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lundi, 25 août 2014

A la tombée du soir, traquer les loups ?

Quand le soir tombe, quels crépitements de la nature n'entend-on pas loin des connexions civilisées. Nous déclinons dans ce billet, un peu plus bas, le soir de Tourgueniev, et celui de George Sand. Ils se répondent et se ressemblent.

Mais quand le compositeur-arrangeur de l'album musical La Llorona, de Lhasa de Sela, parle du loup avec les mots de Vladimir Vissotsky, c'est comme si Alfred de Vigny, l'auteur de La mort du loup, réapparaissait quelques cinquantenaires plus tard, en Nouvelle-France.

Québec, tes loups, comme ceux de France, sont en danger face à la plus grande arme de destruction massive qui existe : le cœur de l'homme.

La chasse aux loups - Yves Desrosiers from Audiogram on Vimeo.

 

Extrait N°1 Tourgueniev, Iermolaï et la meunière, du recueil Les mémoires d'un chasseur, traduit du russe par Henri Mongault :

Un quart d'heure avant le coucher du soleil, au printemps, on se rend au bois sans chien, avec son fusil. On choisit un endroit près de la lisière, on inspecte les alentours, on vérifie son amorce, on échange un coup d’œil avec son compagnon. Un quart d'heure se passe. Le soleil est couché, mais dans le bois il fait clair encore ; l'air est pur et transparent, les oiseaux gazouillent à qui mieux mieux, l'herbe jeune brille avec un éclat joyeux d'émeraude... On attend. L'ombre s'empare peu à peu des bois ; les lueurs vermeilles du crépuscule glissent lentement des racines aux troncs, grimpent toujours plus haut, montent des premières branches, presque dénudées encore, jusqu'aux cimes, immobiles et assoupies... Voici que les cimes elles-mêmes sont devenues noires ; les feux du ciel passent au bleu foncé. La forêt, qui s'imprègne de moiteur, exhale une senteur plus puissante ; une brise légère vient mourir près de vous. Les oiseaux s'endorment, non pas tous à la fois, mais selon les espèces : les pinsons se sont tus les premiers, puis les fauvettes, puis les bruants. La forêt s'assombrit de plus en plus. Les arbres ne forment plus que de grandes masses noirâtres : dans le bleu du ciel, les premières étoiles, timidement, s'allument.

Tous les oiseaux sont maintenant endormis. Seuls le rouge-queue et le grimpereau sifflotent d'une voix ensommeillée... Mais, à leur tour, ils ont fait silence. Une dernière fois le cri aigu du roitelet tinte au-dessus de nous ; dans le lointain le loriot a déjà poussé sa plainte, le rossignol, modulé son premier chant.

 

Extrait N°2 Sand, François le Champi  :

Nous revenions de la promenade, R*** et moi, au clair de la lune, qui argentait faiblement les sentiers dans la campagne assombrie. C’était une soirée d’automne tiède et doucement voilée ; nous remarquions la sonorité de l’air dans cette saison et ce je ne sais quoi de mystérieux qui règne alors dans la nature. On dirait qu’à l’approche du lourd sommeil de l’hiver chaque être et chaque chose s’arrangent furtivement pour jouir d’un reste de vie et d’animation avant l’engourdissement fatal de la gelée : et, comme s’ils voulaient tromper la marche du temps, comme s’ils craignaient d’être surpris et interrompus dans les derniers ébats de leur fête, les êtres et les choses de la nature procèdent sans bruit et sans activité apparente à leurs ivresses nocturnes. Les oiseaux font entendre des cris étouffés au lieu des joyeuses fanfares de l’été. L’insecte des sillons laisse échapper parfois une exclamation indiscrète ; mais tout aussitôt il s’interrompt, et va rapidement porter son chant ou sa plainte à un autre point de rappel. Les plantes se hâtent d’exhaler un dernier parfum, d’autant plus suave qu’il est plus subtil et comme contenu. Les feuilles jaunissantes n’osent frémir au souffle de l’air, et les troupeaux paissent en silence sans cris d’amour ou de combat.