Ces bêtes qu’on abat : Un abattoir qui fonctionne « bien » (dimanche, 23 septembre 2012)
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un abattoir qui fonctionne « bien »
J’ai visité récemment un abattoir flambant neuf qui fonctionnait bien. D’un point de vue éthique, je n’approuve pas le fait qu’on tue des animaux, mais si l’on doit classer les abattoirs sur une échelle, celui-ci était moins mauvais que d’autres et même mieux que la plupart.
J’ai été surpris par le calme des activités et une absence de stress de la part des employés. Cela s’explique peut-être par le fait que cet abattoir neuf offrait de nouveaux outils de travail, comptait des postes bien aménagés. Tout cela contribuait à de meilleures conditions de travail que dans les autres abattoirs. Peut-être la faible production, c’est-à-dire la faible capacité des tueries, faisait-elle que les activités se déroulaient dans un calme apparent, le personnel ne subissant pas le stress des grands abattoirs où les cadences sont infernales. Ces conditions apportent un mieux-être animal certain, si l’on peut parler de bien-être animal dans un abattoir. Néanmoins, un plus existait en comparaison d’autresabattoirs et, dans ce cas, c’est cela qu’il faut prendre en compte puisque, pour l’instant, il n’est pas possible de faire disparaître les abattoirs.
Lors des abattages classiques, les bovins étaient conduits avec ménagement de la stabulation vers le poste d’abattage. Les employés, qui n’étaient pas poussés par des cadences à respecter, prenaient tout leur temps pour conduire les animaux. Ces derniers, dont je ne pouvais dire s’ils ressentaient ou non le stress, se laissaient mener calmement. Ils étaient conduits dans un box rotatif qui servait également pour l’abattage rituel. Une fois le piège refermé sur l’animal, un employé étourdissait les animaux en l’appliquant un pistolet à tige perforante sur la partie frontale. Les bovins tombaient aussitôt dans un état d’inconscience, une porte latérale était alors ouverte, permettant d’attacher les bovins par une patte arrière et de les suspendre avant de les saigner à la gorge. Ces opérations étaient effectuées rapidement, ce qui est important pour laisser le moins longtemps possible les animaux dans un état comateux après l’étourdissement.
Quant aux porcs, ils arrivaient par un couloir étroit qui finissait dans un piège : un box rectangulaire ouvert sur le dessus. La porte se refermait derrière chaque porc. Un employé les étourdissait à l’aide d’une pince électrique en l’appliquant pendant un bref instant derrière les oreilles. Les cochons tombaient instantanément dans un état d’inconscience, une porte latérale était ouverte et les cochons tombaient sur une table qui permettait à l’employé d’effectuer aussitôt la saignée. Ils étaient ensuite suspendus par une patte arrière. Par nature plus criards et plus sensibles, les cochons étaient un peu plus apeurés que les bovins ou, du moins, cela se constatait plus facilement. Mais les employés faisaient le maximum pour les ménager. On pourrait me dire que le mieux qu’un employé aurait pu faire pour ces cochons aurait été de ne pas les tuer. C’est vrai, mais tant que persistera la demande en produits carnés, il y aura des abattoirs. C’est donc aux consommateurs qu’il faut s’adresser, afin que, s’ils ne veulent pas arrêter de manger de la viande, ils en réduisent au moins la consommation.
Chaque poste d’abattage était bien équipé, doté du matériel prévu pour un abattage dans de bonnes conditions de sécurité pour le personnel et de « bien-être » pour les animaux. Ainsi, le poste d’abattage des ovins était pourvu d’un piège mécanique qui permettait de coincer l’animal pour qu’il ne coure pas dans tous les sens dans le local, permettant à l’employé de ne pas rater son abattage. Ce piège servait également à l’abattage rituel pour éviter, comme cela se pratique encore, de suspendre l’animal par les pattes arrière alors qu’il est encore vivant.
Le box rotatif des bovins permettait d’effectuer l’abattage rituel dans de bonnes conditions, car à l’intérieur, des volets pouvaient se rabattre pour pratiquer au mieux leur contention, quelle que soit la taille des bêtes. Le sacrificateur musulman était muni de l’autorisation lui permettant de pratiquer un abattage rituel. La stabulation était également bien conçue avec quelques box libres et des logettes à une entrée, et une sortie. L’ensemble était pourvu d’abreuvoirs. La stabulation était accolée aux postes d’abattage, évitant ainsi aux animaux de parcourir des distances trop longues, et aux employés un grand nombre de manipulations.
En somme chaque poste avait été bien pensé, dans le respect scrupuleux des directives réglementaires en vigueur. L’absence de stress chez les employés permet, c’est certain, de ne pas en communiquer aux animaux. Il serait préférable d’avoir plusieurs petits abattoirs à proximité des élevages où l’animal est pris en compte, plutôt que les grosses structures actuelles où l’animal vivant n’est qu’un produit qui sert à alimenter les chaînes d’abattage afin d’éviter des trous dans les cadences.
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