À jamais inconnus l'un à l'autre (samedi, 25 février 2017)

Un temps qu'il fait, une bière, une musique, un roman, un état d'âme. C’est ce que je voulais partager avec vous hier. Vous étiez beau, dans votre chandail gris clair, en laine chaude. Vous sembliez absorbé par une contemplation dont j’aurais voulu connaître la cause. Le climat doux et frais réjouissait mon âme – et la vôtre ?

Je buvais une bière blanche de Belgique et vous restiez debout au comptoir, sans porter aucun verre à vos lèvres. La radio du bar diffusait une musique sans caractère mais j’avais entendu le matin même le requiem d’Howells, et je savais que le soir, j’assisterais à un concert de Nils Petter Molvaer. Vous m’avez demandé : « avez-vous terminé l’écriture de votre roman ? » et je ne sus que vous répondre, mais j’aurais voulu vous demander qui vous préfériez parmi les personnages de Guerre et Paix, et quel roman vous emporteriez pour un trop long voyage en train.

Je n’éprouvais qu’un contentement impatient d’être là, en présence de vous, et vous, quel était votre état d’âme ? Vous parlez si peu de vous, vous parlez si peu. Je parlais de tout et de rien et vous répondiez d’un air vague.

Depuis deux ans, combien de fois n’ai-je pas réussi à vous rencontrer ? C’est dommage, car j’aime vous voir enfourcher votre moto dans la ville hivernale, et j’ai souvent rêvé de me hisser derrière vous pour filer dans les latitudes des après-midi perdues.

 

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Angélisation lente, Extrait du journal de Kevin Motz-Loviet

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