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samedi, 27 décembre 2014

préface d'Abd el-Kader à sa Lettre aux français (1858)

Emir, philosophe, combattant nationaliste, opposant à la colonisation algérienne par la France, Abd el-Kader écrivit avec autant de panache qu'il combattit.

Voici un extrait de sa préface à la Lettre aux Français

 

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La parole du sage est errante.

"Apprenez d'abord que c'est une nécessité pour l'homme intelligent de considérer les paroles prononcées et non celui qui les a dites. Si ces paroles sont vraies, il les acceptera, que celui dont elles proviennent soit connu pour dire en général la vérité ou le mensonge. On extrait bien l'or d'une simple motte de terre friable, on fait pousser la fleur du narcisse en cultivant un vulgaire bulbe, on tire des serpents le médicament appelé thériaque, et l'on cueille les roses sur des tiges hérissées d'épines. C'est par référence à la vérité que l'homme intelligent connaît les autres hommes. Ce n'est pas par référence aux hommes qui parlent qu'il connaît la vérité. La parole de sagesse est la brebis égarée de l'homme intelligent. Il la cherche partout et la prend chez tout individu auprès duquel il la trouve, que cet individu soit de condition vile ou illustre. Le savant, au stade le plus élémentaire, se distingue de l'homme du commun par un comportement qui le pousse, par exemple, à ne pas juger que le miel est gâté quand il le trouve dans la ventouse d'un chirurgien ; car le sang est impur non pas du fait qu'il se trouve dans la ventouse, mais parce qu'il l'est en lui-même ; si l'impureté n'existe pas dans le miel, pris à part, le fait qu'il ait été placé dans le vase où l'on met d'ordinaire le sang impur ne lui fait pas gagner cette propriété, par conséquent, on ne doit pas s'abstenir de le toucher. Pourtant, c'est là une fausse idée qui prédomine chez la plupart des gens.

Chaque fois que des paroles sont attribuées à une personne en qui ils ont confiance, ils les acceptent, même si elles sont contraires à la vérité. Si ces paroles sont prêtées à quelqu'un dont ils pensent du mal, ils les refusent, même si elles correspondent à la vérité. Toujours ils connaissent la vérité par référence aux hommes, jamais ils ne connaissent les hommes par référence à la vérité. Voilà le point suprême de l'ignorance et du préjudice que l'on se fait à soi-même".

Abd el-Kader, 1858, Lettre aux Français

 

 

(Environ un siècle plus tard, l'officier égyptien Nasser écrivait la Philosophie de la Révolution.)