dimanche, 24 février 2013
Ces bêtes qu’on abat : Pour conclure
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Pour conclure
Nous voilà arrivés au terme de ce voyage dans le milieu fermé des abattoirs. Que faut-il en retenir ? Que certains animaux sont mieux abattus que d’autres ? Que certains bénéficient d’un étourdissement et d’autres pas ? On l’a vu, certains ont droit à une mort « douce » dans le nouvel appareil à CO2 pour volailles, d’autres sont saignés en pleine conscience pour l’abattage rituel. La différence est grande.
Certains cochons sont mal étourdis, voire pas du tout dans des abattoirs qui auraient dû faire l’objet de mesures importantes et qui, on ne sait pas comment ni pourquoi, continuent de fonctionner en faisant souffrir des animaux. Toujours concernant les cochons, on a vu la manière scandaleuse dont sont traitées les coches (truies) ne pouvant se déplacer par elles-mêmes dans les élevages et les abattoirs. Pourquoi est-il si difficile d’obtenir une modification radicale des choses pour ces animaux ? Pourquoi les instances responsables ne prennent-elles pas leurs responsabilités ? Les images tournées dans des abattoirs par une grande association montrent que ces truies dites « mal à pied » font toujours l’objet de pratiques critiquables. Comment se fait-il que ce n’est que poussées par des révélations médiatiques que les autorités prennent des mesures sanitaires ? Comment se fait-il que ce n’est qu’à cette occasion que, par ricochet, des mesures de protection animale voient le jour concernant des problèmes qui pourraient être réglés bien avant, puisque la réglementation le permet ? Des élans existent, des éleveurs respectent leurs animaux et font plus qu’il n’est demandé par la réglementation. Des responsables d’abattoirs ont la volonté de bien faire et pratiquent des abattages dans de bonnes conditions.
Mais dans l’ensemble, ne pouvons-nous pas faire quelque chose pour éviter toutes ces tueries ? La mort d’un animal en abattoir est la conséquence d’une demande sociale,
qui est celle de consommer de la viande. Pour nourrir 6 milliards d’êtres humains, il faut tuer plus de 50 milliards d’animaux1 chaque année. Ne pouvons-nous pas épargner des vies en nous nourrissant de protéines végétales plutôt que de protéines animales ? De toute façon, c’est un non-sens de produire des protéines végétales pour nourrir des animaux qui donneront des protéines animales. Alors que nous pourrions nous nourrir directement des protéines végétales.
Je n’en ai pas parlé, mais dans un abattoir, un tueur s’est révélé incapable de mettre à mort un cheval, c’est un autre employé qui a dû le faire. Bon nombre de gens ne mangent pas de cheval, mais qu’est-ce que la vache, le cochon, la volaille ont fait pour ne pas mériter la même compassion ? Est-ce parce que l’on ne voit plus de vaches et de cochons dans les grands espaces verts, et qu’ils sont enfermés dans des bâtiments à l’abri des regards, que l’on devient indiffèrent à leur sort ? Des élans humanitaires permettent de sauver des dauphins, des baleines échouées, des bébés phoques de différents massacres, des éléphants et des singes du braconnage. Alors pourquoi laisser autant d’animaux se faire tuer dans les abattoirs ?
Posons-nous la question : est-il vraiment nécessaire de tuer autant d’animaux, inoffensifs et innocents ? Qu’ont-ils fait de mal ? Nous consommons de la viande, nous avons donc tous une part de responsabilité dans l’hécatombe. Tuer est un acte violent qui pose un problème éthique.
Un végétarien depuis sa naissance, d’après le journal Vegetarian Society2, épargne la vie d’approximativement 760 poulets, 5 vaches, 20 cochons, 29 moutons, 46 dindes, 15 canards, 7 lapins et de plus d’une demi tonne de poissons. Si nous n’arrivons pas à nous passer de viande, nous pourrions faire l’effort d’en manger moins et de choisir, en tant que consommateur responsable, des aliments provenant d’élevages respectueux des animaux. Il n’est pas nécessaire de consommer tous les jours de la viande, si nous en mangeons autant c’est parce que culturellement, nous sommes dès notre plus tendre enfance conditionnés à en manger, et que la « filière viande » et les instances publiques nous poussent à en consommer. Si une baisse de la consommation carnée est effective, les filières et les autorités s’organisent pour que soit relancés les achats de produits carnés ou laitiers. Actuellement, des messages télévisuels nous incitent à consommer cinq légumes et fruits par jour. Alors qu’il aurait pu être précisé, à juste titre pour notre santé : « Manger moins de viande et plus de légumes » !
