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Poésie

L'abîme

L'abîme

Tes caresses ont laissé mon corps en ruines.
Que dire de tes baisers ?
C’est quand l’amour part en fumée
Que l’on regrette l’amour,
Mon amour.
Arrête ; notre passion est un cendrier.
Avoir le spleen à deux, la nuit,
Dans la ville,
Au milieu des feux rouges et des sens interdits.
La recherche de l’inédit te soulèvera ;
La passion de l’interdit te perdra.
Mais l’inédit,
Avant même d’être effleuré,
Est interdit.
Qui est la rime masculine,
Qui est la rime masculine,
Dans notre strophe ?
Les voitures glissent sur la chaussée mouillée ;
Les motos aussi.
La pluie tapote,
Nous marchons sous la lune.
Tu regardes la cîme des arbres
Et je regarde tes chaussures.
Trouve-moi un autre truc romantique,
Que j’arrête de fumer.
La fille dans le bus qui vient de nous croiser,
Avec des bagues aux doigts,
C’est ma sœur.
Les bars me sauvent,
Les bars me perdent.
La petite tasse de café,
Eclairée par les néons dégueulasses,
Est vidée.
Je n’ai plus rien à faire ici sans la chaleur du café.
Je change de bar.
On commence plein de cahiers sans les finir.
Que le monde est injuste de permettre les rêves,
Sachant qu’ils ne seront jamais réalisés…
Une petite joie flotte dans mon ceour.
Les potes ont trouvé du boulot,
Mon pote.
Il va falloir s’en sortit vite.

Une petite joie flotte dans mon cœur.
Le gros chagrin s’envole un peu ;
Il reviendra,
Bien-sûr.
Mais ce n’est pas dommage :
Lui aussi
Me porte
Et m’entraîne
Loin,
Au delà des journées juste passées à ne pas s’ennuyer.
Demain sera chargé d’éspoirs.

Des sourires sont posés dans les pâles couleurs du ciel, tu peux les voir à travers ta bière.
Où sont passées les bouches qui les ont formées ?
Je reconnaîs certaines lèvres, j’erre dans la banlieue vide, bleue-grise, de hautes tours et de terrains vagues en rêvant aux amis disparus.
La trace de leurs sourires morts brille bien plus haut que les arbres, ils brillent à travers les nuages et je songe à sourire, moi aussi.
Ainsi les chiens et les marcheurs pourront rêver de m’attraper ; un jour les chiens et les marcheurs pourront rêver de m’attraper.
Mes pauvres fidèles se tapent mes délires, mais comment ne pas laisser le délire vous envelopper et vous guider quand vous savez que de l’autre côté de la ville, il y a la plage et puis la mer… Survivances du temps où là ou je marches se dressaient ddes collines, là ou je fume dormaient de grands champs…
Sur la route de la côte, celle qui mène à la plage, un bar.
Dans ce bar solitaire, qui voit passer des fous, des bières et une fenêtre.
Par la large fenêtre, la mer.
A l’horizon sur la mer, un bateau de vent.
A l’autre bout de la mer, un archipel, une île.
Sur l’île, les enfants que tous nous avons dû assassiner pour savoir vivre dans la ville.
L’enfant que j’ai assassiné pour apprendre et pour supporter de vivre dans la ville.
A quoi servent les cartes bleues et les immeubles quand on sait que l’on va mourir ?
Si les humains savaient qu’ils vont mourir, ils vivraient au lieu d’organiser la vie.
Ils contempleraient au lieu de tuer la vie.
La libération des animaux est elle possible ?
J’aimerais bien faire partie d’une organisation qui préparerait les temps à venir, l’ère antispéciste.
Demain sera bien.
L’abîme gris coupe la ville en deux ;
Les montres se sont arrêtées.
Le temps du temps est mort,
Nous pénétrons avec frayeur dans l’ère de l’espace.
Le verre fumé plein d’eau est carré désormais,
J’ai bu tout mon café,
J’ai reposé la tasse auprès du cendrier.
Qui peut encore m’envoyer des lettres ?
On m’a lu l’avenir hier,
Dans une feuille de coca.
L’avenir était laid, j’ai bu pour oublier.
Comme les cigarettes
Les paroles partent en fumée
Mais blessent sur le long terme.
Le ciel est encore plus haut,
Sa couleur est plus faible,
Mais le fond de l’âme demeure.
Si mes calculs sont bons, il est cinq heures vingt-trois.

Il a sourit, dévoilant toutes ses dents.
Alors commença la rupture.
Les arbres nous ont regardé avec ironie,
Leurs feuilles souriaient.

Des mégots m’encerclent, des mégots imbéciles.
Je ne veux plus les voir.
A midi, j’irai déjeûner, mon amour,
Mais je ne reviendrai jamais.

Ah ! ah ! ah !
Il était trois heures de l’après-midi
Et je marchais depuis l’aube.
Je suis arrivée sur une route,
Et me suis battue avec un panneau sens-interdit.
Le connard s’acharnait, il gît
Il gît sur la route ensoleillée
Et je me dresse,
Je hurle au ciel, j’ai gagné,
J’ai gagné, roi du monde !
J’ai gagné,
J’ai gagné, roi du monde !

J’ai vêcu dans des villes immenses et très logiques.
Leur géométrie reglait mes pensées.
On voulait me faire payer pour en partir.
J’ai trouvé un truc,
Un passage,
Et j’ai forcé la frontière.
Le néant m’attendait,
Charmant,
Désordonné,
Inutile.
Il m’a fait l’amour jusqu’à ce que je me lasse.
A mon réveil,
J’ai réalisé que je n’avais pas quitté la ville.
Depuis, je sais rêver.

SAN JUAN MARCO, 2002.
Au bout de la rue vide et longue, le soleil coule comme du miel mais il ne s’étend pas jusqu ‘au bar.
Tous les immeubles sont vides,
Croulants,
Déserts,
Inhabités.
Quelques panneaux sens-interdits subsistent, bancals.
Un drapeau américain gît.
Une société est morte, mes frères,
Et vous voulez tout reconstruire.
Vous planifiez,
Vous votez,
Vous débordez d’énergie.
Vous creusez des fondations.
Et moi, je dis non.
Viendras-tu avec moi,
Fille de cristal ?
Prends tes cigarettes et ton châle,
Tes talons aiguilles et tes chansons anciennes,
Ou bien reste.
Je vais marcher jusqu’à la forêt,
Et je la préserverai de vos coups de hache.
Je vais marcher vers mes frères animaux ,
Et je les préserverai de vos coups de fusil.
Adieu amis,
Vous ne savez pas respecter et peut-être ne sais je pas progresser.
Adieu humanité,
Tu ne sais pas vivre,
Et peut-être ne sais je pas travailler.