Douche tiède (mercredi, 04 octobre 2017)

Affreuse procrastination qui me pourchasse l'âme depuis plusieurs jours, je rêve de devenir quelqu'un d'autre, je passe mes jours à décider de tout ce que je ferai demain, pour ne pas sentir qu'aujourd'hui je ne fais rien, mais « demain on rase gratis ». Certes les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent... Mais dans mon cas, je suis le barbier et le client du barbier, celui qui promet et celui qu'on berne. Oui, la procrastination naît de la dichotomie entre celui que je suis et celui que je crois être, ou bien entre celui que je veux être et celui que je ne peux pas m'empêcher d'être. Bref, j'ai beau avoir épuisé mes doigts à jouer Bartok sur le clavier ce matin, j'ai beau passer un disque d'extraordinaire musique de post-rock ambient lent et puissant qui transforme mon appartement poussiéreux en vaisseau spatial intergalactique, j'ai beau avoir décidé hier qu'aujourd'hui serait formidable, je suis en train de renoncer à travailler pour me contenter de décider que ce sera surtout demain qui sera bien. Tomorrow never comes, disait mon oncle californien Nathan Smith-Durand et je commence à croire ce vieux fou que je n'ai pas rencontré plus de trois fois dans ma vie.

La petite ville de province où je suis venu vivre pour tenter de me défaire des soirées trop poudreuses et trop sonores de la région parisienne me paraît plus morne que jamais. Au bord du lac, des vieux couples se promènent sans rien se dire. Toujours cet éternel ancien militaire d'une quarantaine d'années avec ses trois chiens malinois et son air hagard. Et moi qui cours et ne parviens même pas à faire le tour du lac. Le souffle court, je fais demi-tour, je rentre m'enfermer dans cet appartement, que j'aime ou que je hais en fonction de la lumière que le soleil y envoie et de l'état de mon travail. Aujourd'hui, je n'éprouve aucun sentiment pour cet appartement. J'attends que l'inspiration veuille bien revenir, car chaque fois que j'ouvre un document de mon ordinateur pour tenter de terminer un épisode inachevé, les phrases écrites il y a quelques jours me dégoûtent et j'ai l'impression bizarre que reprendre ces textes revient à réingurgiter mon propre vomis (pardonnez-moi cette image précise mais laide). Procrastination, donc, pour aujourd'hui. Les cinq séries sur lesquelles je travaille actuellement m'inspirent autant que le plat de coquillettes froides qui traîne à côté de l'évier depuis hier soir. Je ne vais reprendre une sempiternelle douche chaude puis froide puis chaude puisque même ces douches ne me réveillent plus de ma torpeur. Il est déjà 18h12, il ne s'est rien passé de productif aujourd'hui chez moi. Et comme je suis enfermé dans cette coquette ville de province entourée de forets je ne peux prendre un RER pour rejoindre une fête ou une exposition ou un dîner et m'abîmer dans des mondanités vénéneuses mais addictives. Non, rien que le vide, la musique ambient lente et lourde, l'ordinateur qui me hait et, peut-être, une visite au supermarché Carrefour pour acheter des sushis sous vide et des bières pas assez brassées.

Kevin M-L

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