Peut-il y avoir un espoir pour les animaux dits d’abattoirs ?
D’abord, notons qu’il y a de plus en plus de végétariens, c’est un espoir pour les animaux. Et de plus en plus d’abattoirs ont fermé. Il y en a deux fois moins qu’il y a vingt ans, mais leur activité a cru de 10%. Par conséquent, ce n’est pas parce qu’ils ont fermé qu’il y a moins de production carnée. Il y a de gros abattoirs qui ont augmenté leur production. Mais cela ne veut pas dire que toute cette viande est consommée en France, car on en exporte. Ensuite, il y a une pression sociale assez forte en matière de protection des animaux, parce que les consommateurs commencent à être informés. Ce fait est patent jusque dans les abattoirs.
Trop d’animaux vont à l’abattoir, environ trois millions par jour en France. Ils ne méritent pas cela, même si les règles législatives en matière d’abattage peuvent être respectées. Etant donné les souffrances animales que j’ai rencontrées dans les abattoirs, même si un abattage peut se dérouler conformément à la loi, pour moi, il est impensable de laisser aller des animaux à la mort. Quand je vois les cochons qui sont les uns derrière les autres dans le couloir qui mène à la mort, qu’on les fait avancer comme s’ils n’avaient pas d’identité, anonymes parmi les anonymes, tel un quartier de viande sur patte, je ne peux pas imaginer que cela soit respecter l’animal et je ne conçois pas que les animaux aient leur place dans les abattoirs.
L’homme a domestiqué des animaux pour sa propre nécessité. Mais, je pense que, si cela ne va pas l’encontre des besoins naturels des animaux, leur place est avec nous, pour vivre une relation « d’amour », cela peut choquer, mais je parle de l’amour de son prochain, « Homme ou Animal », c’est là une loi universelle. En aucun cas, les animaux ne doivent être là pour nous, pour nos besoins, surtout pas pour les faire travailler, et encore moins pour les manger. Du fait de l’ancrage profond de la consommation carnée dans nos pratiques, j’ai bien conscience qu’il est difficile de demander à tout le monde, dès aujourd’hui, de manger moins de viande ou de devenir végétarien. Il est plus que souhaitable de mettre un terme à l’existence des élevages intensifs et concentrationnaires, en développant les élevages plus respectueux des animaux. Plutôt que la mascarade d’un Grenelle des animaux qui s’est traduit en 2008, par de maigres mesures, il faudrait déjà faire appliquer la réglementation en matière de transport et d’abattage, et enfin l’améliorer. Il faudrait, de toute évidence, trouver d’autres moyens d’étourdissement ou d’anesthésie avant la mise à mort des animaux, qui seraient bien entendu applicables, sans restriction, à l’abattage rituel. Mais, si des consommateurs préfèrent dès maintenant manger moins de viande, ou directement devenir végétariens, voilà qui ne pourrait qu’être bénéfique pour les animaux, leur évitant ainsi, des souffrances et une fin de vie programmée.
Cependant le consommateur est toujours prêt à pleurer sur la misère des animaux dits de boucherie, mais il semble incapable de vouloir vraiment la soulager puisqu’il continue à manger le produit de cette misère qui est la viande. Par contre, il est probable qu’il se donne bonne conscience en adhérant à telle ou telle association de protection des animaux. Nous sommes responsables du sort des animaux par nos choix alimentaires et nos achats.
