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dimanche, 05 avril 2020

La vie exposée

« Ce que nous avons sous les yeux aujourd'hui, c'est en effet une vie exposée comme telle à une violence sans précédent, mais précisément dans les formes les plus profanes et les plus triviales. Notre époque est celle où un week-end produit plus de victimes sur les autoroutes d'Europe qu'une campagne militaire ; mais, parler, à ce propos, d'un « caractère sacré des glissières de sécurité » n'est, bien sûr, qu'une antiphrase.

De ce point de vue, la volonté de donner à l'extermination des juifs une aura sacrificielle à travers le terme d'« holocauste » relève d'une démarche historiographique aussi aveugle qu'irresponsable.

Le juif, sous le nazisme, est le référent négatif privilégié de la nouvelle souveraineté biopolitique et, comme tel, un cas flagrant d'homo sacer, au sens où il représente la vie qu'on peut ôter impunément mais non sacrifier. Son meurtre, comme on le verra, ne constitue ni une exécution ni un sacrifice, mais seulement l'actualisation d'une simple « tuabilité » inhérente à la condition de juif comme tel. La vérité, difficilement acceptable pour les victimes elles-mêmes mais que nous devons pourtant avoir le courage de ne pas recouvrir d'un voile sacrificiel, est que les juifs ne furent pas exterminés au cours d'un holocauste délirant et démesuré, mais littéralement, selon les mots mêmes de Hitler, « comme des poux », c'est-à-dire en tant que vie nue. La dimension dans laquelle l'extermination a eu lieu n'est ni la religion, ni le droit, mais la biopolitique ».

 

Giorgio Agamben, IN Homo sacer, Seuil entre la deuxième et la troisième partie

Un article intéressant sur Homo sacer et particulièrement sur ce passage : Retour sur le camp