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mardi, 17 mars 2015

Incipit de la révolte

Voilà comment s'ouvre le roman de Jean Brune, La révolte

"I

La ville

Il pleuvait comme il pleut souvent après les orages, quand le ciel rompu par des fureurs démesurées s'effondre dans des averses. Les nuages écroulés pesaient sur les toits ; les rues ressemblaient à des tranchées ouvertes dans des matières molles, qui ne retrouvaient une densité de pierre qu'au ras du sol, dans la magie des lumières mêlées. Le capitaine s'arrêta sous un auvent, pour reconnaître le porche qu'il cherchait. L'eau qui ruisselait des balcons et des gouttières se solidifiait autour des lampadaires, en un vol de fléchettes lumineuses ; et quand l'oreille oubliait, l'espace de quelques secondes, le crépitement de la pluie, elle entendait monter, de la mer encore déchaînée, une rumeur grave, confusément inquiétante, comme une colère de géant. Le capitaine pensait à ses terreurs d'enfant et au sillage qu'elles gravent dans la mémoire. Une ombre tassée à côté de lui l'interpella à mi-voix. Il sursauta. Puis, comme on se reproche un réflexe importun, il pensa qu'il ne s'accoutumerait jamais à ces rendez-vous qui évoquaient des conciliabules de malfaiteurs, ni à cette veille perpétuelle du regard, qui permet de déceler, presque de pressentir, la moindre présence dans un trou d'ombre ou dans une foule. Homme de guerre familier des nuits de garde coulées dans la solennité des silences de cristal, ou trempées par les vacarmes de métal des batailles, il se sentait mal à l'aise quand grondaient autour de lui ces rumeurs qui montent des foules et portent en elles, comme une boue, un peu de ce qu'il y a de dégradant dans les complicités subies. Il se nomma. 

- Je suis le capitaine de Louveciennes. 

- Je sais, chuchota l'inconnu". 

La révolte

Jean Brune

1965

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