Pour terminer par une grande leçon d’humanité, je voudrais rapporter ceci. Dans le cadre de mes activités sociales, Abdel, un handicapé mental, « simple d’esprit », qui travaillait sous ma responsabilité, lorsque j’étais en atelier Espace Vert, et alors qu’il ne connaissait rien de mes activités de protecteur des animaux, m’a demandé un jour : « Hein, Jean-Luc, c’est vrai que dans les abattoirs ils tuent les animaux ? » Je lui ai répondu : « Ben oui, c’est vrai ». Il m’a alors dit : « Ah, tu vois, c’est pour cela, moi, je ne mange pas de viande ! Ah, non, s’ils font cela aux animaux, moi je n’en mange pas ! », troublante réflexion pour une personne handicapée mentale ! Il aurait été tout autrement reçu s’il était tombé sur le chef de service d’une association d’un Centre Educatif Renforcé pour des jeunes délinquants qui passent leur journée aux travaux d’une ferme, et qui m’a dit un jour : « Il faut apprendre aux jeunes qu’une vache ça sert à faire des steaks ! » C’est là une vision très limitée de ce que peut apporter un animal à un être humain. Voici un intervenant social qui a une vision lacunaire de l’animal et de ce que peut ressentir un être humain pour un animal. Il n’a pas compris qu’une vache peut apporter plus et bien mieux qu’un morceau de viande. Conduire des personnes handicapées ou en difficulté à s’occuper d’animaux dans le milieu médico-social permet de développer un état de bien-être physique, mental et social par la relation qui peut se mettre en place entre les individus. Tout simplement parce qu’un animal est un être sensible, et que là où il y a de la sensibilité, il y a de la vie pour tout le monde.
En ce qui me concerne, sans jeter la pierre aux personnes qui pensent ne pas pouvoir se passer des produits carnés, comme beaucoup de personnes, et comme Abdel le soi-disant simple d’esprit, j’ai choisi de prendre le sage chemin qui est celui d’aimer les animaux vivants, sans les manger. Agissez par vous-mêmes, rendez-vous vous-mêmes dans les abattoirs et les élevages, et soyez exigeants. Ou tout simplement laissez tomber l’alimentation carnée, car la vie des animaux ne nous appartient pas !
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dimanche, 10 février 2013
Ces bêtes qu’on abat : Que faire ?
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
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Que faire ?
Dans les élevages intensifs et concentrationnaires, une tenue réglementaire est indispensable : combinaison propre, bottes passées dans un bac à pédiluve pour détruire tout microbe, charlotte pour les cheveux. Il est même des lieux d’élevage où une pancarte mentionne l’interdiction à toute personne d’entrer, hormis le propriétaire, les salariés, ou les services vétérinaires. Ces mesures sont prises pour éviter toute contamination par des microbes provenant de l’extérieur. Le milieu est aseptisé. L’argument avancé est le souci sanitaire et notre sécurité alimentaire. Mais la face cachée est la misère animale. Les conditions d’élevages déplorables, la sélection génétique ont rendu les animaux si faibles, que même la poussière est à combattre. Les animaux, machines à viande, sont si fragiles, par manque d’immunité naturelle, qu’ils attrapent n’importe quelle maladie.
Ici, l’élevage ne consiste pas à mener à l’âge adulte, mais à faire grossir, à développer de la chair, à faire de la viande. L’animal n’est rien d’autre qu’une chose à produire de la viande. Les éleveurs raisonnent en GMQ (Gain Moyen Quotidien), ce qui correspond à la prise de poids en grammes par jour. Par exemple, pour un jeune porc qui va entrer en phase d’engraissement, et qui est maintenu en bâtiment dans le noir complet, sur un sol en caillebotis, s’il a un poids de 36,89 kg à sa date d’entrée, et s’il en ressort pour l’abattoir avec un poids moyen de 123 kilos, l’éleveur déterminera le GMQ de 916 grammes atteint par jour. Ce GMQ est très maîtrisé. La nourriture est programmée et donnée en conséquence, en contrôlant l’IC (l’Indice de Consommation), c’est-à-dire la quantité d’aliment nécessaire pour que l’animal grossisse d’un kilogramme. La prise de poids est maîtrisée par la seule alimentation dans un contexte d’élevage où l’animal n’a aucune activité physique. Il est inutile de donner trop d’aliment, même si l’animal a encore faim, car il y a un seuil à partir duquel l’aliment se transformerait en graisse et non en viande ; or ce qui est valorisé en « poids carcasse » à l’abattoir, c’est la viande. Sur le site Web d’un éleveur porcin, on peut lire que « le but de l'élevage porcin est de produire à moindre coût et dans les meilleures conditions possibles des porcs charcutiers d'environ 110 Kg de poids vif destinés à l'abattoir et à la transformation en charcuterie ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Ce qui pousse également l’éleveur à obtenir un porc sans gras, c’est l’indice exigé par les abatteurs / transformateurs : le TVM (Taux de Viandes Maigres). L’abatteur / transformateur a un cahier des charges qui répond à un certain système de transformation et de résultat de produits finis. L’animal, surtout le porc, n’est qu’une chose, une sorte de matière première prise dans un processus de transformation en produits finis et standardisés.
