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Chroniques fictives

« Je t’aimais comme un enfant »

« Je t’aimais comme un enfant »

« Je t’aimais comme un enfant »

Mélismes du chant grégorien et airs d’aviation

« Je t’aimais comme un enfant. Mais la nuit s’est posée sur tes yeux et me voilà seule dans ce petit avion que je pilote comme avant. La nuit s’est posée sur la montagne, après que le soleil s’est enfui à travers la montagne. En haut, les étoiles ; En bas, le noir. J’ai trouvé un endroit où les lampadaires n’éclairent pas la terre.

Combien d’années me restent-elles à vivre, moi qui ne vivais que pour toi ? Me voilà bien seule. Je connais si peu de gens. J’ai si peu de choses à faire, hors travailler, et piloter. Je ne sais presque pas lire, je n’aime pas ça. Je ne sais pas rêver. Une conversion m’attend peut-être. C’est à cela que j’ai pensé en entrant dans l’église, hier. Je voudrais croire à quelque chose. Je t’aimais comme un enfant, aussi j’éprouve un peu de ce qu’éprouve l’orphelin.
Dans la solitude, je réfléchis mieux. Je réfléchis plus. Je cherche.
A travers les ténèbres, je cherche. Je te cherche, et ne te trouve pas. Alors je cherche.
Que chercher ? Chercher la meilleure façon de chercher. Chercher en sachant qu’on ne trouvera jamais.
Comment ai-je pu croire que je t’aurais jusqu’au bout ? La fin de nos vies m’apparaissait comme un moment chaotique au fond du long couloir de la vieillesse. Mais la vieillesse n’est pas là et tu es déjà parti. Je survivais, à tes côtés, presque heureux. Je ne croyais rien ni ne réfléchissais, ni n’imaginais autre chose que cela.
Autre chose est survenu.
Je t’aimais comme un enfant. Je t’aime et t’aimerai toujours comme un enfant. Mais pourquoi ai-je attendu ta mort pour te le dire ? L’avion est embué, comme mes yeux. Il ne me reste qu’à piloter, sans faillir, sans espérer, comme les grands ».

MCK00Z27 excommunié garde la soutane et reprend la musique.

Vous venez de lire le texte chanté tout le long du disque par MCK00Z-27.

MCK00Z27 avait disparu de la scène musicale depuis sa conversion au catholicisme traditionnel et son entrée dans le sacerdoce. Après douze années au service de la cause du catholicisme conservateur, le voilà excommunié, depuis plus d’un an, pour ses idées en faveur d’un élargissement du peuple de Dieu aux animaux. Cette excommunication n’a pas altéré sa foi ni sa confiance dans le culte traditionnel, nous assurent ses porte-paroles. Mais elle lui a permis de se replonger dans la musique, qu’il avait abandonnée. Comme nous nous en réjouissons, nous, dont la jeunesse a été bercée par ses symphonies tonales « ExtraTerrestre I, ExtraTerrestre II et ExtraTerrestre III ».

D’une zovéloppienne inconnue à la scène musicale mondiale

L’idole de la musique des années 2030 reparaît avec un disque plus beau que tous les précédents. MCK00Z27 a choisi de mêler le chant grégorien à un texte français, trouvé dans une poubelle par un habitant du village de Zovéloppe.
MCK00Z27 développe les mélismes sur cette plainte touchante, d’une femme, aviatrice de loisir, qui a perdu son compagnon de vie. Elle demeure seule dans ce monde, auquel elle est étrangère, par nature et par esprit.
Le chant grégorien profanisé n’est pas pour plaire à tout le monde. D’ores et déjà des voix bigotes s’élèvent contre ce « détournement » d’un chant censé demeurer dans le carcan de la liturgie”. Pourtant, en adaptant le grégorien à un texte profane, MCK00Z27 multiplie les possibilités de la musique grégorienne. D’aucuns ont parlé de « profanation » de la musique sacrée, alors que MCK00Z27 fait la différence entre profanation et profanisation.
Sans entrer dans la polémique stérile, nous ne pouvons que nous agenouiller devant cette œuvre, qui nous ramène un grand musicien disparu trop longtemps, et qui réveille la musique, la vraie, celle qui dormait depuis la fin du XIXème siècle.
Oui, 2045 est une date historique : celle où MCK00Z27 a dit à la musique : « lève-toi, et sois ». L’homme dont nous admirions les frasques rebelles a disparu. Mais le musicien, tout ensoutané, est là, vivant, vibrant, renouvellé. Il est plus puissant que jamais : nul doute qu’il touche l’éternité, au regard en tout cas de ses frères les hommes.


Chant grégorien et texte profane : au-delà des clivages, la Renaissance ?


Ainsi, le chant grégorien ravive la musique et la plonge dans un futur brillant. Rappelons que cette musique n’est pas tonale, comme notre musique classique, mais modale. En déviant la modalité du grégorien vers le profane, en déviant la composition profane actuelle vers la liturgie grégorienne, MCK00Z27 propose un mariage qui, les mélomanes en sont déjà persuadés, risque d’engendrer une nouvelle musique, aussi belle que la musique classique et aussi nouvelle qu’elle l’était lors du développement de la musique polyphonique, à la toute fin du Moyen-âge.
Ce renouvellement de la musique classique, associé à la découverte d’une littérature populaire émouvante, n’est-elle pas le signe d’une Renaissance de l’Occident, plusieurs siècles après la Renaissance due aux redécouvertes de l’Antiquité, mais cette fois, qui prendrait sa source dans les ténébreuses lumières du Moyen-âge ?