Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 12 octobre 2013

L’intersigne du berceau, vieille histoire bretonne

anatole le braz, légende bretonne, mort, islande, grande pêche

Cette "histoire vraie" a été recueillie vers la fin du XIX°siècle par Anatole Le Braz, à Paimpol, auprès d'un cantonnier nommé Goanvic.

Anatole Le Braz l'a publiée avec d'autres histoires dans son ouvrage intitulé La légende de la mort en Basse-Bretagne (1893).

(Un banc-tossel est un banc adossé au lit : le premier chasseur est le navire qui va chercher les premiers résultats de la pêche des marins qui passent plusieurs mois dans le Nord.
Les marins du Premier Chasseur rapportent une partie de la pêche, ainsi que des nouvelles fraîches pour la famille qui attend son marin.

 

Marie Gouriou demeurait au village de Min-Guenn (la Pierre-Blanche), près de Paimpol. Son homme était à Islande, où il faisait la pêche.

Ce soir-là, Marie Gouriou s’était couchée, après avoir placé sur le banc-tossel tout contre son lit, le berceau où dormait son petit enfant.

Elle était assoupie depuis quelque temps, lorsque dans son sommeil elle crut entendre l’enfant pleurer. Elle ouvrit les yeux, regarda.

Jésus-ma-Doué ! (Jésus mon Dieu !), la chambre était pleine de lumière, et un homme, penché sur le berceau, berçait doucement le petit, en lui chantant à mi-voix un refrain de matelot. L’homme avait rabattu sur son visage le capuchon de son ciré, en sorte qu’on ne pouvait distinguer ses traits.

— Qui êtes-vous ? s’écria Marie Gouriou, épouvantée.

L’homme leva la tête. La femme Gouriou reconnut son mari.

— Comment ! tu es déjà de retour ?...

Il n’y avait guère plus d’un mois qu’il était parti.

Elle remarqua que ses habits ruisselaient, et cela sentait très fort l’eau de mer.

— Prends donc garde, dit-elle, tu vas mouiller l’enfant... Attends, je vais allumer du feu.

Elle avait déjà les deux jambes hors de son lit et s’apprêtait à passer son jupon. Mais la lumière étrange qui emplissait la maison s’évanouit aussitôt. Marie chercha à tâtons les allumettes, en frotta une, et constata que son mari n’était plus là

Elle ne devait plus le revoir. Le premier chasseur qui revint d’Islande lui apprit que le navire où s’était embarqué son homme s’était perdu corps et biens, la nuit même où Gouriou lui était apparu penché sur le berceau de son fils.