Pour l’élevage des taurillons, les éleveurs maîtrisent assez bien le GMQ et l’IC. Les animaux sont élevés en groupes dans des étables. Ils sont parqués dans des cases, suivant leur âge et leur stade de développement. On ne mélangera pas les jeunes et les moins jeunes, la quantité de nourriture n’est pas la même. Les taurillons en cases sont rigoureusement suivis quant à leur GMQ. Ce sont des bêtes à viande. Ils doivent produire du muscle le plus vite possible, mais l’inactivité ne doit pas favoriser la prise de graisse. C’est pourquoi leur aliment est là aussi rationné. Si les taurillons se dépensaient en se déplaçant dans le pré, ils consommeraient leur nourriture pour la transformer en énergie, et donc perdraient en GMQ. Il faudrait alors leur donner plus à manger pour avoir la même chose. Leur seul bien-être qui leur soit accordé, sans être toutefois une obligation réglementaire, c’est la garniture de paille de leur lieu de vie, à la place du caillebotis qui était utilisé couramment.
Ce n’est certes pas toujours facile pour les éleveurs. Ils raisonnent en termes de coût et de recette, ce sont des gestionnaires, des chefs d’entreprises. Suivant le coût de l’aliment, le cours des viandes, le classement de la carcasse à l’abattoir, tel revenu sera obtenu. Les éleveurs payent leurs charges, leurs factures, puis il leur reste une part de bénéfice ou pas.
Les porcs charcutiers dans les élevages intensifs ont la vie pénible, contrairement à ceux élevés en bio, en plein air, ou en élevage fermier. Leur activité se limite à… l’engraissement dans des centres d’engraissement. Ils sont engraissés dans des bâtiments fermés, aseptisés, sans lumière, trop souvent dans le noir, sans activité possible. Des méthodes d’élevage pourtant validées par l’INRA (Institut National de Recherche Agroalimentaire) et l’ITP (Institut Technique du Porc). Mieux vaut une croissance d’un animal élevé sur paille, à la lumière du jour, ou en plein air. En élevage intensif, n’ayant aucune activité et étant stressés par le surnombre, les porcs ont la queue coupée afin d’éviter les morsures mutuelles. Ils n’ont en effet que cette occupation : se mordre, ce qui indique leur mal-être. Ce n’est pas la blessure douloureuse en tant que telle qui pose problème au producteur, mais le risque d’infection, la nécrose qui pourrait entraîner la perte financière de l’animal, et la saisie en abattoir. Dans de telles conditions de survie, les animaux sont littéralement gavés d’antibiotiques. En production porcine, les antibiotiques sont utilisés pour traiter des animaux malades, mais le plus souvent pour prévenir des maladies ou pour favoriser la croissance des porcs et améliorer l’indice de conversion alimentaire. Mais la mortalité est malgré tout importante. Chaque fois que je visitais des élevages de porcs, je voyais quelques porcs morts mis à l’écart. Alors que récemment lors de la visite d’un élevage bio de porcs en Mayenne, je n’ai vu aucun cadavre. Ni même dans l’élevage alternatif où j’étais en stage pendant plusieurs semaines. Les porcs étaient élevés sur de la paille, en bâtiments ouverts, laissant la lumière du jour, l’air et le vent y circuler. Durant mon stage, aucun animal n’est mort, aucune truie n’est tombée malade ni ne s’est blessée, excepté les quelques porcelets mort-nés ou trop chétifs pour survivre. J’ai pu constater la différence entre l’état physique de porcs élevés dans de bonnes conditions et celui de porcs élevés de manière intensive. L’œil est plus vif, l’animal plus vigoureux ; les porcs sont moins craintifs, ce sont des animaux qui respirent la vie. Alors qu’en élevage intensif, ils ont peur de l’homme, l’œil est triste, une ambiance mortuaire émane de ces élevages. Les jeunes cochons y passent environ un mois en sevrage et trois mois en engraissement. S’ils devaient y passer plus de temps, je pense qu’ils y mourraient au fur et à mesure. Malheureusement pour eux, comme pour les volailles en intensif, l’abattoir est une délivrance, la fin de leur misérable vie.
