Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Chroniques fictives

Hurt Kurt

Hurt Kurt

Hurt Kurt
Film orphelin, 2064
Par Humane Fanny Fan
Autoproduit

Hurt Kurt est une sublime symphonie cinématographique.
Persuadée que l’art doit toucher à la perfection, Humane Fanny Fan, qui nous a quitté la semaine dernière, a tenté et réussi l’impossible. Elle a accompli, en une seule œuvre, une réalisation artistique qui s’élève au-dessus des plus hautes œuvres humaines que le monde ait vu jusqu’à nos jours.

L’Artiste a passé les cinquante-sept dernières années de sa vie à approfondir ses connaissances dans les Arts et les Lettres.

Fanny naît il y a presque quatre-vingt-un ans dans une famille qui l’élève dans une modernité étrangère à tout classicisme. Elle mène une vie comme tant d’autres, puis à 23 ans, elle découvre une fresque de Fra Angelico dans un garage de Namur, où elle était en vacances avec son père (le chanteur punk américain Fuck Fan). C’est une Révélation. La jeune femme découvre en même temps les trois Mystères qui l’occuperont sa vie durant : l’Art, l’Europe, la Figure du Christ. Dans l’incompréhension totale - ses proches n’ont jamais pu saisir les ressorts de la transfiguration de Fanny Fan -, elle s’applique à « recueillir ce à quoi je n’avais jamais eu accès : ma culture ancestrale». S’ensuivent de longues années d’apprentissage. Langues régionales d’Europe, Lettres classiques et médiévales, histoire et pratiques de l’Art, des arts de scène et de la musique… Fanny Fan consacre désormais sa vie à l’étude et à la création d’une œuvre qui la dégoûte puisqu’elle est incapable de toucher au Sublime de ce qu’elle admire tant. Pourtant, elle persiste. Elle renonce à vivre indépendante et reçoit l’allocation d’Incapacité Sociale, qui lui permet de survivre et de payer le nécessaire pour ses études, qu’elle mène presque sans maître ni institution d’enseignement.

Pour Fanny Fan, le cinéma devrait être tout : la peinture (par l’image), la chorégraphie (par le mouvement), la littérature (par la parole), la musique. Tout cinéma qui ne fait pas de chaque seconde de film un chef d’œuvre universel dans tous ces domaines ne mérite pas d’exister.
Hurt Kurt est le résultat de cette quête infiniment exigeante et profonde.
Les images en mouvement et le son du film atteignent les sommets de l’Art. Il n’est pas sûr qu’on ait fait mieux, ni qu’on fera mieux un jour. Fanny Fan nous surplombe à jamais de son génie.

Elle s’inspire de la peinture italienne des siècles magiques : ceux qui s’ouvrent sur Michel Ange et Raphaël et poursuivent leur flot de génie tout le long des siècles baroques, surtout à Rome et à Venise.
Elle s’inspire de la littérature… Pas une phrase de dialogue ou de voix off qui ne soit une merveille littéraire.
Elle s’inspire de la danse. La chorégraphie n’entre pas dans le film comme une étrangère : le film lui-même est fondé sur une longue et somptueuse chorégraphie. Pas un personnage dont la démarche, le mouvement de tête, les gestes ne soient « dansés ». Fanny Fan s’est entourée des chorégraphes flamands (de Bruges et d’Anvers) Kirk Demeuledagvaasten et Griet Staasen.
Elle s’inspire de la musique. « Peu de musiciens méritent ce nom, décrétait Fanny Fan à Richelieu en 2016. Je n’écoute plus que Mozart, Bach, Beethoven et, de temps en temps, quand il pleut et que je suis triste, Franz Schubert ».
Le film a été tourné entre les studios d’Ostende, la Bohème du Sud et la Forêt Noire enchantée d’Allemagne. Humane Fan aurait voulu tourner aussi dans les grandes plaines de la Sainte-Russie, mais le manque d’argent a eu raison de ce rêve peut-être trop fou. Quoi qu’il en soit, le film est littéralement un chef d’œuvre. Nul doute qu’il sera copié d’abondance dans les siècles qui vont suivre : le cinéma atteint enfin sa puissance entière, déployée.
Si Fanny Fan est d’origine franco-américaine, son cœur est yougoslave. « Plus le territoire et l’identité yougoslaves s’étendent, plus l’avenir me semble fleuri », confessa-t-elle à la Première Présentation de Hurt Kurt à Hambourg, dans le duché d’Hambourg & Dépendances. « Ce pays, qui est avant tout une âme, est la preuve qu’on ne découpe ni ne morcelle jamais définitivement un être, un peuple, une culture. La Réconciliation est une nécessité du monde. La résurrection des cœurs et la résurrection de corps sont des réalités mystiques, donc politiques », résume-t-elle.

Quand nous avions décidé, il y a quelques décennies, de bannir les appellations « monsieur, madame, camarade », ainsi que toutes les appellations, titres et différenciations de langage, pour nous consacrer sur l’émerveillement d’être tous des humains égaux, nous pensions réaliser enfin la perfection de la vérité. Pourtant, aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence. Fanny Fan ne mérite plus le qualificatif de Humane avant son nom. Ce serait l’injurier. C’est désormais Génie Fan qu’il faudra l’appeler, pour l’éternité.

L’éternité qu’elle voulait effleurer et qu’elle doit désormais connaître, puisqu’elle s’est tuée volontairement après une messe orthodoxe dite par un ami prêtre serbe à Ontariamjegohornisc, samedi dernier. Elle avait revu trois fois son film, depuis la Première Présentation. Elle l’avait trouvé imparfait et malgré l’immense approbation mondiale, chacun avait compris qu’elle commettrait l’irréparable.
Mais elle nous a redonné la Civilisation. Elle nous a rendu la lumière. Nous pouvons désormais recommencer à créer de la Beauté.
Adieu, Génie Fanny Fan. Lors de ta vie, dans la solitude de ton auberge pauvre et recluse, tu travaillais à transformer l’humanité pour toujours.

Humane Edith CL