Le mage (jeudi, 10 juillet 2014)

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Le conteur de Bagdad, ou le peintre Wang Fo de Chine, possède le pouvoir d'éblouir les individus dans leur fort le plus intérieur, d'envoûter les foules anonymes. C'est lui dont la parole change les rêves des autres, dont le souffle donne vie, dont les visions transforment les autres en bâtisseurs du monde qu'il a conçu dans la solitude.

Ce pouvoir occulte de l'artiste, il le tient de son rôle de passeur.

Tandis que ceux qui l'écoutent, le regardent, attendant sur la rive, il manœuvre sa barque avec sa rame et glisse sur les vieilles eaux mortes du monde, charriant la poussière des histoires taries et les ruines des nécropoles de notre mémoire commune, pour susciter avec cette vase de nouveaux grouillements de vie.

Nulle science, nulle technique, nulle sagesse n'égale sa puissance. Nulle spéculation n'entrave son cours.

Car le fluide du mage est aussi informe qu'incessible. Venu, peut-être, de la nuée invisible, il est Mystère et Sanctuaire.

Mendiant ou prince, le mage est jalousé, car il est passeur d'images.

Pourtant, parmi l'assistance, celui qui devine le prix de ce don considère aussitôt la barque avec horreur et ne jalouse plus jamais le don du passeur.

(Transmissions des générations, migrations entre les continents, initiations ésotériques, le passeur qui fait payer le passage n'est pas un vrai passeur. Arrière, faquins ! )

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