur terre chérie. 
 

Il avait passé suffisamment de temps en prison pour les reconnaître dans la foule : leurs visages, leurs nuques, leurs yeux ouverts, leur peur diffuse et habituelle, leur mesquin sadisme et leur domination parfaite. Les gardiens et les gardiennes de prison ne ressemblaient à personne d'autre et on pouvait les repérer à cet air spécial qu'ils ont tous. "Ils y passent autant de temps que nous", se disait-il en trottant sur la route qui allait vers Lorient, où il savait qu'il pourrait dormir quelque part. "Ils y passent autant de temps que nous, mais il sont de l'autre côté". Et pourtant leur vie à eux aussi était détruite. Quand ils ne devenaient pas fous ou violents ou désespérés, ils plongeaient dans le goût de leur métier, et cela, songeait-il, n'était-ce pas le pire des gouffres où une âme peut tomber ? Et il songeait à sa terre lointaine sur laquelle il valait mieux qu'il ne retourne pas ; à ses aïeux qui avaient ri et chanté dans cette langue qu'il avait voulu sauver ; à ses camarades et à leurs alteregos bretons et corses etc ; et il voyait la société comme une grande feuille de papier trois fois déchirée : la première fine déchirure contenait les juges et les gardiens ; la troisième fine déchirure comprenait les prisonniers et les errants ; la grande frange du milieu, c'était tous les autres : ceux qui ne voient pas. Ceux qui ne savent pas. Ceux qui ne comprennent pas. Et ceux aussi qui voient, qui savent, qui comprennent que les luttes sont toujours perdues pour ceux qui les mènent et toujours récupérées par ceux qui les ont écrasées.
 

Il s'était battu pour son peuple, sa langue, sa région, sa liberté, mais ses luttes n'étaient plus, n'étaient pas encore à la mode.
 

Il était basque.