Signes et augures (samedi, 11 juillet 2015)

Vere, tu es Deus absconditus...

Sous mes yeux, des livres qui ont nourri mes songes. Heidi, Mon amie Flicka, Les secrets de la lande, et la série des Sir Jerry. Ils attendaient depuis la génération précédente sur les étagères poussiéreuses du Lapinodrome, ainsi avait-on baptisé la chambre où dormaient les enfants.

Ces titres de la bibliothèque enfantine me font penser qu'il y a belle lurette que je n'ai pas entendu le chant du coucou. Les cris sempiternels des goélands ont remplacé le concert des nations des oiseaux, chatoiement sonore aux infinis développements mélodiques.

Il n'est pas bienséant de penser que nous sommes trop d'êtres humains sur cette terre.

La respiration du monde nous survivra.

 

Trente ans plus tard, j'ouvre un autre livre, j'y lis :

"Un autre signe - cette fois de mauvais augure - fut la visite de la section contemporaine du musée du Vatican, qui fait suite aux antiques et aux collections de peintures réunies par les anciens papes. Devant ces croûtes, on est saisi d'une épouvante qui va au-delà de l'art. Nulle part la détresse du christianisme moderne n'apparaît dans une lumière aussi crue - une lumière d'hôpital. Devant ces pauvres choses agressives (on descend jusqu'à Bernard Buffet !), on cherche le plus fugitif reflet de la majesté que Raphaël, dans les Loges toutes proches, transmettait du divin et au divin.

Enfin, une expérience que tous ont faite. C'était à la Biennale de Paris. On parcourait des salles capricieusement jonchées de débris, de petits tas de sable, de machines vrombissantes. Aux murs, des objets calcinés, des restes macabres de quelques camps de la mort, des choses obstétricales à chavirer le cœur ou encore un tube de néon. Je pourrais ici entonner le thrène de la mort de l'art, me mettre du côté du gardien hagard assis accablé dans un coin de la salle".

Alain Besançon, dans son introduction à son ouvrage L'image interdite - Une histoire intellectuelle de l'iconoclasme (Fayard, 1994).

 

Ce matin, au petit-déjeuner, ma mère m'a dit : "On peut dire qu'en deux-cents ans, toutes les civilisations du monde ont disparu et ont été remplacées par l'américaine".

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