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lundi, 02 février 2015

Magnitude d'une éclipse invisible

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La médiatisation de la vie artistique est l'arbre qui cache la forêt. L'arbre artistique mis en exergue par les médias dissimule toute la forêt créatrice.

Les médias, en apparence, simples organes de relais et de discussion à propos de la vie artistique, sont devenus la condition de l'existence officielle des artistes. Une œuvre artistique n'est considérée comme telle par la majorité des institutions et des gens, qu'à partir du moment où elle est commentée par un canal médiatique officiel. Cette condition médiatique est destructrice pour l'art, non seulement parce que la sélection médiatique est forcément biaisée, mais surtout parce que l'art se met à son service en vue d'être reconnu.

Un art serviteur, ce ne serait pas nouveau. Un coup d’œil aux peintures de Léonard de Vinci et de Michel-Ange, un coup d'ouïe aux compositions de Haydn, qui portait la livrée, ou de Mozart, qui rageait de vivre au rang des domestiques, permet de s'assurer que l'art, même soumis, peut devenir mille fois plus grand et plus libre que le commanditaire puissant qu'il sert.

Mais les médias ne sont pas des mécènes : ils ne paient pas les artistes. Ils se contentent de les noter, de les introniser ou, en les ignorant, de les rejeter.

Il est intéressant de se détourner de la médiatisation, car elle influe négativement sur l’œuvre, elle abêtit le public en mettant un écran de conformisme entre l’œuvre et son propre regard, et elle induit une hiérarchie entre les œuvres et les artistes, fondée sur des critères tout autres qu'artistiques. Le pouvoir des journalistes-commentateurs est néfaste, aussi bien artistiquement que politiquement. Art officiel, art underground, artiste pur ou artiste vendu, artiste maudit ou ayant pignon sur rue, ces curseurs d'appréciation sont des fictions inadaptées à la réalité de la création et des gens qui s'y collent.

Pourtant, il est vain de combattre cette médiatisation, il n'y a aucune utilité à se dresser contre elle. L'on choisit ses ennemis ; autant en choisir de respectables. Si nous n'accordons aucune valeur aux médias, il est ridicule de les combattre.
Une autre raison d'agir en dehors et à l'écart des médias plutôt que de les combattre, c'est que, comme nous l'avons vu, la médiatisation de l'art abaisse son niveau. Dès lors, il faut s'en détourner plutôt que de s'en préoccuper, puisque la haine est une version noire de l'attachement. 
En dépit de son boucan et de son tintamarre, la médiatisation est passagère et ne laisse presque aucune trace, une fois l'époque passée. Ce serait donc perdre du temps que de se consacrer à elle, que ce soit pour la combattre ou pour l'obtenir.
Vient enfin une dernière raison, qui est peut-être la meilleure : un vrai esthète, un authentique chercheur d'art, se fiche complètement de l'opinion officielle. Or, c'est vers lui que le créateur doit tendre.

Le zadisme est une technique de défense du territoire intéressante, que nous pourrions appliquer à nos territoires mentaux.

Une grande partie de la politique, de l'art, des événements qui construisent notre vie ne devraient même pas intéresser un média subventionné par l’État et/ou appartenant à un groupe côté en bourse, car par nature, ces médias cherchent à (con)vaincre au profit du pouvoir qui les nourrit. Quand ils prennent des airs de rébellion, c'est qu'il faut bien laisser du leste aux laisses afin de ne pas rendre les chiens complètement fous.
Si nous nous rendons compte que les films que nous voyons, les musiques que nous écoutons, les opinions politiques que nous défendons, sont commentés (avec amitié ou hostilité, peu importe) dans des médias subventionnés par l’État ou appartenant à des groupes côtés en bourse, alors, peut-être, c'est que nous sommes entrain de boire un biberon officiel à l'écart des routes sauvages où poussent de charmantes fleurs sauvages aux parfums inédits et mystérieux qu'il ferait bon aller respirer.

Il paraît que la vraie vie est ailleurs, et que l'art la suit comme son ombre.

vendredi, 20 décembre 2013

Monde parallèle et réalité officielle

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J'entends souvent accuser des gens d'être des "journalistes autoproclamés", comme si, pour dénicher, diffuser l'info à ses concitoyens, il fallait un agrément de l’État ou d'une école privée.

C'est le Centre National du Cinéma, institution publique, qui décide qui a le droit à la carte de producteur et quels films, français et étrangers, pourront sortir dans les salles de cinéma de France. Autrement dit, si l'on veut s'intéresser au cinéma libre, il est inutile de se rendre dans les salles de cinéma, ou de voir des films sortis officiellement, quel que soit le nombre de fois où les mots "résistant, audacieux, rebelle" sont prononcés à leur propos.

Hors subventions, directes ou indirectes, se trouve l'art parallèle, non officiel. De l'avis de beaucoup, il vaut moins, puisque ne bénéficie d'aucune reconnaissance des administrations, des institutions, des associations professionnelles.

Ce qui distingue l'officiel (le proclamé) de l'autoproclamé, ce n'est pas le propos, c'est le statut.

Or, ce statut n'est pas anodin. Ce statut donne à la personne - artiste, journaliste ou kwakseswa d'autre -, une chambre au Grand Hôtel de la Réalité Officielle. Le manque de statut force la personne à zoner parmi les rues sauvages du monde tel qu'il est.

Le statut influence les conditions de production de l’œuvre, les conditions de réalisation d'un reportage. Autrement dit, le statut se ressent dans le résultat final.

Ne pas attendre le statut pour agir, ainsi avance l'artiste libre, ainsi cherche le reporteur indépendant ; ne pas exiger le statut pour aimer, ainsi furète l'esthète autonome ; ne pas se fier au statut pour croire ou ne pas croire, ainsi se renseigne le citoyen conscient.