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lundi, 19 août 2024

Les progressistes quittent le rationalisme après 250 ans d'amour

"Une double maladie a atteint les sciences sociales et donc les universités il y a environ trente ans : le déconstructionnisme et ce qu’on pourrait appeler le « narrativisme ». La déconstruction d’un phénomène social est une excellente méthode pour en saisir les tenants et les aboutissants, mais quand elle devient un but (le déconstructionnisme) plutôt qu’un moyen de connaissance, alors elle ne fait que la démantibuler, l’éparpiller et engendrer la confusion. Cette pathologie de la connaissance procède d’une autre, celle de considérer qu’il n’y a pas de faits en tant que tels mais uniquement des discours sur les faits, des « narratifs ». Ce que vous voyez n’existe pas, ce qui existe c’est ce que l’on dit que c’est. Cela aboutit à dire qu’une femme n’existe pas, c’est un individu à utérus, ou qu’il peut exister des femmes à pénis, que l’islam est une race, bref des choses qui ne collent pas avec ce que l’on observe."

Florence Bergeaud-Backler dans Le Figaro du 9 mai.

C'est intéressant, dans notre aujourd'hui : la tradition des Lumières, qui consiste à mettre le fait et la raison au sommet de la hiérarchie, n'appartient plus au camp progressiste, qui s'en détourne au contraire pour favoriser le subjectivisme (par exemple avec les notions de "genre", de "racisé"). Un grand changement de paradigme, puisque les traditionnels conservateurs et réactionnaires se retrouvent héritiers et porteurs malgré eux de la raison objective, c'est-à-dire le rationalisme, abandonné par les progressistes.

mardi, 17 mars 2015

Blue note, Ô lumière de la vieillesse

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"Dis-donc, elle est bien conservée, pour son âge, Adélaïde !" entendis-je. Celle qui s'exclamait s'adressait à deux autres femmes dans une cuisine. Celle dont on parlait venait de prendre congé.
C'était il y a quelques semaines et soudain une question s'empara de moi : vais-je continuer à avoir l'air jeune ? Vais-je devenir vieille aux yeux de tous, moi qui rit et pleure comme lorsque j'étais enfant, d'une manière simplement plus... civilisée ? Serais-je plus ou moins vieillissante que ces gens qui m'entourent et qui boivent et conversent entre eux ? Vais-je mourir d'une manière inattendue dans quelques mois ?
L'hôte me resservit un verre et je le sirotai avec la concentration de ceux qui veulent tout oublier.

Les échos de ces rires et de ces mots sont éloignés dans le temps, et me voilà au bord du patio où s'écoule la nouvelle lumière du printemps.

Pour rester à jamais éclatante de jeunesse, une solution s'impose : mourir jeune. Pourquoi ne pas plonger avant le premier cheveu gris, avant la première ride, du haut de la jetée du phare un soir de pluie et de bourrasque où le port est désert ? Oui, pourquoi pas, mais si je m'en abstiens, alors autant ne pas circonvenir au rythme de la vie et du temps.

J'ai été bébé joufflu, enfant pétillante et triste à la fois, adolescente malingre, jeune sans visage, adulte reconstituée par la promenade intérieure ; pourquoi ne continuerai-je pas la mue perpétuelle de mon être selon les désidératas de la nature et de la culture, d'une nature respectée dans sa sauvage exaltation du mouvement des saisons, d'une culture qui cesse de s'abîmer dans la lutte contre le temps ?

Et s'il faut que je vive, alors, que mon visage envisage de se dévisager sans sourciller face aux lames de fond des années qui le sculptent et le rapprochent chaque saison un peu plus de la mort.

Car c'est Elle, peut-être, qui nous fait peur, lorsque nous imaginons un jour nos mains couvertes de taches et nos joues creusées par l'âge.

Je photographiais tout à l'heure ma mère, qui fête ses soixante-cinq ans aujourd'hui. Je la remercie d'avoir été, d'être et de devenir.

Prions Dieu de ne pas être bien conservés (évitons d'ailleurs de manger des produits industriels gavés d'agents conservateurs) : donnons-nous tout entiers à chaque saison qui nous est offerte ici-bas. Captons-en dans nos yeux des essences de lumière, de brume et de science, afin que nos regards deviennent peu à peu baignés de lampées du mystère infini.

Ne prenons pas à notre compte les regards effrayés de ceux qui tentent de se conserver, mais tendons nos cœurs à l'instant qui passe, à la joie, à la peine qu'il contient, et renonçons au combat inutile. Un combat est inutile quand il n'élève pas l'âme de celui qui le mène. 

Vivre comme on ouvre les yeux, mourir comme on ferme les yeux, sans crainte excessive du lendemain. Comme c'est facile à écrire... Mais peut-être que ce n'est pas si difficile à faire. Je vais essayer.