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samedi, 02 juin 2018

Des désirs secrets

Une purification, malgré la lourdeur des mots, la banalité des intentions. Un voyage qui se créée malgré l'absence d'harmonie. Des halages, des pauses, la chanson de Johnny Guitar qui rappelle des étés, des bières dans des bars, des attentes trop chaudes. Des halages, des pauses, des désirs secrets. Des non-dits, des impensés, des tentatives de voir clair. J'entends quelquefois mon autre voix surgir du temps passé, revenir un instant, au creux du temps présent.

Et les nuages, par le vasistas, dans les ciel très haut. Des halages, des pauses, des éphémérides. Une femme rousse à qui je n'ai jamais, jamais osé dire la vérité. Une guitare et un garçon qui ne s'appelle pas Johnny. Plutôt Kévin. Je le trouve beau. Nous nous regardons à peine. Comme une rencontre manquée.

C'était avant mes premiers cheveux blancs. C'était quand il restait encore le temps. Le temps de choisir d'autres voies. Le temps d'aimer par d'autres moyens. C'était encore le temps du processus biologique, c'était le temps des insouciances (courses, nuits blanches à la montagne Sainte-Victoire puis grasses matinées jusqu'au zénith, bouteilles du Var et de la Catalogne, nectars ensoleillés). Je regarde cette femme qui a cinquante-quatre ans je crois et qui semble sûre d'elle, mais l'est-elle ? Je ne sais si je l'aime ou la crains, je ne m'en détache pas encore. Elle ressemble un peu à ce que je voudrais être et pense tout ce que je déteste. Et des halages, des pauses, des plaisirs discrets. Avant d'ouvrir le portail à la Mort, cette beauté fatale qui exige un baiser rouge pour vous prendre avec elle pour toujours.

mardi, 17 juin 2014

Impasse des Volontaires

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Tisane au gingembre, au fenouil et à la cannelle, ou tisane de tilleul, ce soir ? Les deux, l'une après l'autre, pour des senteurs parfumées à n'en plus finir dans tandis que le jour s'éloigne dans le passé. La nuit n'en finit pas de tomber dans sa douce lenteur d'été.

Deux jours à tenter, heure après heure, de travailler, deux jours à ne penser qu'à cela, sans y parvenir. Quelques phrases médiocres posées l'une à côté de l'autre et qui ne veulent rien dire, voilà le résultat de tant de tentatives. N'avais-je pas pourtant de la volonté ?

Qu'est-ce que la volonté ? La volonté, pourrait-on croire, ne dépend que de nous - mais alors il faut considérer qu'il existe des maladies de la volonté. Car de nombreuses personnes veulent et ne peuvent pas. A quoi peut bien leur servir qu'on leur dise qu'elles ne savent pas vouloir, qu'il faut vouloir d'une meilleure façon ? Vouloir vouloir, c'est déjà vouloir, et ce vouloir parfois ne sert qu'à se ronger les sangs.

Une douce musique provient de la pièce à côté. Les jeux de lumières tamisées font planer des ombres dans la pièce étroite où je dors. Je penche la tête en tordant mon cou pour regarder par la porte-fenêtre si l'on voit les étoiles. Mais le jour et la nuit restent mêlés dans un entre-deux, dans un entre-bleu, comme s'ils voulaient étirer le plus longtemps possible cette rare occasion où ils se croisent.

Lorsque la volonté nous fait défaut, monte la culpabilité, qui se traduit par des coups de cravache intérieurs, des haines de soi, des imprécations à agir pour conjurer l'innommable mollesse velléitaire. Ces morigénations n'arrangent certes pas la situation. Elles ajoutent au malheur du moment.

Une conversation avec un jeune homme que j'aime, a éclairé en mon esprit un point jusque là embrumé. Ce garçon sportif à qui j'expliquais que je ne parvenais pas à mener la vie sportive que je désire, me répliqua : "c'est une question de volonté". Or, je le connais assez pour savoir qu'il peut, durant de longs mois, ne pas faire ce qu'il a à faire, dans des domaines qui à moi sont accessibles et pour lesquels je lui dirais volontiers : "allons ! ce n'est qu'affaire de volonté !" La volonté qui nous permet de choisir l'effort au réconfort, de différer un plaisir ou un repos, cette volonté, nous sommes capables de la mettre en œuvre dans certains épisodes de nos vies, et incapables de la convoquer dans d'autres situations.

Posé sur le lit, mon téléphone clignote ; il m'indique l'arrivée d'un texto. Texto du soir, espoir. Ma respiration réconfortée se fait plus profonde. La tisane est bue ; je n'aperçois pas encore les premières étoiles, dans ce bleu qui s'assombrit de seconde en seconde. Dans ma solitude, je souris aux joies qu'il m'a été donné de vivre, et même à tous ces moments ni tristes, ni gais, durant lesquels j'ai vécu sans même m'en apercevoir.

Je lis depuis quelques jours des articles sur le ventre, ce deuxième cerveau, qui possède des neurones et des circuits neuronaux, et grouille de myriades de bactéries. Il agit puissamment sans que notre premier cerveau n'y puisse rien. Toute la psychanalyse et toute la pensée positive du XXème siècle paraîtront aux yeux des générations qui nous suivent, des croyances primaires et naïves, qui ne tiennent pas la route devant les connaissances du fonctionnement de notre corps et ses conséquences sur notre moral au jour le jour, sur notre capacité à aimer, à agir, à penser.

Ainsi donc, au terme de deux jours d'épuisement moral face à la nullité de mes accomplissements, je ne peux qu'accepter l'idée que je ne suis pas l'entière maîtresse de mes capacités. Si je choisis de croire à mon libre-arbitre, il faudra bien l'exercer autrement que comme un cocher qui guide son cheval-esclave. La maîtrise de mon destin passera alors par la considération de l'intangible, de l'incompréhensible et de l'impalpable ; la conduite de ma vie passera par la sonde des abysses intérieurs et le calcul sans cesse recommencé des paramètres insaisissables de l'instant présent.

La nuit chuchote des choses. Une ombre tremble sur le fauteuil en osier. Je suis sur cette terre pour un temps infime. Je respire, je me pardonne. J'entre dans le mystère de la nuit.

 

A lire, sur AlmaSoror :

Dolores, terrae incognitae

Oh Paracelse

La richesse du coeur

Eden

Estelle au mois d'avril

 

 

dimanche, 29 septembre 2013

L'âge de raison

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Voici le poème amoureux, fraternel et protecteur que reçut, le 30 janvier de l'année 1897, une petite fille appelée Anne.

L'auteur de la missive était son oncle, un homme jeune, militaire, qui était parti "dans les pays chauds".

Les étés, dans les châteaux des bords de l'Erdre et de la Loire, l'oncle et la toute petite nièce s'amusaient à jouer qu'ils étaient mariés. La psychanalyse naissait ailleurs en Europe, mais elle mettrait longtemps à franchir les grands salons poussiéreux, aussi l'entourage l'Anne et son oncle, flopée de parents, de cousins, d'oncles et de tantes, de paysans, de domestiques, de voisins, d'artisans, de prêtres et de religieuses, n'y voyaient pas malice.

L'oncle envoyait, le savait-il ? sa dernière lettre à sa toute petite "femme". C'était pour la féliciter de son septième anniversaire. La caresse du soleil, peut-être celle des femmes de mauvaise vie dont il n'avait jamais parlé à Anne, les moustiques et mouches de ces pays si doux et si traitres, en plus d'une éventuelle blessure mal soignée... Il mourut peu après, à l'âge où ses camarades rentraient s'établir en France, leur jeunesse apaisée par les tropiques.

Anne, devenue grande, n'oublia jamais son premier mari.

 

Sept ans : l'âge de raison


On a sept ans qu'une fois dans sa vie,

Le difficile est d'en bien profiter.

Si à cet âge on vit en étourdie,

Un peu plus tard on peut le regretter.

N'imite pas, Ô petita chérie

De ton mari les écarts malheureux ;

La route hélas ! qu'il a toujours suivie

Lui fit passer des jours bien orageux :

C'est le chemin qui mène à la folie...

Il s'embarqua pour les pays Hovas

Espérant y rencontrer la sagesse ;

Aux pays chauds il ne la trouva pas...

Mais du soleil il reçut la caresse,

Et le cerveau plus troublé que jamais,

Avec toi seule il vivra désormais :

Les temps sont courts, il faut qu'on nous marie :

On a sept ans qu'une fois dans sa vie.

 

Oncle Georges

30 janvier 1897