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vendredi, 10 novembre 2017

La messe du voisin acnéique

Je t’ai rencontré dans l’escalier, jeune homme, ton visage est devenu cramoisi lorsque je t’ai demandé où tu en étais de tes remix de Vivaldi. J’ai réussi à t’apprivoiser, au bout des cinq minutes qu’a duré notre conversation, tu tremblais moins, tu souriais presque. Tu as dix-sept ans. Tu as peur. Tu as mal. Ton acné défigure ta face. Tes épaules tombent, tes jambes sont trop grandes. Les romans du XIXème siècle que tu as avalés, enfant, dans le grenier de tes grands-parents, t’ont promis un monde qui n’existe plus. Tu voulais protéger les femmes et les enfants, les femmes t’agressent et te demandent de les laisser co-dominer la société sans exercer ta masculinité. Tu as peur que l’une d’elle, un jour, te vole ton enfant, qu’elle l’emporte au loin dès lors que tu l’auras conçu. Même ta peur est indicible. Tu n’as pas le niveau scolaire d’accomplir les études qui mènent aux métiers qui te plairaient, ceux dont tu rêves n’existent plus. Plus de chevaliers, plus d’explorateurs. Je t’ai demandé où tu en étais de tes remix de Vivaldi et t’ai rassuré : j’aime entendre de loin les courbes et les déliés des paysages sonores que tu composes sur ta technoplatine. Je t’ai parlé de la Messe de l’homme armé, tu ouvrais de grands yeux étonnés. Je t’ai dit qu’elle avait été composée par Guillaume Dufay au XVème siècle, qu’elle était belle et qu’à ma connaissance personne encore ne l’avait remixée. Tu m’as fait répété : Dufay ? C’est D.U.F.A.Y ? Messe de l’homme… l’homme armé ?

Oui, c’est la messe de l’homme armé.

Maintenant j’entends deux choses, à onze heures cinquante trois du matin dans cette rue de novembre : le tambour de ma machine à laver, son haï, et depuis la fenêtre entrouverte de ta chambre du quatrième étage, la messe de l’homme armé. Avec des éléments rythmiques que tu cherches dans ton placard virtuel de sons et que tu incorpores à la messe médiévale.

Tu m’as écoutée, jeune homme perdu, j’ai réussi à te toucher.

La messe de l’homme armée, la seule qui pourra sauver les jeunes hommes français du XXIème siècle, ceux dont on castre l’âme avec la crème chantilly de l’égalité, de la scolarité et de la tolérance. Ni votre couleur de peau – trop pâle – ni votre sexe – trop dur – ni l’histoire de votre patrie – trop méchante n’ont de place dans le monde parfait qui se crée tous les jours sous nos yeux. Il ne vous reste que la messe, enfants qui n’avez pas connu le baptême, il ne vous reste que la messe de l’homme armé.

mercredi, 22 avril 2015

Norbert

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A 60 ans il dansait seul devant la glace, se jetait en sanglots sur son lit où il restait prostré pendant des heures, se regardait longuement dans la glace avant de sortir et buvait des petits verres de vin sur la place plantée avec ses copains et copines. Son visage avait toujours le sourire de la saison, sa parole s'adaptait à l'atmosphère et à la circonstance. Je le voyais de ma fenêtre – j'avais vue sur la moitié de son petit appartement - et puis dans les rues de la ville. Dommage qu'il soit parti par un jour de temps frais, sans doute sans s'en apercevoir. J'aurais aimé converser avec lui, connaître plus que son prénom. Il travaillait dans une annexe de la mairie. Il écoutait Simon & Garfunkel le dimanche après-midi.