jeudi, 10 décembre 2009
figures célestes
Nous créâmes la rubrique deltaplane puisque après Laurent Moonens et ses mathématiques pétillantes et réflexives, après Sara et ses mélanges de littératures, après Axel Randers et ses maladives saines révoltes, après tant d’autres qu’on retrouve dans ce dédale flou de pages virtuelles, Siobhan H accepta de nous rejoindre et de cracher des mots sur la seule activité qui remplit son coeur de joie : le vol libre en deltaplane.
Je veux vous dire aujourd’hui qu’il n’y a aucune différence entre le vol en deltaplane et la chorégraphie. Nous sommes les créateurs de danses fabuleuses, nous sommes les créateurs de peintures mouvantes du corps dans l’espace. Nos solos chorégraphiques s’imaginent en marchant sur les routes et se réalisent dans le ciel, aux bras de notre deltaplane avec lequel nous faisons corps.
La danse en solo est libératrice d’une énergie intangible. On ne sait qu’elle existe avant de l’avoir expérimentée ; on l’oublie presque après. La danse est une énergie qui n’existe qu’à partir du moment où on l’actionne, en esquissant un premier pas. On peut continuer les pas, les gestes, même artificiellement, jusqu’à ce qu’une possession ait lieu dans le corps, ou plutôt une passassion de pouvoir : la tête renonce et cède ses droits aux inspirations du corps.
Je ne danse jamais sur terre : je ne danse qu’en deltaplane, loin des regards. J’improvise des chorégraphies auxquelles je donne des titres. Certaines n’ont lieu qu’une fois et tombent dans l’oubli. Comme les chansons qu’inventent les enfants et qu’ils oublient dès qu’ils cessent de chanter. Un air et des mots nés pour un moment, et morts quand ce moment s’en est allé. D’autres chorégraphies se construirent dans la longueur. Il me faut plusieurs vols pour comprendre ce que je veux dire en mouvements et dessiner ainsi un solo structuré, que j’accomplis jusqu’à ce qu’il soit parfait. J’atteins une telle précision que je regrette que personne n’assiste à ces ébats célestes, j’imagine un moyen de transcrire ces vols chorégraphiques - ou danses volées, danses célestes, comment les appeler ? - afin que des deltaplanistes puissent les reprendre et les accomplir à leur tour, chacun selon un style personnel.
L’écriture céleste est à ses débuts. Peut-être arriverons nous à un art, à des ballets diurnes ou nocturnes, où des gradins surélevés et meublés de longues vues accueilleraient un public vaste et respectueux, comme à l’opéra, amoureux des figures tracées dans le ciel par ses héros volants.
Il me semble que le deltaplane n’est pas encore né : il est entrain d’être conçu, et se révèlera au monde comme un art divin, un jour du XXI ou du XXIIème siècle.
Siobhan Hollow
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