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samedi, 10 septembre 2022

Homme d'une crise plutôt que d'un système

Un passage sur Casimir Périer, tiré du premier tome de L'histoire de la monarchie de juillet, de Paul Thureau-Dangin :

Homme d'une crise plutôt que d'un système, plus apte à l'action qu'à l'étude et à la méditation, d'une instruction incomplète, mais à laquelle il suppléait par un esprit rapide, pénétrant et sensé, il voulait raffermir l’État ébranlé, sans se piquer d'apporter aucune doctrine nouvelle ; il ne se préoccupait pas, comme M. Guizot, de rendre à la société des principes politiques qui pussent remplacer ceux qui avaient été détruits, et de reprendre en sous-œuvre la monarchie nouvelle, pour lui donner une base théorique qui ne fût plus seulement le fait révolutionnaire. Lui-même, il confessait sur ce point son incompétence, avec une modestie à laquelle se mêlait un certain dédain pour les « rêveurs » et les « chimériques ». Sa conception de l'ordre était évidemment un peu terre à terre et matérialiste ; le dégoût qu'il éprouvait pour l'anarchie était moins celui d'un philosophe que celui d'un homme d'affaires, et il se montrait plus soucieux d'assurer la paix de la rue, la sécurité du commerce, le fonctionnement régulier de la machine administrative, que de restaurer dans les âmes l'ordre moral si gravement troublé. Après tout, il répondait ainsi au besoin premier du moment, à celui du moins que ressentait le plus et que comprenait le mieux une bourgeoisie plus occupée d'intérêts que de principes, plus accessible à la peur qu'à la foi. N'y a-t-il pas une part de vérité dans cette boutade attribuée à M. Royer-Collard : « M. Casimir Périer eut un grand bonheur ; il vint au moment où ses défaits les plus saillants se transformèrent en précieuses qualités : il était ignorant et brutal ; ces deux vertus ont sauvé la France ». Entre ses mains, d'ailleurs, la politique empirique grandissait singulièrement. Ces qualités natives, qui ne cherchaient pas à se raisonner et à s'analyser, qui s'ignoraient même jusqu’au jour où elles apparurent dans l'action et se développèrent dans le péril, n'étaient-ce pas des dons rares entre tous, plus rares que l'instruction, que l'esprit, que la philosophie ? n'était-ce pas le génie du pouvoir et ce que le même Royer-Collard, sur la tombe de Périer, appellera magnifiquement »ces instincts merveilleux, qui sont comme la partie divine de l'art de gouverner » ?

Dès le début, pas un tâtonnement. Le nouveau président du conseil saisit la première occasion de définir son programme (discours du 18 mars 1831) : « Au dedans, l'ordre, sans sacrifice pour la liberté ; au dehors, la paix, sans qu'il en coûte rien à l'honneur ». Il annonce fièrement que son « ambition » est de rétablie « la confiance, sans laquelle rien n'est possible, avec laquelle tout est facile » : confiance dans citoyens dans le gouvernement, dans sa volonté et dans sa puissance de leur assurer « l'ordre loyal et le pouvoir dont la société a, avant tout, besoin » ; confiance de l'Europe dans la France et de la France dans l'Europe. Le mal, des deux côtés, vient de la révolution [de 1830] ; Périer ne peut, sans doute, la désavouer, mais il s'efforce, fût-ce un peu au dépens de la pure logique, de la restreinte et surtout de l'arrêter. Il « adjure tous les bons citoyens de ne pas s'abandonner eux-me^mes », en leur promettant que « le gouvernement ne les abandonnera pas et n'hésitera jamais à se mettre à leur tête ». Il s'engage à résister à la double prétention révolutionnaire et belliqueuse des partis avancés : « L’exigence bruyante des factions, dit-il, ne saurait dicter nos déterminations : nous ne reconnaissons pas plus aux émeutes le droit de nous forcer à la guerre que le droit de nous pousser dans la voie des innovations politiques. »

Paul Thureau-Dangin, IN L'histoire de la monarchie de juillet, premier tome, 1884

lundi, 18 décembre 2017

Thureau-Dangin rehausse le régime parlementaire

En 1884, Paul Thureau-Dangin s'exprimait ainsi en ouverture de son ouvrage historique sur la monarchie de juillet :

« Mais aujourd’hui, je le sais, le « parlementarisme » - c’est le nom dont on se sert quand on veut en médire – n’est guère en faveur. Tout ce que lui avait fait gagner, dans l’opinion, la vue des désastres où nous avait conduits le régime sans contrôle du second empire, il semble que l’anarchie à la fois impuissante et destructrice de notre république le lui ait fait perdre. Pour que ce revirement fût pleinement justifié, il faudrait d’abord établir que le gouvernement actuel est vraiment parlementaire. Cette Chambre à la fois servile et usurpatrice ; ce Sénat qui approuve ce qu’il blâme au fond, applaudit ce qu’il méprise ; ces majorités aussi instables qu’oppressives ; ces subdivisions et ces compétitions de coteries sans consistance et sans doctrine, non sans appétits ; cette violation cynique des droits de la minorité ; cette impuissance du droit, de la raison, de l’éloquence, devant la brutalité muette des votes ; ces ministres, endurcis à toutes les mortifications des scrutins hostiles, qui font par décret ce pour quoi on leur refuse des lois, et lancent le pays dans de périlleuses aventures, sans l’aveu et à l’insu de ses représentants ; ce chef du pouvoir exécutif qui s’annule dans une indolence inerte et indifférente aux plus grands intérêts du pays ; cette domination électorale d’une petite bande de politiciens sans considération, sans moralité et sans valeur, étrange oligarchie qui n’a rien de l’aristocratie et qui aboutit partout au règne d’une médiocrité chaque jour plus abaissée, - tout cela, est-ce donc ce qu’on a connu, aimé, désiré, regretté, sous le nom de gouvernement parlementaire ? Qu’on médise du « parlementarisme » autant qu’on le voudra – il a eu ses malheurs et ses torts, il peut avoir ses périls -, mais qu’on ne mette pas à sa charge la honte et la misère d’un régime qui n’a rien de commun avec lui. »

 

Paul Thureau-Dangin, IN Histoire de la monarchie de juillet – tome I - 1884

 

Titre : Histoire de la Monarchie de Juillet

Auteur : Paul Thureau-Dangin

Editeur : E. Plon, Nourrit

Genre : Histoire

Eléments de signalement : En sept tomes

Date de parution : De 1884 à 1892

Date de cette édition : 1884

Pays de l'auteur : France

Nombre de pages : environ 450 pages par livre

Format : 15,5x24,5

Arrivée dans la bibliothèque : 31 août 2012 (acheté aux Sables d'Olonne)

Première phrase : "Pour qui place un peu haut son idéal politique, la France, depuis quatre-vingts ans, n'offre pas d'époque plus intéressante à étudier que celle où elle a été en possession de la monarchie constitutionnelle." Préface du tome 1

Première phrase de la page 30 : "Ceux qui venaient de condamner la vieille monarchie pour atteinte au pacte constitutionnel, ne semblaient-ils pas engagés d'honneur et de logique à le respecter ?" Tome 1

Dernière phrase : "Peut-on dire que l'événement ait démenti cette prédiction ?"