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dimanche, 10 août 2014

Plume d'or sous un manteau d'étoiles

Voici quelques lignes pleines du charme subtil, sensuel et retenu, de la plume d'or de Jacques Benoist-Méchin. Elles sont tirées de son ouvrage intitulé Le roi Saud ou l'Orient à l'heure des relèves (1960), consacré au roi Saud, fils d'Ibn Séoud, à qui il avait aussi consacré un sublime ouvrage (Ibn Séoud ou la naissance d'un royaume).

 

« Joignant tous les avantages du confort occidental à un luxe qui semble emprunté au siècle des Califes, ce « Victorial des Arabes » est un palais de rêves où tout – depuis la forêt de lustres et les girandoles de cristal, jusqu'aux massifs de roses et aux fontaines lumineuses – conspire à donner à ceux qui le visitent un sentiment exalté du pouvoir et de la richesse du roi.

Comme il y fait bon vivre, et comme on y oublie volontiers les problèmes angoissants qui tourmentent notre époque ! Pourtant, trop de préoccupations y assaillent encore le souverain. Celui-ci ne se sent vraiment heureux que lorsqu'il peut partir à la chasse, escorté de ses Emirs, de sa Garde du corps et de ses fauconniers. Ce sont alors des randonnées fougueuses à travers le Nedjd et l'Azir, sans souci de l'heure qui passe ni même du lendemain. Ici, aucune contrainte. Les repas sont servis sous des tentes de soie, et le bruissement des Cadillacs cède la place aux hennissements des étalons arabes. Tout s'efface devant la grandeur incommensurable du désert et les soucis du pouvoir se dissolvent dans un sentiment de liberté illimité.

Après une halte à l'ombre d'une palmeraie, ou au pied d'un château fort médiéval dont les donjons crénelés découpent leur masse fauve sur un ciel transparent comme une aigue-marine, la cavalcade reprend au cri aigu des faucons. Elle se poursuit jusqu'à la tombée du jour, quand le soleil décline et remplit tout l'espace d'une lueur safranée. Vidons, jusqu'à l'épuisement cette coupe de délices, qui ne se représentera plus ! Voici un des derniers lieux du monde où l'homme puisse s'abandonner aux mêmes instincts que ses ancêtres et connaître cette dilatation de l'âme qui rend insignifiants tous les autres bonheurs.

Mais ne nous y trompons pas : pour enivrant qu'il soit, ce spectacle n'en est pas moins celui d'un crépuscule – le crépuscule d'une féodalité. Il a quelque chose de poignant comme la fin d'un beau rêve et son charme a la fragilité des choses qui vont périr...

Oui, cette coupe de délices ne se représentera plus. Un autre monde, dur et impitoyable, engloutira celui-ci et n'en laissera subsister qu'un regret ébloui.

Mais la féerie se prolonge encore un peu, lorsqu'au retour d'une de ces cavalcades, mille fuseaux opalescents s'allument au fond du parc de Nasrya. Les allées bordées de lauriers-roses, de térébinthes et de grenadiers s'enfoncent dans la nuit, au milieu d'un silence qu'approfondit encore le murmure des fontaines. Tout au loin, une voix psalmodie le verset sacré :

- « O vous qui allez dormir, remettez votre âme en garde à Celui qui ne dort jamais... »

Alors, une paix merveilleuse descend sur ces jardins où la grandeur et la solitude vous ouvrent leurs trésors et où les heures glissent, sans laisser de traces, tandis que l'Arabie s'endort sous un manteau d'étoiles ».

Le roi Saud où l'Orient à l'heure des relèves, par Jacques Benoist-Méchin, 1960, Albin Michel

 

Les visiteurs d'AlmaSoror avaient déjà pu rencontré cet auteur maudit, à la si belle plume, à la vie impressionnante de contradictions et de rebondissements :

Il est cité dans Le désillusionné

Il est mentionné et cité dans La fabuleuse plume de Jacques Benoist-Méchin

Il est cité et mentionné dans Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin

Il est mentionné et cité dans Trois esthètes du XX°siècle : Rolland, Benoist-Méchin, Vaneigem

Il est cité dans Épuration.

Il est cité dans Fragment d'un printemps arabe

Il est cité dans Invasion de l'Europe - Année 700