Les porcs ont une triste existence, notamment dans le grand Ouest et surtout en Bretagne, qui est spécialisée dans l’élevage intensif et concentrationnaire. Ces formes d’élevage sont légales, puisque la loi ne les interdit pas. Ils bénéficient d’une sorte de bienveillance de la part des autorités que sont nos gouvernements successifs, les services vétérinaires, et même les différents vétérinaires des groupements ou coopératives des producteurs. Le Comité scientifique de la commission européenne s’est pourtant clairement prononcé : « l’élevage intensif des porcs est préjudiciable à leur bien-être ». D’un seul coup d’œil, je pouvais dire, en le voyant à l’abattoir, de quel type d’élevage provenait le porc : d’un système intensif en bâtiment clos ou d’un élevage en plein air. Les tueurs me disaient préférer abattre les porcs d’élevage intensif : plus fragiles, ils sont plus faciles à abattre que les autres. J’ai moi-même élevé des porcs dans mon adolescence, et je connais bien les animaux. Je me préoccupais déjà de leur bien-être, alors que je ne savais même ce qu’était la protection animale. Lors d’une conférence en Alsace, un vétérinaire disait que les truies et les porcs étaient bien traités dans ce genre d’élevage industriel. Je l’ai interrompu, car il avait eu le culot de dire que les animaux bénéficiaient même d’une ventilation ! J’ai pu expliquer à l’assemblée ce qu’était en réalité un élevage intensif pour porcs, et que bénéficier de ventilation n’était pas un signe de bonne volonté du producteur pour favoriser un mieux-être, mais une nécessité : il faut réguler la température dans un milieu confiné. Cela apportait également un peu d’oxygène dans un environnement irrespirable. En effet, le lisier colle aux pattes des cochons, le sol en caillebotis laisse passer les urines et les déjections dans des bacs de récupération, où elles macèrent…
Des millions de porcs sont passés et passent encore dans ces systèmes d’élevage, pour finir dans nos assiettes. Lors de la crise de la vache folle, qui avait porté à la connaissance des journalistes ce type d’élevage, un producteur avait répondu que lui ne mangeait pas la viande de ses propres porcs, ce qui avait valu un dessin dans la presse. L’éleveur disait : « Je ne suis pas fou, je ne mange pas les porcs que je produis ! ». Comment notre corps transforme-t-il un produit issu d’animaux ayant souffert toute leur vie ? Si lors de l’ingestion, il ne semble pas y avoir de mal en apparence, n’y en a t-il pas sous une autre forme ?
Si le consommateur n’a aucune idée de ce que sont ces élevages industriels, comment peut-il prendre conscience du problème ? Si vous visitiez un élevage de poules pondeuses en batteries, et si le producteur vous offrait des œufs à la sortie, voire une poule à manger, vous n’y toucheriez pas, car vous seriez dégoûté. En Alsace, un éleveur de porcs sur paille organise des journées portes ouvertes au public. Comme il n’a rien à cacher, il laisse les gens venir voir son élevage, et cela toute l’année s’il y a des demandes. En réaction, la filière intensive de porcs avait organisé également une porte ouverte, mais en appelant cela la « Fête du cochon ». Les portes étaient effectivement ouvertes, mais dans certains endroits, l’on ne pouvait même pas dépasser le seuil de la porte. Notamment en maternité et dans la partie des truies gestantes. Alors que chez le précédent, les enfants pouvaient caresser les animaux. Dans l’élevage industriel, certes, le public a pu voir des salles très propres, des cases et des sols très propres, tant le moindre excrément avait été enlevé. Tout avait été nettoyé à l’eau pulvérisée à haute pression, mais pas un brin de paille à l’horizon. Les animaux reposaient sur des sols ajourés pour laisser passer les excréments et les urines. Ces sols ne sont pas adaptés aux onglons des cochons, ce qui leur pose des problèmes d’aplomb ; parfois les onglons restent coincés dans les rayures du caillebotis. De plus la paille présente un intérêt écologique car lorsqu’elle est répandue dans les champs, elle permet une transformation lente des déjections sans polluer le sol, les nappes phréatiques, et les rivières par le ruissellement des eaux.
Les truies étaient immobilisées dans des stalles, cages en fer où elles ne pouvaient que se lever ou se coucher. Au final, les gens étaient en fait consternés de voir qu’on pouvait détenir des animaux dans de telles conditions. Pour couronner le tout, lors de cette fameuse porte ouverte de l’élevage intensif, un masquant d’odeur avait été répandu partout pour cacher l’irrespirable odeur d’ammoniaque.
