Les pompes et les oeuvres (lundi, 19 mai 2014)
Tu dis que, plusieurs fois, tu as connu le pillage de tes idées. En cherchant un canal pour les diffuser, en les découvrant face à des personnes aux commandes, tu t'es vu opposer une fin de non-recevoir ; quelques semaines, quelques mois, quelques années après, par hasard, tu as repéré que ton travail avait été entièrement pompé, et diffusé sous une autre signature.
C'était inévitable. A moins de naître à l'endroit même où se décident les événements, tu n'es qu'un pion qui avance péniblement dans le labyrinthe de cette société dont le fonctionnement ésotérique est dissimulé par ces mots : liberté, égalité, fraternité.
Soldat de ton propre travail, sois prêt aux mauvaises rencontres, aux malotruands.
Sur les chemins de campagne de la fin du moyen âge, des brigands se promenaient déguisés en moines pour prendre par surprise le voyageur à détrousser. Dans les immeubles de nos villes, les pillards sont déguisés en personnes sincères, ouvertes, chaleureuses, compassionnelles, tolérantes et solidaires.
Ne sois pas naïf. Apprends à discerner. Chaque jour, pratique la musculation mentale et psychologique.
Ne sois pas paranoïaque. Apprends à dissiper. Chaque jour, abandonne au passé ses vieilles nécropoles de rêveries trompées.
Qui trompe la vie trompe la mort. Mais rien ne trompe le temps.
Ne te trompe pas : le vrai créateur ne te volera rien. Ses ressources intérieures sont illimitées.
Le vrai chercheur, sache-le, remonte toujours vers la source. S'il a aimé une oeuvre ou une idée, il en suivra avidement le cours et il parviendra ainsi jusqu'à toi. Quel que soit le temps que cela prenne.
Apprends encore que le pompeur, quelle que soit sa puissance en ce monde, meurt aussitôt que la mort l'empêche de continuer à pomper. Car son oeuvre n'est nourrie que de l'extérieur, comme une plante qui n'a pu pousser qu'aux engrais et n'a aucune relation avec la terre qui l'abrite. En revanche, l'oeuvre pourvue du souffle authentique qui l'a fait surgir, continuera à inspirer bien après la mort de son auteur, quelle que soit l'obscurité dans laquelle il a vécu.
Ton pompeur connaîtra le succès suprême, mais patience. Toutes les époques s'écroulent sous le poids de gloires tentaculaires aussi éphémères qu'une fausse nouvelle de guerre, qu'un scandale de la troisième République, qu'un événement qui fait jaser toute la cour de Versailles durant trois mois. Aux pompeurs, les publics faciles et artificiels.
Aux créateurs, les audiences faites d'individus qui cherchent.
Sur les matériaux authentiques, le temps agit comme un ami. Il leur confère une patine qui les teinte d'élégance et de mystère, et parachève ainsi le travail de l'auteur.
Le temps, maître patient et implacable, ne se reconnaît pas dans les jeux pipés des tricheurs.
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Commentaires
"Ce n'est pas le temps qui passe, madame, hélas! C'est nous qui passons" Ronsard
Écrit par : Trafic | mardi, 20 mai 2014
Oui, mais quand vous serez bien vieux le soir monsieur ronsard à la chandelle assis auprès du feu curant votre bonne vieille pipe paysanne direz vous ressouvenant de mon blog et de l'époque ou vous le lisiez "AlmaSoror me célébrait du temps que j'étais intelligent"
Écrit par : Fanny Fan | jeudi, 12 mars 2015