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mardi, 01 mai 2018

Naissance de saint Jean Baptiste à travers les arts

Un fragment du livre d'Emile Mâle, Les Saints Compagnons du Christ, écrit en 1952 et publié à titre posthume en 1958.

 

« L'Annonciation de saint Jean Baptiste est suivie de sa Nativité. Elle se présente sous des formes qui ne varient guère. Élisabeth est dans son lit ; des servantes s'empressent autour d'elle et généralement deux d'entre elles lavent l'enfant dans un cuvier. Cette nativité de saint Jean Baptiste est donc conçue exactement comme celle de la Vierge telle que les artistes ont l'habitude de la représenter. On aurait de la peine à les distinguer l'une de l'autre sans deux particularités qui caractérisent celle de saint Jean.

La première est empruntée à l’Évangile de saint Luc : « Le temps, dit l’Évangéliste, où Élisabeth devait enfanter, arriva, et elle mit au monde un fils. Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur avait fait éclater envers elle sa miséricorde et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour ils vinrent pour circoncire l'enfant et ils l'appelaient Zacharie du même nom que son père. Mais sa mère prit la parole et dit : « Il sera appelé Jean ». Ils lui dirent : « Il n'y a dans la famille personne qui porte ce nom ». Et ils firent des signes à son père pour savoir comment il voulait qu'on l'appelât. Zacharie prit des tablettes et il écrivit : « Jean est son nom », et tous furent dans l'étonnement. Au même instant sa langue s'ouvrit, sa bouche se délia et il parla, bénissant le Seigneur. »

Zacharie écrivant le nom de son fils : telle est la première particularité qui fait reconnaître la nativité de saint Jean Baptiste. Et voici la seconde : la femme qui prend dans ses bras le petit enfant porte le nimbe qui indique la sainteté. Cette femme, en effet, est la Vierge.

Nous entrons ici dans le domaine de la légende. Saint Luc, dans son Évangile, nous dit simplement que la Visitation de la Vierge se prolongea et qu'elle resta trois mois auprès de sainte Élisabeth. Jacques de Voragine dans la Légende dorée et Ludolphe le Chartreux dans sa Vie de Jésus Christ partirent de là pour affirmer que la Vierge avait assisté à la naissance de saint Jean. On voulait que Jésus Christ, encore au sein de sa mère, et le Précurseur au moment de sa naissance, eussent été rapprochés.

(Note de la blogueuse : « au sein de sa mère » signifie ici, non sur son ventre entrain de téter, mais à l'intérieur du ventre, bien au chaud dans le placenta).

Ce n'est qu'à partir du XIVème siècle que l'art a représenté cette légende. L'exemple le plus ancien que j'en connaisse en France se voit dans un détail de l'église Saint-Père de Chartres qui est du XIVème siècle. C'est au XIVème siècle également que ce détail apocryphe apparaît en Italie. On le remarque dans la porte de bronze d'Andréa Pisano au Baptistère de Florence. On voit la Vierge nimbée présentant l'enfant à Zacharie écrivant sur ses tablettes. Il suffira de citer un exemple charmant, une page des Heures d’Étienne Chevalier enluminées par Jean Fouquet, un des chef d’œuvre du musée de Chantilly. L'accouchée, toute pâle, est dans son lit que la sage-femme est occupée à refaire : une commère boit un bol de bouillon qui était sans doute destiné à réconforter la mère exténuée. Une servante verse de l'eau dans un cuvier pour laver l'enfant et elle s'assure avec sa main qu'elle est assez chaude. Une autre, devant la cheminée, fait chauffer des langes. Ce mélange d'ironie, de tendresse et de vérité est le secret de ce charmant peintre. On se croirait, non en Palestine au premier siècle, mais en Touraine au XVème. Ce qui prouve bien qu'il s'agit ici, non d'une scène familière, mais d'un solennel chapitre de l’Évangile, c'est la présence, au premier plan, de Zacharie écrivant sur ses tablettes le nom de saint Jean Baptiste et de la Vierge nimbée portant l'enfant dans ses bras ».

 

On peut lire, d'Emile Mâle, sur AlmaSoror, d'autres fragments :

Sur la reine de Saba

Sur les étoffes de pierre

Et d'Albert-Pomme de Mirimonde, ce commentaire instructif sur une Vanité du musée du Louvre