Si vous voulez vraiment faire quelque chose pour les animaux dits de boucherie, le mieux est de ne plus les manger. De ne plus acheter de viande en pensant aux 3 millions d’animaux abattus par jour en France. C’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux animaux. Certes, c’est un peu radical, mais c’est une solution pacifique. Si vous pensez ne pas pouvoir vous passer de la viande, dans ce cas, choisissez bien vos produits, car le plus grand responsable n’est pas forcément le producteur en élevage intensif, le producteur de foie gras qui cloisonne les canards dans de minuscules cages, ou les abattoirs où des dérives sont parfois exercées. Non, le premier responsable est le consommateur qui achète les produits qui en découlent. Si vous ne pouvez pas faire autrement que d’acheter de la viande à bas prix issue d’élevage intensif, je dirais que d’une part nous ne sommes pas obligés d’acheter de la viande, et d’autre part, au lieu de choisir deux ou trois poulets pas chers, n’en achetez qu’un « label Rouge » ou « Bio ». Certainement, cela a un coût dissuasif pour nombre de personnes, mais il n’est pas indispensable de manger beaucoup de viande, puisque l’on peut s’en passer totalement. Le nombre croissant de végétariens le prouve ! Préférez au moins les produits d’élevage plein air, les produits bio, ceux d’élevages alternatifs. Mais je conçois que pour s’y retrouver, il faut s’armer de patience, lire les étiquettes, s’intéresser de près aux produits, à leur provenance, et déjouer les pièges marketing qui induisent en erreur les consommateurs avec la bénédiction des pouvoirs publiques. Par exemple, une marque alsacienne d’œufs affiche en grand dans les magasins commercialisant leurs œufs : « R…, les œufs de la poule qui cavale ». En effet, quelques œufs plein air sont vendus, mais la plupart sont issus de poules élevées au sol dans des bâtiments fermés où elles sont regroupées par millier. On ne peut pas dire qu’elles cavalent, mais elles peuvent se déplacer. Ce terme, « cavaler », induit le consommateur en erreur par une image erronée. Pour mieux le désinformer, on ne voit pas une seule poule sur la photo, mais juste un grand pré vert. Pour ne pas être dans l’illégalité complète, il n’y a pas de poules dans le pré vert. De toute façon, il n’y a pas vraiment de tromperie puisqu’il n’est pas dit que les poules sont élevées dans le pré de l’image qui est sur la boîte. Les appellations « œufs bien de chez nous » ne veulent non plus rien dire sur la qualité de vie des poules, tout comme « œufs datés du jour de ponte », « poules nourries aux céréales » (de toute façon la farine animale est interdite), « œufs aux oméga trois »…. Tout cela n’est qu’allégations marketing ! Si vous voulez être certains de votre choix pour favoriser le bien-être des animaux et ne pas participer indirectement à leur mal-être, les mentions « Bio » ou « Label Rouge », « Plein air » garantissent le respect de l’animal, surtout en agriculture biologique.
Ne vous laissez pas non plus endormir par les grandes instances qui vous noient dans des termes rassurants, comme ceux que j’ai pu trouver sur le site Web du Ministère de l’Agriculture : « …Chaque professionnel est responsable des produits qu’il met sur le marché et il doit en garantir la sécurité sanitaire. Il doit respecter la réglementation en vigueur. Cette réglementation, européenne et française, permet d’assurer un niveau élevé de protection du consommateur tout en intégrant notre patrimoine gastronomique. Elle prend en compte la sécurité sanitaire de l’alimentation humaine et animale, la santé et le bien-être des animaux, la santé des plantes et la protection de l’environnement. Il dispose d’outils comme la traçabilité, les auto-contrôles et les démarches qualité pour sécuriser ses activités et produire sain et sûr ». Ou encore :« Sur le terrain, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche s’appuie sur deux réseaux pour contrôler l’application de la réglementation :
– les DDSV, chargées de la santé et de la protection animale, de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments ;
– les SRPV, chargés de la… »
Ou encore : « Santé et protection animales, 194 600 inspections, relatives à la santé animale 20 733 contrôles de protection animale, 2,3 millions de bovins testés à l’abattoir (ESB), 2,8 millions de bovins contrôlés et 9 000 contrôles pour l’identification et la traçabilité, 8 000 animaux contrôlés à l’importation ». Ces informations sont disponibles sur le site. En quoi tous ces propos indiquent-ils que les animaux bénéficient de quoi que ce soit puisque les contrôles effectués au nom de la protection animale par ces instances ne conduisent pas à mettre en question les élevages industriels et ne mettent pas non plus fin aux infractions qui ont toujours cours dans les abattoirs ?
