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lundi, 01 mars 2021

Ton épouse encore vierge

Il y a quelques années, David Hamilton, dont les photographies sont très belles, s'est suicidé suite à des accusations publiques et au désormais traditionnel tribunal médiatique. Je reconnais toute l'immonde salacité des vieux dégueulasses, qui n'étaient d'ailleurs pas si vieux lorsqu'ils sévissaient, mais pourquoi soudainement vouer aux gémonies des idoles qu'on a encensées exactement pour la même raison, c'est à dire pour une sulfureuse licence sexuelle ? Adulation et surtolérance ne sont que l'autre face de la détestation et de l'intolérance : l'expression de la lâcheté et d'une absence absolue de discernement.

Le monde entier est devenu une grande ligue de vertu. Mais il ne s'y trouve pas plus de morale et de Bien qu'hier...

Une photo d'Hamilton :

david  hamilton

(La sieste, de David Hamilton)

 

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  »

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal