mercredi, 03 février 2021
Attestation du palais des rêves
L est atteinte moralement par son rêve, elle devait me faire un massage, et s'apprêtait à se déplacer pour cela, mais un nouvel arrêté gouvernemental interdisait ce type de déplacement et du coup elle se demandait comment faire mais ne trouvait pas de solution. Elle est horrifiée de ce rêve qui traduit ce que sont devenues nos vies depuis le début de la ridicule et tragique ère du coronavirus : des vies suspendues aux lèvres d'un gouvernement de gens médiocres et incapables qui régentent tout comme des petits gardes amers et jaloux de chacune de leurs onces de pouvoir.
(qui a lu le palais des rêves d'Ismaël Kadaré ? et Mein trauriges gesicht de Heinrich Böll ?)
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lundi, 24 juin 2013
Trois entrées en matière
Trois ouvertures de romans qu'AlmaSoror voudrait partager avec ses lecteurs inconnus et chéris. L'amer Gorki (1868-1936) (car Gorki est un pseudonyme qui signifie amer...), l'acerbe Kadaré (né en 1936) et le sybillin Luxun (1881-1936) invitent à la danse littéraire dès les premières phrases de la Tempête sur la ville, du Palais des rêves et du Journal d'un fou.
Je me disais : AlmaSoror ! pourquoi ces trois hommes, quel soude les lie ? En rédigeant ce billet, apparut l'année 1936 : année de la mort de Gorki et de Luxun, et de la naissance de Kadaré.
Tempête sur la ville,de Maxime Gorki
traduit du russe par Z. Lvovsky pour Stock
Au milieu de la vallée, en tous sens sillonnée de routes grises, Okouroff, bourg bigarré, s'élève tel un jouet ingénieux posé sur la paume d'une main large et ridée.
C'est quelque part, bien loin dans la Forêt Noire, que la Poutanitza prend sa source, rivière paresseuse et lente qui, se faufilant entre des collines couvertes de labours, dévale vers la ville qu'elle divise en deux parties égales : Shikane, le quartier de l'élite, et Saretz, le fief de la pègre.
Ayant ainsi partagé la ville, la rivière coule, plus lente encore vers le sud-ouest où, son lit s'amincissant petit à petit, elle se perd enfin dans les marais de Lakhoff, couleur de rouille, et les îlots sauvages, plantés de pins grêles qui s'étendent en rangs serrés jusqu'à l'infini. A l'est, ça et là au sommet des collines, tordus et dépouillés par les intempéries, de vieux arbres longent la grand'route qui conduit au chef-lieu du département.
Grâce à l'abondance des eaux dans la région, l'air y est saturé en été d'une humidité tiède et odorante, le ciel presque toujours pâle et voilé, le soleil terne, le crépuscule étrangement pourpre. Et la lune, à son lever, montre une face énorme, rouge comme la chair vive.
Le palais des rêves, d'Ismaël Kadaré
traduit de l'albanais par Jusuf Vrioni pour Fayard
Les rideaux laissaient filtrer la clarté trouble du petit jour. Selon son habitude, il remonta la couverture pour somnoler encore un peu, mais il eut tôt fait de se rendre compte qu'il n'y parviendrait pas. La pensée que l'aube qui se levait annonçait une journée exceptionnelle suffit à lui ôter toute envie de dormir.
Un instant plus tard, cherchant ses pantoufles au pied du lit, il eut l'impression que son visage encore engourdi était effleuré d'un petit sourire ironique. Il s'extirpait du sommeil pour aller assumer ses fonctions au Tabir Sarrail, le fameux Bureau qui s'occupait précisément du sommeil et des songes, ce qui aurait suffi à susciter chez tout autre un rictus bien particulier. Mais lui se sentait par trop angoissé pour pouvoir franchement sourire.
Du rez-de-chaussée montait l'arôme agréable du thé et des rôties. Il savait que sa mère et sa vieille nourrice l'attendaient avec empressement et il s'efforça de les saluer avec le plus de chaleur possible.
- Bonjour, maman. Bonjour, Loke !
- Bonjour, Mark-Alem. Tu as bien dormi ?
Dans leurs yeux aussi se lisait cette légère excitation liée de quelque manière à sa nouvelle nomination. Peut-être, comme lui-même peu auparavant, s'étaient-elles dit que c'était la dernière nuit durant laquelle il avait pu goûter le sommeil ordinaire des simples mortels. Désormais, il ne faisait aucun doute que quelque chose dans sa vie allait changer.
Le Journal d'un fou, de Luxun (c'est un pseudonyme).
Très étonnamment le nom du traducteur n'apparait pas dans cette édition (Bibliothèque cosmopolite Stock). Que s'est-il passé ? Seul le préfacier est mis en avant, mais c'est un traducteur de l'anglais ! Je crois que la traductrice est Michelle Loi, je cherche à vérifier. Notons que Luxun a emprunté son titre à Gogol... Lui qui n'ignorais pas la littérature russe, puisqu'il a traduit Gorki en chinois.
La lune est éclatante, cette nuit.
Il y a plus de trente ans que je ne l'avais vue ; aussi, lorsque je l'ai aperçue aujourd'hui, me suis-je senti extraordinairement heureux. Je commence à saisir que j'ai passé ces trente dernières années dans le noir ; il faut que je me tienne sur mes gardes. Sinon, pourquoi le chien de la maison des Tchao m'aurait-il regardé par deux fois ?
J'ai mes raisons de craindre.
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