Nous ne voyons pas sur le site du Centre d’Information des Viandes (CIV) d’images de cages de batteries pour les poules, de cochons dans le noir en centre d’engraissement, de castration à vif des porcelets, des truies confinées qui sont dans l’impossibilité de se retourner, de bouger librement dans des stalles métalliques… Et pourtant c’est une réalité quotidienne et majoritairement pratiquée. Il est dit, par contre, concernant le bien-être des animaux en élevage que « La manipulation, les soins et le transport des animaux sont les actes quotidiens de l’élevage. L’éleveur veille sur le bien-être de ses animaux car il connaît leurs comportements naturels ». Ah bon ? Quant on sait que la majeure partie des élevages notamment en volailles et en porcs sont des élevages intensifs et industriels, que veut dire « il connaît leurs comportements naturels », alors que les animaux sont confinés dans un environnement artificiel ? Ce genre d’éleveurs se préoccupe tellement du bien-être de ses animaux qu’ils attendent qu’une réglementation européenne les oblige à un aménagement en faveur des animaux. Prenons l’exemple de l’élevage des veaux de boucherie, qui sont en fait le rebut des vaches laitières, car pour produire du lait, il faut que les vaches donnent naissance à un veau. Ce dernier, si c’est un mâle, ne pouvant pas produire de lait, est envoyé en centre d’engraissement pour cinq à six mois, puis à l’abattoir. Sur le site du CIV, on essaye de nous montrer un exemple de prise en compte du bien-être des veaux de boucherie, la préoccupation des éleveurs, nous dit-on, alors qu’ils ne font qu’appliquer la réglementation ! Je cite : « Depuis 1998, en accord avec la réglementation européenne, pour permettre le contact entre eux, les veaux ne sont plus élevés dans des boxes individuels. Ils évoluent en groupe, dans des bâtiments qui doivent être spacieux, bien éclairés et aérés, leur permettant de s'ébattre, courir, se coucher librement, en un mot d'exprimer leur comportement naturel ». Cette réglementation n’est effective que depuis le 1er janvier 2007 pour toutes les exploitations. Les veaux étaient élevés dans des cases individuelles si étroites qu’ils ne pouvaient pas bouger. Ils étaient même parfois attachés par une chaîne au niveau du cou, voire la tête entravée entre deux barreaux. Lors de la visite d’un élevage que j’ai faite en Bretagne, un veau s’est écroulé de faiblesse. En ma présence, l’éleveur lui a fait une injection (une sorte de petit remontant, m’a t-il dit). Beaucoup de ces veaux étaient anémiés en raison de l’alimentation qui leur était donnée pour obtenir une viande blanche. La directive européenne a obligé les éleveurs à donner une autre alimentation, notamment fibreuse, en lieu et place d’une alimentation liquide (poudre de lait mixé avec de l’eau). Dans de bonnes conditions d’élevage, dès deux semaines, les veaux commencent naturellement à consommer des aliments solides pour que se mette en place un développement normal du rumen. Ceci n’était pas possible avant cette directive pour les élevages de veaux en intensif. Les éleveurs s’en sont-ils préoccupés ? Non. La vérité est que les améliorations apportées sont le fruit des efforts des associations de protection des animaux, comme la PMAF (Protection Mondiale des Animaux de Ferme), qui ont milité pour faire interdire ce type d’élevage monstrueux. Lorsque j’avais visité en 2000, un abattoir qui n’abattait que des veaux provenant d’élevages en batterie, pas moins de sept cadavres avaient été mis à l’écart près de l’aire de lavage des camions. Un autre veau gisait mort en bas du quai de déchargement. Certes ces petites bêtes étaient mortes pendant les transports. Cependant ce ne n’étaient pas les transports qui les avaient tuées puisque les veaux n’avaient parcouru que de très courtes distances. De surcroît, il n’était que 8 heures du matin, la journée d’abattage se terminant à 15 heures, la mortalité durant le transport était plutôt énorme ! Là encore, se posait le même problème qu’avec les coches dont j’ai déjà parlé. La responsable qui m’avait fait visiter l’abattoir m’indiqua que les éleveurs ne faisaient pas intervenir de vétérinaires lorsqu’un veau tombait malade en élevage, et qu’ils l’envoyaient à l’abattoir seulement si un lot entier était prévu pour l’abattage. Elle ajouta que beaucoup de veaux agonisaient dans les élevages, et qu’au lieu de les envoyer en abattage d’urgence, il fallait souvent en achever sur le quai de déchargement de l’abattoir. Tous les consommateurs ayant acheté des escalopes de « veau blanc » ont participé sans le savoir à cette forme d’exploitation animale.
