samedi, 24 août 2013
Prières pour la ville atlante
Par Hanno Buddenbrook
Traduction d'Edith de Cornulier-Lucinière
Préface de la traductrice
A l'heure où je traduisais ces poèmes suspendus entre ville et rêve, Hanno Buddenbrook était encore vivant.
J'enseignais alors le hawaiien et l'allemand à l'université des Pierres Emmurées de Saint Jean en Ville. Je devais participer à des colloques et à des fêtes intellectuelles organisés par le comité spirituel de la ville, qui tenait à sa réputation mondiale de Paradis intellectuel. A mes heures libres, je traduisais les poèmes de Hanno Buddenbrook. Depuis le balcon où je cherchais la correspondance des mots, j'entendais le flot monotone de la rivière, le bruissement sempiternel des feuilles au dessus d'elle, recouvert parfois par la musique du théâtre musical des Colonnes San Marco. Le rythme de ma vie d'alors effaçait les arcanes familiales qui avaient tant obscurci ma jeunesse. Tous mes amis étaient orphelins. N'ayant rien à dire d'eux mêmes, il savaient écouter le bruit des nuages et l'amour des oiseaux. N'ayant rien à sauver ils sauvaient l'art et le monde et nous échangions des idées sans penser à la mode et à l'argent. Hanno Buddenbrook se mourait à des lieues de là, sans que je puisse le rejoindre, le passage entre nos deux villes étant interdit. Je lui consacrai mon temps libre et le savais heureux de savoir son œuvre entre des mains emplies de vénération. Nous buvions des coquetels si bons et chaleureux que j'avais l'impression de flotter au dessus de la vie et supportais ainsi la triste fadeur de mes confrères universitaires et de mes étudiants. C'était ma vie d'alors, à cette époque étrange où personne n'aurait su dire qui dirigeait le pays et quelles en étaient les bornes. Comme il faisait bon ignorer la marche du monde ! Je n'avais que l'alcool noyé de fruits, la poésie et les longues marches à l'autre bout de Saint Jean en Ville, dont l'avenue bordée d'arcades rappelait le temps de l'Amérique du Sud coloniale. C'est dans cet esprit que j'ai traduit ces prières pour la ville atlante, prières païennes, certes, mais d'un paganisme post-chrétien. Je ne veux retoucher ces traductions ; un autre que moi, peut-être, dans l'incertitude d'un présent à venir, cherchera à mieux rendre dans notre langue, cette langue Buddenbrookienne qui demeure, depuis sa mort, l'unique présence de son auteur parmi nous. Une présence surannée, certes, mais vivante, et qui ressuscite, au détour d'une phrase, un monde que nous détestions autant que nous le regrettons aujourd'hui.
Édith de Cornulier-Lucinière, demi-Fructôse de l'an 2044, après la moisson
Prières pour la ville atlante
Par Hanno Buddenbrook
I Apache
Apache ! Tu danses au-dessus des villes. Comme Christ, tu marches sur les eaux vives et tu meurs loin des eaux dormantes. Des chiens sont tes amis, des amis te servent la soupe du soir. Personne ne t'aime assez pour cesser de te craindre. Chacun t'admire trop pour souhaiter ta mort. Tu domines sans pouvoir, ta puissance lumineuse ne touche jamais aux vies des autres. Tu es Mystique.
II Poussière
L'électrorayon du soleil orange et rouge t'attrape et t'emprisonne. La ville a froid dans cet après-midi de fin du monde. Aucun poète n'a le droit de vivre aux yeux des cités paresseuses, qui construisent, édifient, érigent, pour fuir le temps du rêve. Nos sciences fracassées par les somnifères n'éclosent plus à Insomniapolis. Nos églises sont vides de Dieu. Les rues pressées voient passer les errants, les clochards, les bêtes abandonnées, les enfants livrés à leurs jeux de bagarre. Il n'y a plus que quelques solitudes pour aller chercher la réponse au bord du fleuve. Le fleuve, qui charrie vos idées et vos déchets, n'a pas oublié les poissons de l'autre monde, les êtres des autres villes, celles que l'océan a recouvert il y a des milliers d'années.
III Ferraille
Fer et sang, feu, métal, acier, plastic aussi, qui demeurent vaillants sans rouiller au-dessus des ponts. Carcasses de voitures et de machines dont on ne sait plus l'utilité, squelettes d'immeubles et béton fondu des routes, les rats vous ont élu pour cathédrales de leurs messes sans Nom. Ils vivent de vos émanations et se repaissent en vos formes avachies. Vos lumières les bercent, vos ombres les rafraîchissent et le son que leurs pattes émettent en vous parcourant sont la musique de leurs hymnes. Où sont les êtres humains ? Partis : ils construisent ailleurs la future ville des rats.
IV Désert
Où les arbres ne poussent plus, cela s'appelle le désert, disaient les livres de géographie. Et les enfants sages marchaient dans les grands magasins peuplés de grandes personnes, persuadés qu'ils parcouraient le Sahara.
V Magie
La musique renaît. Pierres se rencontrant dans l'espace, souffle des animaux préhistoriques, amoureux au fond des lits, enfances courant dans les rues, notes de trompettes et de métalophones tombant comme la pluie sur les vitres et les dalles : la magie éclot dans la musique. C'est le début du monde. Le monde est mort. Les enfants sont venus.
Hanno Buddenbrook,
Editions du Soleil, 2025
(D'Hanno Buddenbrook et sur AlmaSoror, vous pourrez lire aussi Le Châtiment...)
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vendredi, 24 février 2012
Carvos Loup : Fenêtre 326°
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Et c'était le début d'une longue histoire de solitude, de langueur et de ballades à travers champs d'aurore et zones d'ombres.
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vendredi, 17 février 2012
Carvos Loup, Place VH
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Le soir dardait ses bières et les mains des gens faisaient peur. Un grand silence baignait le bruit des villes. Mon cerveau travaillait hors contrôle. Je cherchais.
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vendredi, 10 février 2012
Carvos Loup : Loup
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
L'oubli d'une vie où je n'avais que toi et je ne le savais pas, où les bruits du studio énervaient mon esprit, où la poussière du monde ne m'avait pas encore touchée. Une jeunesse avait lieu.
Elle est morte depuis longtemps.
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vendredi, 27 janvier 2012
Carvos Loup : Fentes
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Fentes par lesquelles passent nos feintes, failles que l'âge ne répare, rayons d'un autre monde ; d'un monde outre-âme, qui vient baigner nos instants mal calculés.
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vendredi, 20 janvier 2012
Carvos Loup : Ciels
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
La vie ne tient qu'à un ciel.
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vendredi, 23 décembre 2011
Carvos Loup : N'oublie ni l'une,
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
N'oublie ni l'une, ni l'autre. Ne trahis ni l'enfance (et ses jouets) ni l'adolescence (et ses jeux). Marche à travers nuits sans compter les étoiles. Qu'elles soient blanches ou noires, les nuits t'emporteront où tu dois aller.
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vendredi, 16 décembre 2011
Carvos Loup : Solitaire
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Personne ne connaît mon pas. Mon nom est écrit quelque part. J'ai réfléchi dans une chambre, sans armes.
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vendredi, 25 novembre 2011
Carvos Loup : échecs et jeux
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Ils parlaient devant moi et je n'écoutais qu'eux. La dame et le jeune homme jouaient aux échecs en échangeant des mensonges sur leurs vies respectives. Je me demandais quel lien de parenté ou d'amitié les unissait. Je me demandais s'ils savaient qu'ils mentaient.
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