Pour les truies, c’est également une réglementation européenne qui a mis fin à l’attache qui les sanglait au sol, sous le ventre. Les sangles s’incrustaient dans la chair des truies. Avant l’interdiction, ça ne semblait pas déranger beaucoup d’éleveurs.
Méfiez-vous de ce genre d’affirmations : elles ont pour but le maintien économique par la viabilité des produits carnés, quel que soit le mode de production. En effet, trop de consommateurs sont devenus méfiants et il y a de plus en plus de végétariens. Par exemple, dans un manifeste que l’on trouve sur le site du CIV, il est demandé, et c’est presque un appel au secours (je cite) « que soit réaffirmée la place légitime des produits d’origine animale : la viande et le lait dans notre alimentation et donc la nécessité de l’élevage qui a toujours contribué au développement de nos sociétés ». En d’autres termes, il faudrait lutter contre le choix du végétarisme ou du végétalisme et contre le militantisme qui peut en découler, car il peut faire du tort aux filières. Une crainte est affichée, c’est un peu normal, car il y a beaucoup plus de personnes qui mangent moins de viande, et de plus en plus de végétariens.
On trouve sur ce même site (dans le dossier « bien-être animal ») des propos du même acabit concernant le respect des animaux dans les abattoirs. Je ne dirai ici rien de plus ; je me suis assez exprimé à ce sujet tout au long de ce livre. Mais on entend, là encore, le sempiternel refrain sur la professionnalisation des acteurs très soucieux et des contrôles rigoureux des services vétérinaires en matière de protection animale est de nature à nous laisser penser que tout va bien.
Notons que, selon le CIV, « l’obligation de protection et de bientraitance qui pèse sur l’homme envers les animaux vise à assurer leur bien-être dont les critères doivent encore faire l’objet d’évaluations et d’investigations scientifiques qu’il convient d’encourager ». D’abord, il est dit que les éleveurs connaissent et savent ce dont ont besoin les animaux, donc qu’ils s’en soucient, et maintenant, il est dit qu’il ne devrait être concédé du bien-être animal qu’après évaluations et investigations scientifiques. C’est-à-dire que vous voyez bien que votre tapisserie d’appartement est à refaire, mais vous allez d’abord solliciter une expertise scientifique ! Faut-il comprendre que si vous vous trouviez dans un ascenseur enfermé avec cinq personnes pendant plusieurs semaines, il faudrait faire une expertise scientifique pour savoir si cela est préjudiciable à votre bien-être ? Cette volonté de subordonner les mesures de bien-être à l’expertise ne vise-t-elle pas à freiner la demande sociale impulsée par des associations de protection animale dans ce domaine ? Pourtant, l’avis des vétérinaires de la Commission Européenne concluait, en janvier 1991, que « la conduite des porcs dans l'isolement social, et notamment l'utilisation de systèmes de stalles individuelles pour les truies, sont la cause de graves problèmes portant atteinte au bien-être des animaux […] L'élevage des porcs sur des sols artificiels, et notamment l'utilisation de caillebotis intégral, portent atteinte au bien-être des animaux ». Ne sont-ils pas des scientifiques ?
Si les éleveurs en élevage intensif se préoccupaient vraiment du bien-être de leurs animaux, une telle commission n’aurait pas besoin d’intervenir.
Le plus facile, pour commencer, est d’effectuer le bon choix lorsque vous achetez des œufs. Les œufs vendus sur les marchés et dans les commerces doivent comporter sur la coquille un code permettant une traçabilité. Après la mention FR, suit une série de chiffres. C’est le premier numéro qui nous intéresse. En voici donc le décodage :
Code « 0 » : oeufs de poules élevées en plein air issus de l'agriculture biologique.
Code « 1 » :oeufs de poules élevées en plein air.
Code « 2 » : oeufs de poules élevées au sol.
Code « 3 » :oeufs de poules élevées en cage.
À vous de bien choisir, en pensant au 200 millions de poules pondeuses élevées en cage de batterie dans l’Union européenne en privilégiant les codes 0 et 1 !
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